OLYMPUS DIGITAL CAMERA
OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Un paysan qui avait aperçu l’avion sur le point d’atterrir s’était précipité au château du comte Csiraky pour le prévenir.

– Des officiers, monsieur le comte, des officiers, là bas dans le champ près de la laiterie, qui sont descendus du ciel.

Inquiet, Csiraky dut laisser ses invités, sa famille et quelques amis intimes.

Il se précipita vers le petit groupe qui attendait près de l’avion. Il savait que le Roi devait revenir, mais il n’avait pas été prévenu du jour exact de son arrivée.

–  Bienvenue à Votre Majesté sur le sol de son pays, dit-il en s’inclinant devant Charles.

Puis, encore plus surpris, il reconnut Zita et baisant la main qu’elle lui tendit :

–  Et à notre gracieuse Souveraine !

Les pilotes ne pouvaient pas rester plus longtemps. L’avion reprit son vol pour retourner en Suisse.

Charles, Zita et Boroviczeny étaient à bon port. Il fallait maintenant faire face à la situation. Les troupes prévues n’étaient pas là, le colonel Lehar manquait à l’appel.

  • Il me parait imprudent que Vos Majestés gagnent ma maison, il y a trop de monde. Et je ne peux les garantir tous. Cependant mon beau-père…
  • Le comte Andrassy est là ? demanda Charles.
  • Oui Majesté, c’est le baptême de mon fils, répondit Csiraky. Si j’avais connu la date de votre arrivée…
  • Ce n’est pas grave, dit Charles. J’aimerais voir le comte Andrassy. Nous aurons besoin de lui. Je vous prie d’aller le chercher.

Quand il apprit le retour de Charles, Andrassy fut désagréablement surpris d’être le seul parmi les légitimistes à n’avoir pas été prévenu du retour imminent du souverain. Il fut réellement embarrassé, car la question dynastique venait encore d’être soulevée quelques jours auparavant par le parti des petits propriétaires agrariens, favorables au choix d’un Roi susceptible d’être agréé par les puissances de l’Entente, donc hostiles à Charles. Et lui, Andrassy, avec le comte Apponyi, avait demandé au comte Bethlen, président du Conseil, de prendre une position ferme et définitive sur le choix du souverain. Et il s’était engagé à prendre publiquement la parole en faveur de Charles, seul monarque légitime de Hongrie, qu’il conviendrait de rappeler bientôt à rentrer dans son pays, avec l’accord des pays de l’Entente. Le retour du Roi risquait de remettre en cause les bonnes dispositions de Bethlen et de le faire passer à ses yeux, lui Andrassy, pour un fourbe.

–  Je pense que le retour de Votre Majesté est prématuré, dit-il à Charles, quand il alla le saluer, mais puisqu’elle est là, je me mets entièrement à sa disposition.

Ils étaient tous réunis, maintenant, dans la maison du garde forestier du domaine. Entre-temps, le colonel Lehar (ci-dessous, frère de l’auteur de la « veuve joyeuse » et grand partisan de l’empereur) avait enfin été prévenu de l’arrivée de Charles et de Zita.

Colonel von Lehar

–         Je n’ai pas reçu le message convenu, dit-il, pour excuser son absence. Et le train n’est pas encore formé. Les wagons destinés au transport des troupes ont été réquisitionnés pour le transport des betteraves.

Comme ils ne pouvaient rester là au milieu des bois, le comte Csiraky leur proposa de se réunir dans le château de son frère, à proximité de là. Mais ce ne fut qu’une brève halte, le temps de se reposer un peu de l’étourdi s sèment du voyage. Il fallait au plus tôt gagner Sopron (ouest de la Hongrie), où se trouvaient les troupes de Lehar et du major Ostenburg.

Sopron

La petite ville du XVIIIème siècle aux ravissants palais baroques, située dans la sphère d’influence de la famille Esterhazy, n’était pas inconnue de Charles. Quand il était enfant, il y avait habité avec ses parents une maison à un étage, du temps où l’archiduc Otto y était en garnison.

Arrivés à la caserne appelée « Quartier 48 », où les troupes du colonel Lehar et du major Ostenbourg étaient stationnées, Charles et Zita prirent un peu de repos dans des chambres de fortune au premier étage du bâtiment.  La comtesse Andrassy avait tenu à les accompagner.

–   La Reine de Hongrie, même dans des circonstances aussi difficiles, ne peut pas se passer de dame d’honneur, avait-elle dit.

Mais lorsqu’elle vit l’état des chambres de Leurs Majestés, Zita dut la réconforter.

