Cinquième partie de la série de Patrick Germain consacrée aux mariages non politiques entre Bourbons et Habsbourg. Pour commencer, celui de Charles Salvator de Habsbourg-Lorraine, prince de Toscane avec la princesse Marie Immaculée de Bourbon-Siciles

Charles Salvator Marie Joseph Jean Baptiste Philippe Jacques Gennaro Louis Gonzague Rainier, archiduc d’Autriche, prince de Toscane est né à Florence le 30 avril 1839, fils de Léopold II et de sa seconde épouse la princesse Marie-Antoinette de Bourbon-Siciles, dont l’union a été vue ci-dessus. Il n’y a pas grand-chose à dire sur ce prince qui officier de l’armée impériale et royale autrichienne, fut un ingénieur qui avec le comte Georges von Dormus mit au point un pistolet léger et un fusil, mais les deux armes n’ont pas rencontré le succès attendu et furent abandonnées.

Le 19 septembre 1861, il épousa sa cousine germaine Marie-Immaculée de Bourbon-Siciles, fille de Ferdinand II et de l’archiduchesse Marie-Thérèse, dont l’union a également été vue ci-dessus.

Marie-Immaculée de Bourbon-Siciles en 1874

Marie-Immaculée était réputée pour sa beauté et faisait partie de la collection de photos de l’impératrice Elisabeth. A chacune des naissance de ses enfants elle recevait un range de perles. Le couple eut dix enfants dont cinq atteignirent l’âge adulte. Parmi eux, il y eut François-Salvator ( 1866-1939) qui épousa l’archiduchesse Marie-Valérie (1868-1924), fille de l’empereur François- Joseph et de l’impératrice Elisabeth, et l’archiduc Leopold Salvator qui épousa Blanche de Bourbon, infante d’Espagne dont l’union sera vue ci-après.

Charles Salvator mourut à Vienne le 18 janvier 1892 et son épouse le 18 février 1899.

12) Ferdinand IV de Habsbourg-Toscane / Alice de Bourbon-Parme

Ferdinand IV de Habsbourg-Lorraine, grand-duc de Toscane

Ferdinand de Habsbourg-Lorraine naquit à Florence le 10 juin 1834, fils de Léopold II et de Marie-Antoinette de Bourbon-Siciles. Il fut le dernier des souverains du Grand-Duché de Toscane. Il régna du 21 juillet 1859 au 22 mars 1860, de l’abdication de son père à la prise du pouvoir à Florence par les troupes de Victor-Emmanuel de Savoie, qui en fit sa capitale.

En 1856, il avait épousé la princesse Anne de Saxe, qui mourut en 1859. Le couple eut une fille Antoinette qui devint chanoinesse-abbesse du Chapitre des Dames nobles de Prague.

Marie-Anne de Saxe

En 1868, Ferdinand IV se remaria avec la princesse Alice de Bourbon-Parme. Née le 27 décembre 1849 à Parme, elle était la fille de Charles III (1823-1854) et de la princesse Louise d’Artois(1819-1864) fille du duc et de la duchesse de Berry.

Alice de Bourbon, princesse de Parme

La princesse Alice était la soeur de Robert (1848-1907) dernier duc de Parme, père de l’impératrice Zita. Elle avait été financée en 1864 à Jean II, prince souverain du Liechtenstein mais ce dernier rompit les fiançailles et ne se maria jamais. On le prétendit homosexuel.

Comme pour son mari, il n’y a pas grand chose à dire de sa vie. Exilée de Parme, exilée de Florence, elle passa sa vie en Autriche.
Le couple eut dix enfants, dont un seul n’atteignit pas l’âge adulte. Les deux aînés, Léopold Ferdinand (1868-1935) et Joseph Ferdinand (1872-1942) firent des mariages morganatiques. Leur frère cadet Pierre Ferdinand épousa Marie-Christina de Bourbon-Siciles, dont il sera question ci-après.
Ferdinand IV fut très proche de François-Joseph. Il mourut le 19 janvier 1908. La grande-duchesse Alice mourut le 16 janvier 1935.

13) Alphonse XII de Bourbon , roi d’Espagne / Marie-Christine de Habsbourg-Teschen, archiduchesse d’Autriche

Alphonse XII, enfant

Alphonse François Ferdinand Pie Jean Marie de la Conception Grégoire naquit le 28 mars 1857 à Madrid. Il était le fils de la reine Isabelle II et de son époux François d’Assise, duc de Cadix. Bien des rumeurs ont couru sur sa légitimité. Il s’est dit en Espagne et partout en Europe qu’il était le fils d’un des amants de la reine, le capitaine Henri Puigmoltó.

Isabelle II et François d’Assise, son mari

Ces rumeurs était tout bénéfice pour les prétendants carlistes qui contestaient son trône à Isabelle II. Cette dernière est détrônée en 1868 et le jeune prince partit en exil pour Paris avec sa famille. Cet exil lui permit de prendre connaissance de la vie publique en France, au Royaume-Uni est en Autriche. Il fut élève de l’Académie impériale et royale de Vienne et du Collège militaire de Sandhurst, en Angleterre.

