Premier volet de la série consacrée aux mariages familiaux non politiques au XIXème et XXème siècle entre les Bourbons et Habsbourg sous la plume de Patrick Germain. Cet article est consacré à l’empereur François. François de Habsbourg-Lorraine (ci-dessus ses armes) est né à Florence le 12 février 1768, où son père Pietro-Leopoldo y est grand-duc. Il sera en 1790 empereur romain germanique sous le nom de Léopold II. Sa mère est Marie-Louise de Bourbon, infante d’Espagne, fille de Charles III roi d’Espagne et Marie-Louise de Saxe.

François en 1770 à 2 ans par Anton Raphael Mengs

Il reçoit le prénom de son grand-père paternel, l’empereur François Ier décédé trois ans plus tôt. Sa grand-mère paternelle, Marie-Thérèse, que l’Europe surnomme avec respect « la grande » ou simplement « l’impératrice » est à la nouvelle de la naissance de son premier petit-fils, folle de joie de voir sa dynastie consolidée, courut au Burgtheater qui jouxte le palais impérial et s’écria en patois viennois : « notre Poldi à un gamin« . François n’avait que douze ans à sa mort.

Elevé en Toscane, l’éducation du jeune archiduc est marquée par la culture italienne. Il en parle parfaitement la langue et celle-ci restera sa langue favorite tout aux long de sa vie. Il parle, bien entendu l’allemand et le français.
Il eut une enfance heureuse au milieu de ses frères et soeurs, dans l’ambiance familiale que ses parents avaient su créer, suivant eux-même de près l’éducation de leurs enfants. Il a été su rapidement qu’il serait l’héritier des trônes de la Maison d’Autriche.

Comme il a été vu, son oncle l’empereur Joseph II n’avait pas d’enfants. Aussi en 1784, à seize ans, il quitta Florence pour parfaire son éducation en vue de la succession impériale. C’est Joseph II lui-même qui prit en charge son éducation. Il le trouvait mou, attardé, enfant gâté. François était loin de l’indulgence de la Cour de Florence. Mais il craignait et admirait à la fois son oncle. Il avait conscience qu’il ne lui voulait que du bien en le formant à la dure. Pour parfaire son éducation, il fut envoyé dans un régiment stationné en Hongrie.

François II, empereur romain germanique en 1792

A la mort de Joseph II, il agit au nom de son père qui venait de Toscane pour monter sur ses trônes. François prit alors goût à l’exercice du pouvoir. La maladie puis la mort de son père, à l’âge de quarante quatre ans, au début de 1792, firent de lui l’empereur à l’âge de vingt quatre, plus jeune qu’il ne l’avait souhaité.

Elisabeth de Würtemberg par Johann Baptist von Lampi l’ancien

En 1788, il avait épousé épouse Elisabeth de Würtemberg (1767-1790), fille du duc Frédéric-Eugène de Wurtemberg et Frédérique-Dorothée de Brandebourg-Schwedt et belle-sœur du tsar Alexandre Ier de Russie. Une fille naît mais elle meurt à un an.

A peine six mois après la mort de sa première femme, soit le 15 septembre 1790, il épousa sa double cousine germaine, Marie-Thérèse de Bourbon, princesse de Naples et de Sicile, fille de Ferdinand Ier et de Marie Caroline.


Marie Thérèse de Bourbon de Naples vers 1802 par Johann Baptist von Lampi l’Ancien

François fut veuf trois fois et se remaria chaque fois très peu de mois après son veuvage. Après Marie-Thérèse, il épousa en 1808, sa cousine Marie Louise d’Autriche-Este (1787-1816 )

Marie-Louise d’Autriche-Este

Puis en 1816, Caroline Charlotte de Bavière. Il n’eut aucune issue de ses dernières épouses. Cet appétit au mariage peut s’expliquer par l’appétit sexuel de François, qui n’imaginait sans doute pas l’oeuvre de chair en dehors des liens du mariage.

Caroline Augusta de Bavière par Franz Schrotzberg

François eut à faire face aux guerres de la Révolution et de l’Empire, dont il fut l’ennemi acharné. Il ne fut pas d’un grand secours à Louis XVI et Marie-Antoinette, sa tante. Il était indifférent à leur sort et leur mort ne fut pas une tragédie pour lui. Il avait refusé la négociation ouverte par Danton pour échanger Marie-Antoinette.

François II au moment de la Révolution française

Il serait fastidieux d’énumérer l’ensemble des guerres qu’il eût à mener et les batailles qu’il perdit. Le 6 août 1806, il prononça la dissolution du Saint-Empire Germain Germanique, sous lequel il régnait comme François II et devient le premier empereur d’Autriche sous le nom de François Ier.