  • Allons, comtesse, à la guerre comme à la guerre, lui dit-elle en riant.

Les paires de bottes qui tramaient sur le sol, les pelles et les balais dans un angle, n’étaient pas du goût de l’aristocratique et très belle comtesse Eléonore Andrassy, née Zichy. Zita, de son côté, n’en avait cure. La partie qui allait se jouer était bien plus importante qu’un peu de désordre de chambrée.

Charles, de son côté, réunit son premier cabinet. Il nomma le comte Rakovszky chef du gouvernement et Gratz ministre. Tous deux avaient préféré démissionner de leurs postes, le premier de Président du Parlement et l’autre de ministre des Affaires étrangères, après que le régent eût refusé, en avril, de rendre son pouvoir. Ils avaient participé activement à la préparation de la seconde tentative. Et ils venaient de se mettre à ses ordres. Charles éleva également Lehar au grade de général.

–   Nous devons, Sire, gagner à notre cause le général Hegedüs, qui commande la place de Sopron, dit Lehar.

A peine informé de la présence de son Roi, le général s’écria :

–   Dieu soit loué, nous allons enfin sortir du bourbier !

Il vint se présenter et renouvela son serment de fidélité au Roi.

Dans l’après-midi, ce fut au tour des hommes de Lehar et d’Ostenburg, soit environ mille cinq cents hommes, de prêter serment. Tous les hommes, tête nue en un quadrilatère impeccable autour du drapeau de leur régiment, levèrent la main droite, index et majeurs tendus, et jurèrent fidélité à leur Roi.

Zita, émue, au milieu d’une vingtaine de jeunes filles en costumes hongrois, corsages ajustés, bandeaux brodés posés en diadème dans les cheveux, venues lui offrir des fleurs, assistait à l’hommage rendu à son mari. Puis les soldats défilèrent devant le Roi et la Reine, dans la grande cour carrée du « Quartier 48 ». L’espoir se reflétait dans les yeux de tous ces jeunes hommes, prêts à donner leur vie pour que fût respecté le droit de leur souverain et que leur pays sortît de sa détresse.

Le général Lehar avait enfin réussi à former le train qui les mènerait à Budapest.

A onze heures du soir, Charles et Zita quittaient la caserne pour gagner la gare. La population, qui savait son Roi parmi elle, avait accouru en masse sur le parcours pour les acclamer.

–  Vive le Roi ! Vive la Reine ! entendait-on de toutes parts. L’enthousiasme était le même qu’à Szombathély. L’espoir du retour s’accomplissait et le peuple les remerciait d’être à nouveau là, à son côté. Toutes les autorités civiles et religieuses de la ville étaient également venues les saluer et leur dire leur fidélité. Autour des wagons, c’était une joyeuse bousculade. Les drapeaux flottaient au-dessus de la foule dont chacun essayait d’apercevoir les souverains. Certains étaient perchés dans les arbres. Zita, un bouquet de fleurs à la main, souriait, remerciait tous ceux qui l’approchaient.

C’était le plus beau cadeau d’anniversaire de mariage qu’on pût leur faire.

En gare de Sopron le 20 octobre 1921

L’effet de surprise était manqué. Mais peu importait désormais ! Le convoi était composé d’un premier train emportant les officiers, d’un deuxième train pour les souverains, les membres du gouvernement et leur suite, sous la garde de quelques hommes de Lehar, et deux autres pour les soldats.

Le général Lehar s’excusa de n’avoir pu trouver qu’un vieux wagon de la Croix-Rouge pour installer Charles et Zita.

Sous les ovations de la foule, le convoi s’ébranla lentement à quatre heures du matin. Le jeune couple se tenait à la fenêtre du wagon pour saluer et remercier les milliers de personnes présentes à la gare.

Les cœurs de ceux qui les regardaient partir à la reconquête de la couronne de Saint Etienne battaient à l’unisson des leurs.

Tous deux avaient l’âme en paix. Leur retour au pays s’effectuait dans le respect des engagements qu’ils avaient pris devant Dieu de secourir, quel qu’en soit le prix à payer, ceux qui avaient besoin d’eux ; et ils étaient là, fidèles au serment du 30 décembre 1916, plus émus encore car les paroles prononcées alors prenaient, en ce jour, toute leur signification. La Hongrie, trois ans auparavant, était la composante majeure d’un Empire encore puissant. Aujourd’hui, elle n’était plus qu’un petit pays meurtri par la guerre et les luttes intestines, à la merci d’une bande de voyous qui avaient accaparé le pouvoir. Le Roi et la Reine venaient enfin rétablir la justice et le droit.