Alphonse XII

Le 25 juin 1870, sa mère renonce au trône d’Espagne, qui devint donc le roi légitime d’un pays en pleines crises politiques. Il en retourne en Espagne qu’en janvier 1875 après s’être présenté par le Manifeste de Sandhurst comme un prince catholique, espagnol, constitutionnalise et libéral. Il est donc proclamé roi par le parlement. Son règne fut qualifié de pacificateur. Il offrit une constitution et mit fin aux guerres carlistes. Lors d’une épidémie de choléra, le roi fit ouvrir le palais royal d’Aranjuez pour y recevoir les malades qu’il vint visiter et aider personnellement. A son retour à Madrid, il fut reçu en héros, le peuple dételant sa voiture pour la tirer à bras jusqu’au palais. Il mourut de tuberculose le 25 novembre 1885 à 27 ans.

Marie-Mercedes d’Orléans-Montpensier, reine d’Espagne

Le 23 janvier 1878, il avait épousé en premières noces, sa cousine germaine, Mercédès d’Orléans, fille du duc de Montpensier (1824-1890) et de l’infante Louise Fernande (1832-1897). Bien que les fiancés aient été amoureux l’un de l’autre, ce mariage n’était pas pour plaire à Isabelle II en froid avec sa soeur et son beau-frère. La nouvelle reine d’Espagne mourut cinq mois après le mariage, laissant un veuf inconsolable.

Obligé de se remarier par devoir dynastique, il se fiance à la soeur de sa femme, Marie-Christine d’Orléans, mais qui meurt également. Le 29 novembre 1879, il épousa l’archiduchesse Marie-Christine. Née le 21 juillet 1858, elle était la fille de l’archiduc Charles-Ferdinand (1818-1874) fils de l’archiduc Charles, le vainqueur de Napoléon à Aspern, et de l’archiduchesse Elisabeth de Habsbourg-Lorraine, de la branche palatine de Hongrie.

L’archiduchesse Marie-Christine d’Autriche-Teschen, reine d’Espagne

Elle fut tirée d’une retraite paisible en sa qualité de chanoinesse pour épouser le roi d’Espagne. Ce fut de part et d’autre un mariage obligé.

Alphonse XII et Marie-Christine

En rencontrant sa fiancée et sa future belle-famille, le roi aurait dit à un de ses proches « La mère me plaît énormément mais c’est la fille que je dois épouser ». Il la trompa abondamment.
Le couple eut deux filles. La première Maria de Las Mercedes(1880-1904) épousa Charles de Bourbon-Siciles (1870-1940), devenu infant d’Espagne et qui de ce fait renonça à ses droits sur le trône des Deux-Siciles. Il sont les grands-parents du roi Juan-Carlos.

Marie-Mercédes de Bourbon, infante d’Espagne et son époux Charles de Bourbon-Siciles

La deuxième Marie-Thérèse (1882-1912) épousa son cousin germain le prince Ferdinand de Bavière (1884-1958), petit-fils de la reine Isabelle II.

Marie-Thérèse de Bourbon, infante d’Espagne, princesse Ferdinand de Bavière

Leur fils, Alphonse, nait le 17 mai 1886, roi dès sa naissance car son père était mort six mois avant sa naissance.

Alphonse XIII et sa mère en 1898

Elle fut régente de 1886 à 1902, dans un royaume en proie aux pires difficultés. Mais elle sut se faire apprécier par sa hauteur morale et la dignité de sa conduite, bien différente des trois reines d’Espagne qui l’ont précédée. Sous sa régence l’Espagne perdit ses dernières colonies.

Marie-Christine et ses trois enfants en 1897

Le roi atteint sa majorité en 1902 et Marie-Christine lui remit son pouvoir.

Alphonse XIII

En 1906, Alphonse XIII épousa la princesse Eugénie de Battenberg. le mariage n’était pas égal car les Battenberg sont une branche morganatique de la Maison de Hesse, mais elle était petite-fille de la reine Victoria, ce qui compensait largement. Filleule de l’impératrice Eugénie, elle s’était convertie au catholicisme. Elle transmit malheureusement l’hémophilie à ses fils aînés.

La reine Victoria-Eugénie avec ses enfants, de gauche à droite, Infante Marie Christine, Alphonse, Prince des Asturies, Infant Gonzalve, Infant Jean, Infant Jacques et Infante Béatrice en 1928

Alors qu’Alphonse XIII et son épouse retournent au palais royal de Madrid après la célébration du mariage, un anarchiste, Mateo Morral, lance une bombe dissimulée dans un bouquet de fleurs face au numéro 88 de la Calle Mayor. Les jeunes époux sortent indemnes de l’attentat qui tue néanmoins 23 personnes dans le public et la suite royale.

Attentat de la Calle Major

Le roi eut plusieurs affaires extra conjugales et eut des enfants hors mariage. Le couple royal eut sept enfants, dont Jacques, duc de Ségovie, grand-père du prince Louis de Bourbon et Jean, comte de Barcelone, grand-père du roi Felipe VI.

