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Il y a 110 ans, le couronnement d’Haakon VII et de Maud de Norvège – Troisième et dernière partie : Roi et reine par la grâce du peuple et de la révolution (Merci à Actarus). En 1905, alors que la Suède et la Norvège marchaient lentement mais sûrement vers la dissolution de leur union, se posa la question du régime politique de la Norvège. République ou monarchie ? Auparavant, l’idée qu’un nouvel État put devenir autre chose qu’un royaume ne serait venue à personne. Mais au tournant du siècle, on avait changé d’époque.

Les partisans de la monarchie songèrent très vite à avancer la candidature du prince Charles de Danemark. A seulement trente-trois ans, il était encore relativement jeune. Il avait un fils, tout juste sorti du berceau, qui pouvait grandir comme un authentique Norvégien. Enfin, il avait une épouse dont l’ascendance apportait une aura de prestige. Les futurs rois de Norvège seraient les descendants de la reine Victoria.

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La santé de Maud posait problème. Les longs hivers n’étaient pas moins rigoureux en Norvège qu’au Danemark. En recevant le baron Fritz Wedel, diplomate norvégien chargé de le convaincre d’accepter la couronne, Charles ne cacha pas que la santé de son épouse nécessitait des séjours prolongés en Angleterre, en particulier durant les hivers scandinaves.

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De son côté, le roi Édouard VII fit campagne auprès des chancelleries pour favoriser la candidature de son gendre. Charles de Danemark, candidat malgré lui au trône de Norvège, était menacé par les visées du Kaiser. Guillaume II aurait bien voulu voir un de ses fils coiffer la couronne norvégienne. Même la sœur de Charles, Ingeborg de Danemark, épouse du prince héritier de Suède, complotait contre son frère.

Enfin, Maud elle-même n’était guère enthousiasmée à la perspective de voir sa vie changer de manière si radicale. Plutôt que de déménager à Christiania, elle aurait préféré vivre dans la plus petite ferme de l’Angleterre ou de l’Irlande. Dans une réponse cinglante qui n’était pas sans rappeler Philippe le Bel, Édouard VII lui aurait rappelé que « les princesses ont des devoirs et non des loisirs ».

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La messe était dite. En septembre 1905, la séparation des deux pays fut entérinée et le roi Oscar II de Suède renonça formellement au trône de Norvège. Pour autant, les choses étaient loin d’être réglées. Sachant qu’une partie de la population norvégienne avait de forts sentiments républicains, Charles de Danemark conditionna son acceptation au succès d’un plébiscite. Les résultats furent très satisfaisants. 75.3% des inscrits votèrent, 69.000 en faveur d’une république contre 260.000 pour la monarchie. Avec la bénédiction du peuple norvégien, mais officiellement élus par le Storting, Charles et Maud de Danemark devinrent roi et reine de Norvège.

Afin de s’identifier à son nouveau royaume, Charles prit le nom d’Haakon VII et s’inscrivit dans la lignée des anciens souverains du pays scandinave. De la même manière, le prince Alexandre fut renommé Olav. A contrario, Maud refusa de prendre un nouveau prénom sonnant plus norvégien. Il lui sembla tout naturel que si le sien était assez convenable pour une princesse britannique, il devait l’être tout autant pour une reine de Norvège.

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A leur arrivée sur le sol de leur nouveau pays, Haakon VII et Maud furent accueillis par le Premier ministre Christian Michelsen. Artisan de l’indépendance de la Norvège, il leur fit un discours surprenant, à la fois accueillant et teinté de menaces.

« En ce jour un roi de Norvège vient faire de la capitale norvégienne sa maison. Il a été élu par un peuple libre pour occuper, conjointement avec des hommes libres, la première place sur cette terre. Le peuple norvégien aime sa liberté, son indépendance, et son gouvernement autonome, qu’il a gagnés par lui-même. La gloire du roi et son plus grand plaisir seront de protéger ce sentiment, trouvant son soutien dans le peuple lui-même. C’est pourquoi le peuple norvégien vous salue en ce jour avec une joie profonde et crie « vive le roi et vive la reine de Norvège » ! »

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Michelsen venait de souligner un fait nouveau : Haakon et Maud ne montaient pas sur le trône par la grâce de Dieu, mais par la volonté d’un peuple. S’ils devaient l’oublier dans le futur, le discours du Premier ministre laissait entendre que ce peuple saurait le leur rappeler. Ce détail n’avait pas échappé à la princesse Augusta de Cambridge, grande-duchesse de Mecklembourg-Strelitz, petite-fille du roi Georges III. Née en 1822, elle était le produit d’un monde ancien qui allait totalement disparaître dix ans plus tard, et s’en lamentait à sa nièce, la future reine Mary.

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« Un couronnement révolutionnaire ! Quelle mascarade ! Je n’aime pas vous savoir là-bas, cela revient à ratifier toute cette sale Révolution. Comment un futur roi et une future reine d’Angleterre peuvent-ils assister à un couronnement ‘par la grâce du peuple et de la Révolution !!!’ (en français dans le texte), cela me rend malade. » La princesse de Galles y fit néanmoins bonne figure, se bornant à répondre à sa tante : « Tout ceci semble bien étrange, mais nous vivons dans des temps très modernes. »

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Il ne restait plus qu’à couronner formellement les nouveaux souverains. Timide de nature, Maud envisageait avec angoisse un spectacle public où elle devrait tenir le premier rôle féminin. La cérémonie eut lieu le 22 juin 1906, à en la cathédrale Nidaros, à Trondheim, où se déroulaient les couronnements des anciens rois de Danemark-Norvège. A tour de rôle, Haakon et Maud ont été oints et bénits par l’évêque, couronnés, et ont reçu l’orbe et le sceptre.

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L’événement est unique, en ce sens qu’il fut le premier et le dernier couronnement d’un roi de Norvège de l’ère moderne. En 1957, succédant à Haakon VII qui avait vécu assez longtemps pour voir son père, son frère et son neveu monter sur le trône de Danemark, Olav V se contenta d’une consécration, sorte de prestation de serment nimbée d’une atmosphère religieuse. (Encore merci à Actarus pour cet article en trois parties – Source, avec ma traduction libre et adaptation de certains passages : Born to Rule : Five Reigning Consorts, Granddaughters of Queen Victoria, par Julia P. Gelardi, St. Martin’s Griffin, New York, 2005.)