Le ronronnement du train finit par apaiser la tension dans laquelle ils vivaient depuis leur départ de Suisse et ils prirent quelque repos, allongés sur les couchettes inconfortables du wagon sanitaire.

Quand le jour se leva, ils purent enfin admirer les paysages de leur pays que traversait la ligne de chemin de fer.

Leur arrivée à Gyôr, la première grande ville, à une heure de l’après-midi, fut saluée par une garde d’honneur dont le drapeau fut incliné devant eux. Une fanfare attaqua alors une marche guerrière, prélude à l’action qui les attendait. La foule était aussi nombreuse qu’à leur départ de Sopron et de partout fusaient les vivats.

Le général Lôrenczy, commandant la garnison, mit ses troupes à la disposition du Roi.

Le train royal en gare de Gyo¦êr

Au Palais Royal, la nouvelle de leur arrivée était tombée depuis la veille. Les officiers de l’Entente, prévenus par le général Hegedüs, avaient immédiatement télégraphié pour en informer le régent. Horthy vivait depuis lors dans l’anxiété et l’espoir de la confrontation. Il savait que Charles reviendrait et il savait aussi que la dissolution des régiments qui lui étaient fidèles l’amènerait à réagir rapidement.

Mais, maintenant qu’il était sur le sol hongrois, il fallait agir sans laisser aucune chance au convoi royal de parvenir à Budapest.

–  Que toutes les garnisons se tiennent prêtes à faire feu contre le train lorsqu’il passera dans leurs gares, ordonna-t-il quand il reçut le message du général Lôrenczy, lequel, lui aussi, l’avait prévenu de l’avancée des troupes royales. Que l’on fasse dérailler ce maudit train !

Avant que le train ne reparte de Gyôr, Boroviczeny apporta à Charles un message du gouvernement l’informant que les pays de l’Entente protestaient contre sa tentative de restauration.

–  Peu importe, nous continuons ! répondit-il

Alors que le train s’arrêtait à nouveau dans la petite gare d’Acs, la nouvelle leur parvint que les rails avaient été déboulonnés avant la gare de Komarom, où la garnison les attendait sur le pied de guerre pour les empêcher de passer.

Le major von Ostenburg ne perdit pas de temps. Il envoya un bataillon de son régiment se porter vers les troupes devant obéir aux ordres du régent et, à la surprise des soldats du roi, sans même qu’un coup de feu n’eût été tiré, la garnison de Komarom se rendit et vint grossir leurs troupes.

Les soldats arrivèrent, drapeau en tête, devant le train du Roi qu’ils saluèrent par des vivats enthousiastes.

Des envoyés du régent, à la tête desquels était le Docteur Vass, arrivèrent alors pour tenter de persuader Charles de ne pas continuer.

Mais il était temps de repartir, les sapeurs envoyés sur les voies pour les réparer ayant terminé leur travail. Les émissaires de Horthy furent obligés de monter dans le train royal pour continuer la discussion avec le comte Andrassy, car Charles n’avait pas voulu les recevoir.

Andrassy fut inflexible.

–  Le régent doit remettre le pouvoir au Roi sans tarder, leur dit-il.

La perplexité des émissaires était d’autant plus grande qu’à chaque gare, l’accueil réservé au train était triomphal et les garnisons se joignaient spontanément aux troupes de la restauration.

A Tata, petite ville à soixante kilomètres de Budapest, devant l’impossibilité de trouver un accord, ils quittèrent le train royal après avoir assuré Andrassy qu’ils étaient tous, bien sûr, fidèles au Roi ; et que si ce n’était la crainte d’une invasion des puissances étrangères en représailles, le régent lui remettrait bien volontiers le pouvoir. Au moment de descendre, l’un d’entre eux fit remarquer que le wagon du Roi n’était pas gardé. Andrassy lui répondit avec superbe :

–  En Hongrie, le Roi n’a pas besoin d’être gardé. L’amour de son peuple le protège. Tu vois que personne ne cherche à lui faire de mal et que nous sommes arrivés jusqu’ici en triomphe.

Le régent, quand on lui rapporta la manière dont ses troupes l’abandonnaient sans coup férir, pour se joindre à celles de Charles, ne savait plus quelle attitude adopter. La Hongrie occidentale était désormais entre les mains du Roi. Et plus aucun obstacle ne se dressait entre lui et la capitale. Les troupes en garnison à Budapest avaient refusé de marcher et il savait bien que tous ceux qui l’entouraient l’abandonneraient dès que le Roi serait au Palais.

