Béatrix des Pays-Bas, Albert II, roi des Belges et Juan Carlos d’Espagne, trois monarques qui ont choisi d’abdiquer en l’espace d’un an. Comment vivent-ils depuis leur retraite du pouvoir ? En fait, de manière fort différente selon chacun.

Lorsqu’elle annonce son intention d’abdiquer le 30 avril 2013 en faveur de son fils Willem-Alexander, la reine Béatrix des Pays-Bas est au sommet de sa popularité. Reine depuis 1980, elle avait aussi succédé à sa mère Juliana suite à une abdication, monnaie courante à la Cour des Pays-Bas. Près de 35 ans de règne où Béatrix a su imposer sa majesté, sa rigueur au travail et au fil du temps aussi sa sensibilité. Très éprouvée par la maladie de son époux puis son décès en 2002, elle vit les derniers mois de son règne avec la douleur de savoir son fils le prince Friso dans le coma.

Suite à son abdication, Béatrix des Pays-Bas a repris son titre initial de princesse. Elle a quitté le palais royal pour se réinstaller au château de Drakensteyn où elle vécut heureuse avec son époux le prince Claus et leurs trois fils jusqu’à sa montée sur le trône. On imagine aisément que son emploi du temps étant plus allégé, Béatrix a désormais plus de temps pour être auprès de ses huit petits-enfants dont cinq d’entre eux vivent à Bruxelles et à Londres.

Mais Béatrix n’a pas pour autant tiré un trait comme le fit sa mère la princesse Juliana sur sa vie publique. Elle continue à assurer plusieurs activités officielles chaque semaine, principalement centrées sur le domaine culturel. Elle a aussi effectué un voyage aux Antilles néerlandaises.

Lors des visites d’Etat, elle est côté des nouveaux souverains. Bien qu’elle ne soit plus reine, lorsqu’elle apparaît auprès de son fils et de sa belle-fille, Béatrix est au premier plan. A la Cour royale des Pays-Bas, dans ces cas-là pas de chichi avec l’étiquette et le protocole, ce qui prime c’est assurément le grand respect que son fils lui voue et sa qualité de cheffe de clan.

Dans son discours annonçant son abdication après presque 20 ans de règne, Albert II précise qu’il va certes se retirer mais qu’il ne sera jamais loin. Âgé alors de 79 ans, il est le monarque le plus âgé en exercice qu’ait connu la Belgique au cours de son histoire. Albert II bien qu’héritier du trône depuis 1951, n’aurait jamais imaginé succédé un jour à son frère adoré le roi Baudouin. Et pourtant lorsque celui-ci décède inopinément en 1993, c’est Albert qui reprend le flambeau comme le prévoit la Constitution.

Un règne de transition disait-on au début mais qui dura près de 20 ans. L’âge faisant et les ennuis de santé (col du fémur cassé avec une très longue rééducation, pontage coronarien,…) se faisant plus répétitifs, Albert est aussi usé par les longues crises politiques que traverse la Belgique. Il n’effectue plus non plus de longs voyages officiels à l’étranger.

Sa popularité est à son zénith lorsqu’il abdique en ce jour historique du 21 juillet 2013. Le roi Philippe qui lui succède, traîne malgré lui une réputation de futur souverain mal préparé à l’exercice du pouvoir. Et pourtant, toutes ces craintes de la population et du monde politique sont balayées en quelques instants : le temps du discours du nouveau roi. Posé, à l’aise et sûr de lui, Philippe rassure d’emblée. C’est le début d’un nouveau règne dont le style plaît aussi bien dans la partie flamande du pays pourtant très critique que du côté francophone.

Après le 21 juillet 2013, Albert II assiste une semaine plus tard à la messe célébrée en la cathédrale Saint Michel et Gudule pour les 20 ans du décès du roi Baudouin. C’est ensuite le temps des vacances bien méritées avec des escapades et excursions en Italie et dans les îles Salines. Nul n’aurait reproché à Albert II de se consacrer désormais presque exclusivement à ses loisirs mais les tentatives maladroits de son entourage vont ternir son image au sein de la population. On apprend ainsi que l’un de ses conseillers a abordé l’entourage du premier ministre pour revoir à la hausse la dotation qui lui est accordée en tant qu’ancien souverain. En période de crise, c’est évidemment la démarche qui ne passe pas. S’étaleront ensuite à la Une de la presse belge, les tensions entre le roi Philippe et son père le roi Albert.

