Au Moyen-Age, Charlemagne, ému par les premières invasions des Normands, met les côtes en état de défense. Il donne à son fils, Louis le Débonnaire, chargé du gouvernement de l’Aquitaine, l’ordre de construire sur l’îlot d’Antros, une chapelle dont la tour servirait de fanal. Sous la domination anglaise du XIVe siècle, le Prince Noir fait ériger une deuxième tour, ainsi qu’une chapelle dédiée à Sainte-Marie. Cette tour, bâtie après 1362, semble être dès 1409 en mauvais état.

Vers le milieu du XVIe siècle, la tour du Prince Noir menace ruine. Mais ce n’est qu’en 1582, sous le règne d’ Henri III, que l’architecte et ingénieur Louis de Foix, sera chargé de la reconstruire. Le 2 mars 1584, en présence du maréchal de Matignon, gouverneur de Guyenne, et de Michel de Montaigne, maire de Bordeaux, Louis de Foix signe le contrat par lequel il s’engage à construire sur l’îlot de Cordouan, un nouveau phare qualifié d’œuvre royale.

La construction ne s’effectue pas sans difficulté. Sous le règne d’Henri IV, l’architecte envisage un agrandissement et un embellissement de l’édifice. Les travaux reprennent, mais vu la situation financière difficile, ils dureront jusqu’à la mort de Louis de Foix. L’achèvement des travaux n’a lieu qu’en 1611: le phare comporte alors 3 étages et une lanterne.

Au XVIIe siècle, la tour présente quelques signes de fatigue. Colbert décide de la restaurer et lui donne la physionomie et l’ornementation que nous lui connaissons aujourd’hui.

Sous le règne de Louis XVI, un projet de surélévation de la tour est envisagé, afin de la rendre visible de plus loin. Il aboutit à la construction de la partie supérieure par l’ingénieur Teulère, en 1789, qui porte ainsi la hauteur du phare à 67,50 mètres.

Cordouan, qui fête ses 400 ans cette année, est ainsi le plus ancien phare de France, et l’œuvre de plusieurs rois. Il garde l’entrée de l’estuaire de la Gironde, et annonçait jadis, aux bateaux étrangers qui gagnaient le port de Bordeaux, la grandeur et la magnificence du royaume.

L’appartement du lieutenant du roi est composé de deux pièces lambrissées de chêne. Il accueillait les autorités de tutelle lors des contrôles sur le phare. Le mobilier date de Napoléon III. La seconde pièce contient plusieurs lits anciens et une table de toilette.

Au premier étage, s’ouvre l’Appartement du roi, au sol en marbre blanc et noir. La porte est encadrée de deux cheminées: celle de droite servait aux gardiens jusqu’en 1789, celle de gauche est factice.

Les portes et fenêtres sont surmontées d’ornements ajoutés au cours des siècles, en hommage aux souverains qui ont contribué à sa construction. On y reconnaît le chiffre de Louis XIV et de la reine Marie-Thérèse.

La chapelle est la dernière salle datant de la construction par Louis de Foix. Tout autour de la salle, dont le sol est en marbre gris et noir, des écussons encadrés de guirlandes rappellent les blasons royaux, surmontés de la couronne royale. Deux écussons sont monogrammés Henri III et Henri IV.

Le plafond à caisson est taillé directement dans la pierre. Au dessus de la porte se dresse le buste de Louis de Foix. Une plaque rappelle les restaurations sous Louis XIII et Louis XIV, et un éloge de Louis de Foix.

Dans la chapelle, comme dans toutes les salles du phare, un trou circulaire, ou oculus, permettait aux gardiens, à partir de 1790, de monter au sommet de la tour, à l’aide d’un palan, les combustibles nécessaires à l’éclairage de la lanterne. Il permet d’admirer, entre-autre, la somptuosité des pavements de marbre, tous différents à chaque étage.

La salle des Girondins est la première salle datant de l’exhaussement par Teulère. Son nom fait référence aux représentants de la contrée à l’assemblée constituante. L’intersection de l’escalier avec le plafond donne à ce dernier une forme de cœur tout à fait caractéristique, que l’on retrouve dans les salles supérieures.

Depuis le sommet, la vue embrasse l’estuaire de la Gironde, dont le phare garde l’entrée, et toute la côte charentaise. Cordouan a été classé monument historique en 1862, en même temps que Notre Dame de Paris. Depuis sa construction, des générations de gardiens se sont succédées.

Aujourd’hui encore, il demeure le dernier phare français sur lequel vivent et travaillent des gardiens. L’Association pour la Sauvegarde du Phare de Cordouan, créée en 1981 pour convaincre l’administration de ne pas abandonner l’édifice, lutte depuis, pour sa préservation. (Un grand merci à Francky pour cet article et les photos. De la part de Francky : « Par cette ouverture sur le grand large, j’en profite pour souhaiter un très bon été à Régine et aux lecteurs de Noblesse et Royauté, et de bonnes vacances à ceux qui auront la chance d’en prendre… »)