  • Gömbös, vous comprenez ce que cela signifie, dit-il à son âme damnée, si le roi réussit. Votre peau vaudra encore moins cher que la
  • Rassurez-vous, Altesse, lui répondit-il, je suis prêt à la défendre et il en coûtera à qui s’attaque à nous. Puisque les troupes régulières refusent de marcher, je vais convoquer les étudiants et leur expliquer la situation.

Deux heures après, un peu plus de trois cents étudiants, auxquels s’étaient mêlés de véritables hommes de main, étaient réunis dans la cour du Palais pour entendre le régent. Du haut du balcon, il entama son discours.

–  Notre pauvre Roi bien-aimé, commença-t-il, trompé par une bande de Tchèques et de communistes, marche à leur tête, contre la capitale.

En l’entendant, les étudiants se regardèrent surpris.

–  C’est notre devoir d’arracher notre Roi des mains de ces imposteurs, et de libérer notre pays de l’occupation étrangère…

A ce moment là, les hommes de main en profitèrent pour crier.

–  Oui, allons défendre le roi…

Les étudiants, qui n’imaginaient pas un seul instant que le régent pût leur mentir, crièrent eux aussi :

–  Allons défendre le roi et notre patrie…

Couple royal assistant a¦Ç la messe avant de partir pour Budapest

Gömbös qui assistait à la scène derrière le régent, en compagnie des quelques officiers qui, comme eux deux, n’avaient aucun intérêt à la restauration, se frottait les mains. 11 ordonna alors de les encadrer et de leur fournir les fusils pour se porter à Buda-Ors, dans les faubourgs à l’ouest de Budapest, où venaient d’arriver les quatre mille hommes de l’armée royale.

C’était dimanche matin. Le camp du Roi assistait à la messe, célébrée par un aumônier militaire sur un autel de fortune dressé entre deux voies ferrées. Charles et Zita étaient agenouillés sur un rail qui leur servait de prie-Dieu, au centre du demi-cercle constitué par la troupe, la tête inclinée alors que le prêtre consacrait le Pain et le Vin. Quelques timides rayons de soleil auréolaient le couple en prière.

Pendant la célébration, des coups de fusil se firent entendre sans troubler l’ordonnance de la cérémonie.

Si la quasi-totalité des garnisons qui devaient protéger la ville s’était rendue, il fallait maintenant assurer la liaison avec la dernière d’entre elles, à Kelenfold. Elle aussi avait annoncé son intention de rejoindre l’armée royale.

Le général Lehar prit la tête des troupes. Lorsqu’ils eurent dépassé Buda-Ors, ils furent attaqués sur le flanc par la bande d’étudiants de Gômbôs, galvanisés, sûrs de défendre leur chère patrie contre les ennemis tchèques. Surpris, les soldats du Roi effectuèrent un repli, en laissant sur le terrain quelques morts.

La marche triomphale qui les avait portés depuis Sopron, la reddition sans combat de chaque garnison rencontrée en cours de route, les bonnes nouvelles qu’ils avaient des régiments de Budapest, leur avaient fait perdre leur vigilance.

  • Je ne suis pas digne de mener l’armée de Votre Majesté au combat, dit le général Lehar, déconfit par le revers qu’il venait d’essuyer.
  • Mais enfin, général, ce n’est pas grave, répondit Charles. Tout au plus une escarmouche.
  • Peut-être, Sire, mais je pense que le général Hegedùs sera plus capable que moi de porter l’assaut final.
  • Comme vous voulez, Lehar, mais vous m’êtes fidèle depuis le début et je vous connais bien. Je dois vous avouer avoir moins confiance en lui qu’en vous.
  • Je peux me porter garant pour lui, Sire. J’ai été à ses côtés pendant plusieurs mois et je peux affirmer qu’il n’y a pas officier plus fidèle à Votre Majesté.

–  Très bien, mais je vous demande tout de même de ne pas le quitter. Pouvez-vous me l’envoyer afin que je lui confirme son commandement ?

A l’annonce de cette nouvelle, le général Hegedûs ne crut pas à sa chance. Il s’empressa d’accepter cette preuve de confiance de son Roi.

Au Palais Royal, réconforté par le petit succès de la bande armée, Horthy reprenait confiance. Il ordonna que les officiers des régiments stationnés à Kelenföld, avec lesquels les hommes de Charles n’avaient pas pu faire liaison, fussent remplacés par les quelques fidèles qui lui restaient. Les hommes de troupe n’iraient pas rejoindre l’armée du Roi sans un ordre de leurs officiers.

