Voici sous la plume de Patrick Germain le deuxième volet de cette nouvelle série sur les mariages Habsbourg-Bourbon qui ont été contactés sans arrière-pensée politique, ici des unions avec les Deux-Siciles. Ferdinand Joseph Jean Baptiste de Habsbourg-Lorraine, archiduc d’Autriche, grand-duc de Toscane (ci-dessus par Joseph Dorffmeister) est né à Florence, le 6 mai 1769. Il est le fils de l’empereur Léopold II et de Marie-Louise de Bourbon, infante d’Espagne, dont il a été question auparavant.

Comme tous ses frères et soeurs, il reçut une éducation soignée dans le cadre familial, à Florence. Son frère François, devenu empereur en 1792, il était lui-même devenu grand-duc de Toscane en 1790, lorsque leur père accéda à la dignité impériale.

Ferdinand III

En 1792, il fut le premier souverain à reconnaître la République française avec laquelle il tenta des approches de paix. Mais Anglais et Russes réussirent à se joindre à la Première Coalition contre la France. Il n’était pas très enthousiaste et se contenta d’une aide passive. Après les premières victoires de la France, il quitta la coalition le 1er mars 1795 et déclara la Toscane neutre. Il entretint de bonnes relations avec la France jusqu’à ce que les troupes révolutionnaires établissent un nouveau gouvernement à Florence. Il dut renoncer à son trône par le Traité d’Aranjuez en 1801.

Napoléon créa le royaume d’Etrurie au profit des Bourbons de Parme. Plus tard le grand-duché de Toscane fut attribué à Elisa Bonaparte, princesse de Lucques et Piombino.

En compensation de la perte du grand-duché, Ferdinand III reçut l’Electorat de Salzbourg et fut créé prince du Saint-Empire. En 1806, à la dissolution du Saint-Empire, il fut créé grand-duc de Würburg. Le 30 mai 1814, après la défaite de Napoléon, il retrouva la Toscane. Grande âme, il recueillit sur ses états les membres de la famille Bonaparte, désormais en exil.

Louise de Bourbon de Naples par Elisabeth Vigée Lebrun

Le 15 août 1790, il avait épousé sa double cousine germaine Louise Marie de Bourbon, princesse de Naples et de Sicile, fille de Ferdinand IV et de Marie-Caroline d’Autriche. Le couple eut six enfants dont trois atteignirent l’âge adulte. Parmi eux, il y eut Léopold II dont l’union sera évoquée plus loin.

Le couple grand-ducal semble avoir été heureux pendant les douze ans de leur vie commune. Louise mourut en couches le 19 septembre 1802. Il est difficile de dire que leur union servait des intérêts politiques. Habsbourg-Lorraine et Bourbons de Naples tous les deux, leur mariage ne changeait rien à la politique européenne.

Les idées du grand-duc, qui mourut à Florence le 18 juin 1824, étaient libérales comme celles de son père. Sa position en faveur de la France et des idéaux républicains fut bien mal récompensée.

Louise de Bourbon de Naples par Joseph Dorffmeister

2 ) Léopold Michel de Bourbon-Siciles, prince de Salerne / Marie-Clémentine de Habsbourg-Lorraine

Nous avons déjà rencontré Léopold prince de Salerne et Marie-Clémentine, archiduchesse d’Autriche, en relatant la vie de leurs parents respectifs.

Le prince de Salerne en 1842 par Daffinger

Léopold est le quinzième enfant de Ferdinand Ier, roi de Naples et de Sicile et de Marie Caroline de Habsbourg-Lorraine. Marie-Clémentine est la fille de François Ier et de son épouse Marie-Thérèse de Bourbon des Naples. Il se trouve que Léopold est le frère de Marie-Thérèse, impératrice d’Autriche. En 1816, il épouse donc sa nièce.

