Il suffit de regarder cette photo et l’on comprend tout. La fierté de Lord Mountbatten pour sa femme, l’amour de Nehru pour Edwina. Etonnante personnalité que celle d’Edwina Mountbatten. Elle donna le ton des années 1920. Elle sillonna le monde. On la vit, seule, en Sibérie ou traversant les Andes à dos de mulet, bourlinguant entre les îles du Pacifique à bord d’un petit bateau…

A Londres, elle était la femme la mieux habillée, une hôtesse incomparable, une adepte enthousiaste du charleston. Avec sa haute taille, ses yeux bleus, elle fut le type même de l’aristocrate futile.

Mais cette personnalité des années 20 se mit parfaitement au courant des nécessités et des problèmes des années 40 et 50. Son sens du devoir, un idéalisme foncier, trouvèrent à s’employer pendant la seconde guerre mondiale, où elle dirigeait une brigade d’ambulances.

La conscience sociale se développa chez elle que l’on voyait partout sous le « blitz », dans les abris de l’East-End, puis en Normandie et en Extrême-Orient. L’écrasante personnalité de son époux ne l’étouffa pas, au contraire.

Elle travailla en équipe avec lui, d’abord pour accélérer le rapatriement des prisonnier alliés aux mains des Japonais. Puis, au sommet de sa carrière, comme vice-reine des Indes quand elle soutint la politique libérale de son mari et prépara avec beaucoup de tact la transition vers l’Indépendance.

Que n’a-t-on pas écrit sur Edwina et Nehru ? Ils se rencontrent en mars 1946 à Singapour. Lui, tunique brune, rose rouge à la boutonnière et calot blanc. Elle, robe à fleurs, capeline blanche, mains gantées. Une Anglaise mince à la peau transparente que la foule happe et bouscule. Réfugiée sur une table, Nehru la prend par la taille et la dépose à terre. Elle, blottie contre lui, le nez sur la rose rouge. Coup de foudre absolu.

Le destin va les réunir en Inde sur fond de politique. Si l’Indépendance est pour demain, l’amour, lui, est déjà dans le coeur d’Edwina. L’élu est veuf, père d’une fille adorée, Indira. La place est à prendre. Lord Mountbatten ferme les yeux. Drôle de mari (un modèle de tolérance) et drôle de couple, tour à tour déchiré et pacifié.

Edwina et Nehru, eux, sont de drôles d’amoureux, solitaires pris au piège, qui, ensemble, parlent plus de politique qu’ils ne roucoulent. Fascinants personnages que l’Histoire élève et magnifie. Edwina court les hôpitaux et les camps de réfugiés, prisonnière d’un passé qui lui colle à la peau. Nehru, méprisant les ragots, ne voudra voir d’elle que « la vaillante, la généreuse, l’infatigable », celle que Gandhi appelle sa petite soeur, affirmant qu’elle a été indienne dans une vie antérieure.

L’amour sans avenir, ils s’en accommoderont. Rien ne sera dit mais tout sera transparent. Jusqu’à ce qu’ Edwina s’envole vers son exil anglais, en juin 1948, en promettant de revenir au moins une fois par an. Ce qu’elle fera.

Référence: la biographie « Edwina Mountbatten », Bertrand Meyer-Stabley aux éditions Bartillat.