Ce fut à la demande de Marie-Christine qu’en 1921, son fils donna l’hospitalité à l’impératrice Zita, veuve de l’empereur Charles, sans ressources et avec huit enfants à charge.
Marie-Christine mourut le 6 février 1929, âgée de 70 ans. Elle n’eut pas à voir la proclamation de la République espagnole, ni l’exil de son fils et encore moins la guerre civile qui suivit.

14) Léopold Salvator de Habsbourg-Lorraine, archiduc d’Autriche, prince de Toscane / Blanche de Castille de Bourbon, infante d’Espagne

Léopold Salvator de Habsbourg-Toscane

Léopold Salvator, né le 15 octobre 1863, en Bohême, s’est vu attribuer quinze prénoms à son baptême. Il serait fastidieux de les citer. Il est le fils de l’archiduc Charles Salvator et de la princesse Marie-Immaculée de Bourbon-Siciles, dont l’union a été relatée ci-dessus.

L’archiduc Léopold Salvator a hérité de son père un grand intérêt pour les sciences. C’est ainsi que, devenu militaire, il élabore un système de transmission à quatre roues à partir duquel l’entreprise Škoda élabore un nouveau type de camion. Grâce au brevet tiré de cette invention, le prince se bâtit une importante fortune. Il en tire par ailleurs  reconnaissance scientifique qui lui permet d’intégrer l’Académie des Sciences de Vienne et de Prague. Militaire de carrière comme la plupart de ses cousins, il est nommé inspecteur général de l’artillerie en 1907. Plus tard, en 1916, il devient général de division de l’armée impériale austro-hongroise.

Infante Blanche de Castille de Bourbon

Le 24 novembre 1889, il épouse à Froshdorf Blanche de Castille de Bourbon, infante d’Espagne, née le 7 septembre 1868. Elle aussi bénéficie de dix-huit prénoms à son baptême. Elle est la fille de don Carlos de Bourbon (1848-1909), duc de Madrid, et de son épouse la princesse Marguerite de Bourbon(1847-1893), princesse de Parme. Son père était le prétendant carliste au trône d’Espagne et légitimiste au trône de France.

A sa naissance, ils habitaient en Styrie pour être proche de la duchesse de Berry son arrière-grand-mère. Son enfance a été marquée par la troisième guerre carliste de 1872 à 1876. Pour être près de l’Espagne, au cas où don Carlos serait appelé au trône, la famille s’installa à Pau, puis en Navarre.

Les espoirs de son père s’étant évanouis, la famille s’installa à Passy. En 1881, ils furent expulsés de France par la faute de son père, ayant manifesté son attachement au comte de Chambord de façon trop bruyante. Ses parents se séparèrent et don Carlos alla vivre à Venise, pendant que sa mère s’installait à la Tenuta Reale, une immense propriété qu’elle avait hérité de sa grand-mère, la duchesse Marie-Thérèse de Parme. Les infants se partageaient entre leurs deux parents. En 1883, elle visita l’Espagne incognito, puis il fit ses débuts à la Cour de Vienne.

Ayant fait un mariage d’amour, le couple était heureux. Ils n’eurent pas moins de dix enfants qui, tous, atteignirent l’âge adulte.

Bal à la Cour de Vienne en 1904 en présence de Léopold Salvator

Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, ils menèrent une existence plaisante entre les diverses affectations militaires à Lemberg (Lvov) en Galicie ou à Agram (Zagreb) en Croatie et leurs différents domaines. Leurs propriétés autrichiennes furent confisquées après la guerre. Ayant perdu leur fortune ils furent réduits à vivre avec de petits moyens. La France et l’Italie, où la princesse possédait un domaine, leur étaient interdites, comme anciennes ennemies. Elle demanda alors la permission à Alphonse XIII de vivre à Barcelone. Cela lui fut accordé à la condition qu’elle soutienne pas les prétentions carlistes au trône d’Espagne de son frère, Jacques, duc de Madrid. En 1922, elle obtint la nationalité espagnole. La famille vécut modestement. Après la chute d’Alphonse XIII et la proclamation de la République espagnole, le couple, bien que non obligé, partit pour l’Autriche afin de pouvoir récupérer quelques biens.

Palais Toscane à Vienne

L’archiduc Léopold Salvator mourut peu de temps après leur arrivée. Veuve Blanche de Castille vécut du revenu de son domaine italien et d’une rente versée par les Carlistes. La propriété resta dans la famille jusqu’à 1985.
Quand ils se sont réfugiés à Vienne, elle et ses enfants, ils habitaient trois pièces de leur ancien palais, dit Palais Toskana. Après l’annexion de l’Autriche par Hitler en 1938, ils partirent vivre en Italie, à Viareggio, dans son domaine.


La Tenuata Reale, dite Villa Borbone

L’archiduc Leopold Salvator était mort le 4 septembre 1931. Elle mourut à Viareggio, le 25 octobre 1941. Elle avait quatre-quatre-vins un ans. Ils ont été, elle et son mari, pris dans la tourmente de la fin de leur monde, celui de la Belle-Epoque et d’une Autriche-Hongrie rayonnante. Avec eux finit la série des mariages célébrés au XIXe siècle.