Marie-Clémentine enfant par Joseph Hickel

Né au début de la Révolution, il en sera l’ennemi comme ses parents. Les victoires de l’armée Française obligent sa famille à fuir Naples et à se réfugier en Sicile, Léopold étant âgé de huit ans. Pour un temps la République y est donc instaurée, puis rapidement reprise par les monarchistes napolitains. Mais en 1805, puis en 1808, ce sont à nouveau des princes français qui montent sur le trône de Naples, Joseph Bonaparte en premier, puis Joachim Murat. Léopold est avec ses parents dans leur royaume de Sicile. On pense à lui pour un trône espagnol en Amérique latine. Mais ce projet n’aboutira pas car son oncle Charles IV abdique en Espagne et Joseph Bonaparte y monte sur le trône.

Marie-Clémentine, princesse de Salerne

Léopold restera donc un prince des Deux-Siciles, nouveau royaume créé en 1816, qui fait de son père Ferdinand Ier et non plus Ferdinand IV. Son frère François devient roi des Deux-Siciles, à la mort de leur père en 1830.
Léopold voit successivement sa nièce Marie-Louise devenir impératrice des Français et sa soeur, Marie-Amélie, devenir reine de Français.
Il n’y a pas grand chose à dire sur sa vie pas plus que sur celle de sa femme.

La duchesse d’Aumale par l’atelier de Franz Xavier Winterhalter

Leur fille unique, Marie-Caroline (1822-1869) devint duchesse d’Aumale, en épousant son cousin germain, le fils de Louis-Philippe et de Marie-Amélie.

Le duc d’Aumale par l’atelier de Franz Xavier Winterhalter

Le prince de Salerne est donc à la fois l’oncle, le grand-oncle et le beau-père du duc d’Aumale. Il meurt le 10 mars 1851. Son neveu est encore roi des Deux-Siciles. Son épouse lui survivra trente ans, vivant auprès de sa fille et de son gendre, en exil à Twickenham en Grande-Bretagne, puis à Chantilly, une fois la loi d’exil touchant les princes d’Orléans, abrogée. Elle meurt le 13 septembre 1881. Le royaume des Deux-Siciles n’existe plus depuis vingt ans.

3) Ferdinand II de Bourbon-Siciles / Marie-Thérèse d’Autriche-Teschen

Ferdinand II par Giovanni Salomone

Ferdinand II de Bourbon-Siciles est né à Palerme, alors capitale du royaume de Sicile, le 12 janvier 1810, fils de François Ier et de son épouse et cousine germaine, Marie-Isabelle de Bourbon, infante d’Espagne.
Il fut populaire durant les premières années de son règne, commencé le 28 novembre 1830. On le disait d’opinions libérales et proches des classes populaires napolitaines. En effet, à peine sur le trône il porta la plus grande attention à l’impartialité de la justice, à la réforme des finances, bref à réparer les blessures du royaume. Il déclarait vouloir le bonheur de son peuple. Moderniste, il fit construire le premier chemin de fer italien, entre Naples et Portici, il fit construire le premier bateau à vapeur de la Méditerranée. Il fit aussi établir une liaison télégraphique entre Naples et Palerme.

Ferdinand II par Giuseppe Bonolis

Mais les choses se gâtèrent en 1837 par la répression des Siciliens qui voulaient une constitution. Puis vinrent les révolutions de 1848 qui l’obligèrent à octroyer une charte constitutionnelle du type de celle de 1830 en France. Mais, malgré, cela il retourna vers une méthode autoritaire de pouvoir, par la dissolution du parlement le 13 mars 1849. Il avait auparavant fait bombarder la ville de Messine après que les Siciliens aient proclamé sa déchéance. Cela lui valut le surnom de “Re Bomba”, “roi Bombe”. Entre 1848 et 1851, on compte 2000 prisonniers politiques.

Les appréciations négatives du Premier Ministre britannique, Gladstone, sur le royaume des Deux-Siciles nuisirent considérablement à sa réputation en Europe, au point que la France et Royaume-Uni rappelèrent leurs ambassadeurs en 1856.

Ferdinand II vers 1850

Le 8 décembre 1856, le jour de l’Immaculée Conception, Ferdinand assiste à Naples à la messe avec sa famille, des hauts fonctionnaires et de nombreux nobles de sa suite. Après la célébration, le roi passe en revue ses troupes sur le Champ de Mars. À ce moment, le soldat calabrais Agesilao Milano se jette sur le roi et réussit à le blesser d’un coup de baïonnette. Secoué par l’attaque qui ne l’a que blessé, Ferdinand ne se remet pas complètement de cette blessure et sa mort moins de trois ans plus tard est due à une septicémie consécutive à la blessure.