Les apparitions publiques d’Albert et Paola se comptent désormais sur les doigts de la main.Volonté initiale de laisser le plein espace au roi Philippe et à la reine Mathilde mais ensuite bouderies et conséquences de relations familiales tendues. L’entretien que le roi Albert a accordé au journaliste Pascal Vrebos dans lequel il revient longuement sur son enfance privée de la reine Astrid, sur ses relations si proches avec son frère le roi Baudouin, sur sa vie aux côtés de la reine Paola et sur ses années de règne ont quelque peu restauré son image dans l’opinion publique. Le 21 juillet dernier lors de la première Fête nationale du roi Philippe en tant que souverain, le roi Albert n’était pas présent comme annoncé de longue date. Ces derniers jours, le roi était à Fortei del Marmi en Italie où est née la reine Paola. L’ancien monarque a visiblement à 80 ans définitivement choisi de se consacrer pleinement à sa vie privée.

Depuis sa malencontreuse chute (il se fractura le col du fémur) lors de vacances entre amis au Botswana, le règne du roi Juan Carlos a pris une autre dimension. Dans une Espagne en crise économique, cette escapade africaine pour chasser à prix d’or l’éléphant n’est pas passée dans l’opinion publique qui avait jusqu’alors toujours fermé les yeux sur les frasques du roi dans sa vie privée, lui le monarque qui avait rendu la démocratie à l’Espagne.

A sa sortie de clinique, Juan Carlos lâche face à la caméra « Je le regrette, cela n’arrivera plus » mais le mal est fait. L’affaire Noos du nom de l’institut géré en son temps par Inaki Urdangarin, époux de l’infante Cristina, à qui l’on reproche du détournement de subsides publics et du blanchiment d’argent, mit définitivement la famille royale dans la tourmente médiatico-judiciaire. La mise à l’écart initiale d’Inaki Urdangarin des activités officielles de la Cour puis l’infante Cristina elle-même, ont indéniablement également eu des répercussions dans la sphère familiale privée.

Ajoutez à cela les révélations de l’amitié entre le monarque et la princesse Corinna de Sayn-Wittgenstein-Sayn, sur la solitude de la reine Sophie depuis tant d’années ainsi que des ennuis de santé à répétition (le roi ne se déplace qu’avec sa canne depuis de longs mois), les rumeurs d’abdication étaient régulières mais systématiquement démenties par le roi lui-même dans ses discours.

Que s’est-il donc soudainement passé ? Pour certains membres de l’entourage royal, le roi Juan Carlos aurait pris sa décision après avoir cafouillé lors d’un discours au palais royal début 2014. Lui-même a indiqué avoir pris cette décision pour que son fils Felipe ne se retrouve pas dans la même situation que le prince de Galles.

Depuis son abdication, Juan Carlos a pour ainsi dire disparu de la scène publique. Il s’est visiblement donné du temps pour lui. Alors que la reine Sophie s’est rendue à Genève chez l’infante Cristina, puis a pris ses quartiers d’été à Palma de Majorque, le roi est resté à Madrid. On l’a vu se rendre à quelques reprises au restaurant avec des collaborateurs et amis ou encore chez sa soeur l’infante Pilar. Sa réapparition a eu lieu à la faveur d’un voyage en Colombie pour assister à la prestation de serment du président élu. Une tâche autrefois dévolue au prince des Asturies. Nouveau rôle futur pour Juan Carlos ? La Cour indique que ce voyage ne doit pas être interprété en ce sens. Juan Carlos a ainsi eu l’occasion de saluer les chefs d’Etat d’Amérique du Sud. (Copyright photos : Hola, getty images, belga, rvd)