Le général Hegedüs, fort de sa nouvelle autorité, profita de ce moment de flottement pour proposer à Charles de se rendre lui-même sur place, afin de convaincre les officiers d’emmener enfin leurs troupes dans le camp du Roi. Charles accepta qu’il franchisse la ligne ennemie.

Une heure après, Hegedüs se trouvait face à Horthy. Le régent était avec les représentants français et anglais de l’Entente. Et c’est avec un grand sourire qu’il fut reçu.

–  Il est hors de question que l’Angleterre reconnaisse Charles comme roi de Hongrie, insistait rageusement Hohler, le britannique. Nous n’autoriserons jamais le retour d’un Habsbourg sur le trône. Cela présenterait bien trop de risques de guerre avec vos voisins.

Monsieur Doulcet, le représentant français, n’ayant reçu aucune consigne de son ministre, se taisait. Sa préférence allait vers Charles, mais il ne pouvait l’exprimer ici.

–  En ce qui me concerne, mentit le général Hegedüs, je n’ai pas prêté serment au Roi et j’ai même refusé de prendre la tête de son armée.

Comprenant que les hongrois avaient certaines choses à voir ensemble, les représentants français et britannique laissèrent seuls le régent et le général.

–  Votre Majesté doit se résoudre à accepter l’armistice proposé par le régent, plaidait Hegedüs, de retour dans le camp de Charles en début d’après-midi.

  • Comment se fait-il, général, que vous soyez allé à Budapest ? demanda Charles. Ne deviez-vous pas tenter de gagner la garnison de Kelenfôld à notre cause ?
  • J’ai préféré, Sire, me rendre compte par moi-même de la situation dans la capitale. Les troupes y sont gagnées à la cause du régent et le Palais royal a été transformé en forteresse. Croyez-moi, Majesté, il vaut mieux accepter un armistice. Cela permettra d’attendre des renforts venus de l’ouest. Ainsi, nous serons plus forts pour attaquer demain.

–  Je vais me rendre moi-même en tête du front pour voir la situation, répondit Charles.

Le seul moyen de s’y rendre était d’emprunter la voie de chemin de fer qui menait à la capitale. On fit préparer une locomotive.

Alors que Charles s’apprêtait à y monter, accompagné de Rakovsky, d’Andrassy et d’Hegedus, Zita intervint.

  • Je viens avec toi, dit-elle à Charles.
  • Il n’en est pas question. C’est trop dangereux, lui dit-il. Si nous venions à être capturés ?

Il avait dit ce qu’il ne fallait pas. Au lieu de répondre, Zita, d’un bond, sauta sur le marchepied et se hissa sur la plate-forme.

Un drapeau blanc avait été accroché à la cheminée de la locomotive qui s’ébranla, emportant à son bord la légitimité de la Hongrie.

Le cœur battant, Zita, déterminée, se tenait à côté de Charles. Leurs regards se portaient vers la colline de Buda, au sommet de laquelle se dressait le Palais royal qu’il leur fallait reconquérir. Le sang des Rois de Jérusalem bouillait à nouveau dans leurs veines.

Le train royal a¦Ç quelques kilome¦Çtres de Budapest

Mais deux kilomètres plus loin, la machine fut arrêtée par les hommes de l’armée royale en avant-poste. Ils venaient d’être avisés que le régent envoyait une délégation en vue de parlementer.

Charles demanda alors à Lehar et à Ostenburg, avant de prendre une décision, de venir le rejoindre.

  • Je pense, messieurs, commença-t-il, que nos troupes ne sont pas assez regroupées. Le mieux serait d’effectuer un repli stratégique afin de mieux nous organiser avant de repartir enfin à l’assaut de Budapest. Je prendrai moi-même la tête de l’offensive.
  • Je ne pense pas, Sire, que nos troupes qui n’ont pas dormi depuis deux jours soient en état d’attaquer avant d’avoir pris un peu de repos, répondit le major Ostenburg.
  • Il nous faut remettre l’offensive à demain matin, surenchérit Lehar.
  • D’autant, dit le comte Andrassy, que refuser un armistice risque de faire penser que Votre Majesté tient absolument à ce que le sang coule.
    Cela ferait le plus mauvais effet sur les pays de l’Entente. Horthy essaye probablement de trouver une sortie sans perdre la face.

–    Vous me conseillez donc d’accepter le cessez-le-feu qu’il propose. (Merci à Cosmo pour ce dossier)

Demain : Un combat pour le droit