Selon d’autres sources, la maladie de Ferdinand II commence pendant le voyage qu’il fait dans les Pouilles entre le 8 janvier et le 7 mars 1859 pour accueillir sa future belle-fille, Marie-Sophie de Bavière, sœur de l’impératrice Élisabeth d’Autriche. Les médecins diagnostiquent un abcès à l’aine de l’artère fémorale et souhaitent enlever l’abcès manuellement grâce à la chirurgie. Mais les proches du roi, en particulier la reine Marie-Thérèse d’Autriche-Teschen, le duc de Calabre, et l’intendant Mandarini, craignent de confier l’opération à un médecin connu pour être un libéral, qui avait même rejoint les Carbonari en 1817.

Après avoir hésité et reporté l’opération pendant près d’un mois, Ferdinand II décide soudainement de quitter Bari pour Caserte le 7 mars 1859, en dépit de l’avis contraire du médecin Longo. Ferdinand atteint son palais dans des conditions terribles, et tous les médecins de la cour, Trinchera, Capone, Renzo, Lanza Palasciano, reconnaissent le bon diagnostic et le traitement préconisé par Nicolas Longo deux mois auparavant. Une nouvelle opération est tentée, mais il est trop tard. Ferdinand II meurt à Caserte le 22 mai 1859.

Ferdinand avait épousé en 1832, Marie-Christine de Savoie, qui mourut quatre ans après, laissant un fils qui sera le tueur François II, dernier roi des Deux-Siciles. Marie-Christine a été béatifiée par l’Eglise catholique en 2014.

Marie-Thérèse par Johann Ender en sa qualité d’abbesse du Chapitre Noble de Prague

En secondes noces, le 9 juin 1837, il avait épousé l’archiduchesse Marie-Thérèse d’Autriche-Teschen, née le 31 juillet 1816 à Vienne. Son père était l’archiduc Charles, frère de l’empereur François Ier, vainqueur de Napoléon à Aspern, et de la princesse Henriette de Nassau-Weilburg.

La réputation de Marie-Thérèse n’est pas fameuse. Outre qu’elle semblait négligée sur le plan personnel, ne correspondant en rien à l’image d’une reine, elle eut une influence politique sur son mari qui conduisit à la catastrophe. Réactionnaire, elle encouragea les liens avec le pape et avec l’Autriche et les Etats dépendant d’elle, coupant les Deux-Siciles des puissances libérales et ouvrant la porte à son annexion par le royaume de Piémont-Sardaigne. Lorsqu’elle ne pouvait assister au conseil des ministres, elle écoutait à la porte. A la mort de son mari, elle influença son beau-fils François dans le sens de la réaction et s’aliéna la sympathie de sa belle-fille, Marie Sophie , et plus largement l’opinion libérale du royaume. Elle pensa même faire déposer François au profit de son fils aîné, le comte de Trani. Elle mourut du choléra le 8 août 1867, dans le royaume d’Italie que son incompétence et son obstination avait aidé à créer.

Marie-Thérèse de Habsbourg-Lorraine, reine des Deux-Siciles

Ferdinand et Marie-Thérèse s’entendirent bien sur le plan personnel. Il l’appelait “Néné” ou “Tété”, constituant un couple à la limite du vulgaire, sous les yeux effarés de leur belle-fille Marie-Sophie, habitué au raffinement de sa famille.

Le couple eut douze enfants dont dix atteignirent l’âge adulte. Nous retrouverons deux d’entre eux dans les chapitres suivants.

Pour les autres, il est possible de se reporter à l’article sur Marie-Sophie l’héroïne de Gaète, publié sur Noblesse et Royautés.

Marie-Sophie, reine des Deux-Siciles (2ème partie)

Si l’histoire est souvent écrite par les vainqueurs, il est difficile d’exonérer Ferdinand et Marie-Thérèse de leur responsabilité dans la disparition du royaume des Deux-Siciles, héritier des royaumes de Naples et de Sicile, parmi les plus anciens et prestigieux de l’histoire européenne.