Vendredi 23 février 2018, le prince héritier du trône du Chrysanthème a fêté ses 58 ans et prononcé un discours qui risque de marquer les esprits. Le prince, qui doit succéder à son père l’empereur Akihito le 1er mai 2019, a notamment déclaré : « Je pense que ce que les gens attendent des fonctions officielles changera en fonction des changements sociaux et qu’il serait important de répondre aux nouvelles demandes. »

Le prince Naruhito a aussi déclaré qu’il estimait qu’il serait essentiel de « rester aux côtés du peuple, d’écouter son opinion et de rester proche de ses préoccupations », la même phrase que l’empereur a utilisée dans son message vidéo pour décrire ses sentiments sur son principal et plus important devoir d’empereur.

Le prince a ensuite confirmé qu’il serait important pour lui de « continuer à chercher » le rôle approprié pour l’empereur en tant que symbole de l’Etat tout en « partageant les joies et les peines du peuple et en souhaitant son bonheur » et tout en « considérant » ce qui est stipulé dans la Constitution.

Il a également exprimé son désir d’avoir le plus souvent possible l’occasions d’interagir avec les citoyens.

Ce qui peut apparaître comme un discours tout à fait « évident » pour un prince héritier qui se prépare à accéder au trône, n’en est en fait pas un. Les propos tenus visent très clairement (si l’on sait lire entre les lignes) plusieurs controverses qui ont agitées le pays ces dernières années.

Alors qu’en tant que « symbole de l’unité du pays » l’empereur et la famille impériale ne sont pas censés parler de politique publiquement, à la suite de son père l’empereur Akihito, le prince héritier semble lui aussi faire front de façon détournée.

« Rester près du peuple » et « écouter son opinion » ressemblent très fortement à une critique masquée du gouvernement actuel qui entend réformer la constitution japonaise afin de reconstituer une armée nationale, alors que cette constitution stipulait que le pays, afin de rester pacifique, n’avait pas le droit d’en avoir une.

Seule une force d’auto-défense avait jusqu’à alors été mise sur pied, en cas d’attaque sur le territoire. Or, le peuple est majoritairement contre ce changement constitutionnel depuis le début des débats sur le sujet.

A n’en pas douter, il s’agit aussi d’une rebellion déguisée contre l’Agence Impériale (Kunaicho) – mais aussi le gouvernement encore une fois – qui continue d’empêcher toute réforme de la maison impériale, afin que la princesse Aiko, fille du prince héritier, puisse accéder au trône, ou que les femmes de la famille impériale puissent conserver leur statut après leur mariage et créer leur lignes impériales (à égalité, donc, avec les hommes).

Alors que les derniers sondages montrent que, sur ces deux points, les Japonais sont majoritairement favorables à un changement en ce sens.

Enfin, le propos sur le désir du prince héritier d’aller plus souvent au contact du public, est là encore une façon de dénoncer l’absence de liberté dont souffre la famille impériale dans ses déplacements et ses devoirs.

Est-ce que ce discours en forme d’appel sera entendu par les personnes qu’il vise ? Impossible de le savoir à ce jour, puisque le gouvernement et le Kunaicho n’ont jamais vraiment tenu compte des avis de la famille impériale dans leur gestion des affaires.

En revanche, il est à peu près sûr que le peuple japonais, lui, l’aura entendu et sera prêt à montrer son soutien dès que nécessaire ! (Merci à Olivier d’Abington)