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C’est un livre très fouillé qui est paru aux Editions Racine « Lilian et le Roi » revient comme son titre l’indique sur le parcours de la princesse Lilian, épouse du roi Léopold III. Cet ouvrage retrace sa vie depuis sa naissance à son décès en 2002. Lilian Baels ne laissa personne indifférent : on l’admirait ou on la haïssait. C’est aussi tranché que cela. Sa grande beauté, sa vive intelligence, son aisance en société, son bagout et son multilinguisme parfait subjuguaient ou la rendaient insoutenable.

Issue de la bourgeoisie flamande avec un père qui fut ministre et gouverneur de province, cette grande adepte du golf et de la chasse, conquit le cœur du roi Léopold III au début de la Deuxième Guerre Mondiale alors que celui-ci était veuf depuis 5 ans de la mythique reine Astrid.

Leur mariage digne d’une saga (mariage religieux sans aucune valeur légale et contraire à la constitution car célébré avant un mariage civil) puis un mariage civil car Lilian était enceinte du prince Alexandre, sidéra l’opinion publique mais aussi la classe politique en grande partie hostile au fait que le roi soit resté en Belgique et n’ait pas suivi le gouvernement en exil. D’une part on reprochait amèrement que le roi prisonnier des Allemands en son château de Laeken ait cette faculté de se marier et d’autre part on n’accepta pas que le roi « remplace » la bien-aimée reine Astrid.

Pourtant l’harmonie familiale régna avec les princes Baudouin et Albert ravis d’avoir une présence féminine et qui l’appelèrent « Mumie ». En revanche liens plus tendus avec la princesse Joséphine-Charlotte qui passait alors des périodes auprès de sa tante la reine Marie José d’Italie. Les relations entre cette dernière et sa belle-soeur Lilian évoluèrent au fil des ans, jusqu’à une brouille. Avec la reine Elisabeth, relations aussi en dents de scie avec des hauts, des bas et des froids comme lorsque la reine dut quitter Laeken pour s’installer au Stuyvenberg au retour de la famille de Léopold III.

Lilian était une femme de trempe, aux convictions très arrêtées. Le livre d’Olivier Defrance met en perspective divers témoignages sur des épisodes marquants de la vie de la princesse et du roi lors de leur déportation en Allemagne puis en Autriche, lors de l’exil au moment de la Question royale en Suisse, les nuançant, les infirmant ou les confirmant mais tordant aussi le cou aux rumeurs qui ont la peau dure.

Episode particulièrement douloureux pour Lilian : la mort de sa mère. il fut interdit par le gouvernement belge de venir de Suise même discrètement à Ostende pour l’accompagner dans ses derniers instants ainsi qu’aux funérailles. La princesse écrit dans une lettre que c’est là probablement le sacrifice le plus dur qu’elle eut à payer.

Après le mariage du roi Baudouin, Léopold III et Lilian avec leurs enfants déménagent vers le domaine d’Argenteuil, comme cela avait été décidé sous l’impulsion du gouvernement de longs mois auparavant. Ce sera le schisme entre les deux « Cours ». Mais donc ce déménagement ne fut pas précipité pendant le voyage de noces en Espagne de Baudouin et Fabiola, tout avait été conclu de longue date. Lilian ne tenait pas plus que cela à sa vie Laeken mais pour elle ce déménagement signifiait d’une certaine manière que la classe politique avait eu gain de cause.

Que s’est-il concrètement passé ? Il était évident que les deux familles ne pouvaient continuer à vivre sous le même toit à Laeken. Baudouin I devait définitivement se détacher de l’emprise (pourtant fort effacée) de son père (qui voyageait beaucoup) auquel il succéda bien malgré lui en 1951. La frontière n’était pas assez clairement soulignée entre les relations père/fils et père/souverain.

On y apprend que Baudouin n’informa ses parents de son mariage que la veille de ses fiançailles ! Mais qu’est-ce qui provoque concrètement la cassure entre Joséphine-Charlotte, Baudouin et Albert et celle qui les éleva ? La correspondance entre eux ne permet pas de le cerner. Certes, il y a une grave crise conjugale entre Léopold et Lilian qui a découvert une infidélité de son époux. Avec le temps et l’intervention de la reine Elisabeth, ils se rabibochèrent. Lilian avait décidé de ne pas paraître au mariage d’Albert et Paola.

Les enfants prirent-ils le parti de leur père face à Lilian qui voulut divorcer ? La rupture avec Lilian sera totale même si Léopold gardera un contact épisodique avec ses enfants. Il refusera d’assister après le baptême du prince Philippe dont il est le parrain aux fêtes de famille pour faire bloc avec son épouse avec qui il s’est durablement réconcilié. On a évoqué des querelles pour des bijoux de la reine Astrid que la princesse Joséphine-Charlotte souhaitait récupérer mais rien ne filtre des écrits dans lesquels on fait allusion à des rencontres qui se sont soldées par d’évidents blocages.

Mais celle qui fut toujours la mal-aimée de la famille royale se consacra alors avec passion à sa fondation de cardiologie créée pour aider les familles ayant un enfant devant être opéré comme ce fut le cas pour son fils Alexandre. Il faut dire que nul ne proposa jamais à la princesse un quelconque patronage et on ne trouve ni école, ni rue portant son nom…

La princesse suivit régulièrement son époux dans ses missions d’exploration aux quatre coins du monde et notamment avant l’indépendance au Congo.

La mort en 1983 du prince Charles ne permit pas une réconciliation familiale. Léopold III et Lilian refusèrent d’assister aux funérailles nationales de l’ancien régent qui e son côté avait tenté dans les années 70 un rapprochement vers Lilian.

La mort de Léopold III fut un coup terrible pour la princesse. Ce jour-là, le roi Baudouin ne put contenir ses larmes.

La princesse choisit de continuer à vivre discrètement à Argenteuil où elle recevait des personnalités politiques et du monde scientifique. Elle n’approuva évidemment jamais le départ de sa fille la princesse Mari Christine qui se maria à deux reprises, n’accepta jamais de rencontrer Léa Wolman épouse de son fils le prince Alexandre et mit du temps à ouvrir son cercle familial à Salvador Moncada, époux de la princesse Esmeralda, qui fut la seule à lui donner eux petits-enfants Alexandra et Leopoldo. 

Elle refusa d’assister aux funérailles du roi Baudouin qu’elle n’avait pour ainsi dire plus jamais vu depuis 1960. Ses enfants la représentèrent. En 1999, le roi Albert l’invita au mariage de son fils Philippe mais elle déclina à nouveau, estimant que sa place n’était pas au sein de la famille royale et transmis ses meilleurs voeux à ce « petit-fils » qu’elle ne connaissait pas…

Vivant entre Argenteuil et son cher chalet d’Hinterniss en Autriche, Lilian porta jusqu’à son dernier jour le poids de son destin royal. Sa propre mère apprenant son mariage avec le roi, l’avait violemment giflée, consciente des épreuves que cela supposerait pour sa fille. Elle les sous-estima grandement…

« Lilian et le Roi », Olivier Defrance, Editions Racine, 2015, 334 p.