François, empereur d’Autriche par Friedrich von Amerling

En 1813, dans la coalition contre Napoléon, il joua un rôle majeur dans sa défaite et c’est à Vienne que débuta le Congrès de la Paix, sous les auspices de son ministre le prince de Metternich.
Sous son règne se développa une police et une censure de garde envergure. Il avait même jusqu’à faire espionner sa propre famille. Dans sa vie privée, il était un homme simple et abordable pour tous ses sujets.

Il est difficile de dire que son mariage avec sa cousine napolitaine fut un mariage politique. Ce fut un mariage de convention entre membres de la même famille. A partir de ce mariage, toutes les unions qui suivirent entre la Maison de Bourbon et la Maison d’Autriche n’eurent plus qu’un caractère familial.


La famille impériale par Josef Kreutzinger en 1805

La jeune princesse napolitaine était l’aînée de sa fratrie. Ce fut un mariage heureux fondé sur une bonne intelligence mutuelle, malgré la différence de caractère. Les différences de personnalité. François a été décrit comme un personnage mélancolique, timide, réservé, sérieux, avec une préférence pour un style de vie spartiate, avec une apparence pâle et hagard.

 


Marie-Thérèse de Bourbon de Naples par Élisabeth Vigée-Le Brun en 1790.

Marie-Thérèse, quant à elle, a été décrite comme une blonde aux yeux bleus et gracieux, aux lèvres charnues, mais au nez large, à la personnalité vive, au tempérament chaud et au caractère sensuel.
Marie-Thérèse s’est très bien adaptée à sa nouvelle vie et à son nouvel environnement. Elle n’avait pas le mal de son Naples natal. Elle aimait les divertissements et participait avec enthousiasme à la vie de cour. Elle aimait danser, participer à tous les bal de la cour même pendant ses grossesse. Elle a particulièrement apprécié la valse, introduite récemment et devenue à la mode durant sa vie à Vienne.

Selon la princesse Hedwige de Holstein-Gottorp, dans son journal lors de sa visite à Vienne en 1798–1799, l’impératrice était réputée d’une jalousie telle qu’elle ne permettait à François de participer à la vie sociale sans elle ou de rencontrer d’autres femmes. On disait qu’elle était si passionnée qu’elle épuisait son époux. Malgré ses qualités, ses dons, sa charité, elle n’était pas aimée des Viennois qui lui reprochaient son intolérance et sa volonté d’isoler l’empereur. Ils la trouvaient vaine. Selon un témoin, François qui était seul à l’art la vit venir et lui dit : “Ne peux-tu jamais me laisser seul pour que je puisse respirer un instant ? Pour l’amour de Dieu, ne me suis pas tout le temps.”

Elle ne fut pas sans influence sur la vie politique du pays car elle conseillait son mari et l’encourageait dans sa politique anti-française, contre Napoléon. On peut imaginer que le mariage de sa fille ainée, Marie-Louise, avec “l’ogre corse” n’eut pas été de son goût.

Marie-Louise impératrice des Français par Jean-Baptiste Isabey

Le couple eut douze enfants, dont sept atteignirent l’âge adulte. Outre Marie-Louise, ils eurent Ferdinand (1795-1873), empereur malgré une débilité certaine.


Archiduc Ferdinand

Puis vinrent Marie Léopoldine (1797-1826) devenue impératrice du Brésil, Marie Clémentine (1798-1881), Marie Caroline (1801-1832) princesse héritière de SaxeFrançois-Charles (1802-1878) époux de Sophie de Bavière, et Maria Anna (1804-1858), souffrant de débilité mentale.

Archiduchesse Marie-Léopoldine, impératrice du Brésil

Archiduchesse Marie-Clémentine, princesse de Salerne, belle-mère du duc d’Aumale

 

Archiduchesse Marie-Caroline, princesse héritière de Saxe

Archiduc François Charles par Ferdinand Georg Waldmüller

Archiduchesse Maria-Anna

L’empereur François adorait son petit-fils, Franz, fils de Napoléon et de Marie-Louise. Il le titra duc de Reischtadt et essaya de lui rendre la vie la plus agréable possible, compte tenu de l’absence de son père. Le précepteur avait reçu l’ordre de ne pas lui parler de Napoléon, mais si l’enfant posait une question à son sujet, il était hors de question de lui en dire du mal. Le jeune prince fut aussi aimé par tous ses oncles et tantes.

Elle mourut en couches le 13 avril 1807. François mourut le 2 mars 1835, laissant le souvenir d’un patriarche entouré et aimé de ses enfants et de ses sujets. Ses funérailles furent grandioses.

Son fils Ferdinand n’aurait pas dû lui succéder. Il était convenu que François-Charles, avec l’aide de son épouse, l’archiduchesse Sophie, monte sur le trône. Metternich au nom du principe de légitimité en décida autrement. En fait il voulait conserver la haute main sur la politique impériale et continuer la “Sainte-Alliance”, ce qui ne fut pas du goût de l’archiduchesse Sophie qui aurait aimé voir son mari monter sur le trône et dirigé le pays à travers lui.


Armes de l’empereur d’Autriche