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1814, qualifiée comme « l’année des miracles » dans l’histoire norvégienne, marque la fin de l’union entre le Danemark et la Norvège qui durait depuis 434 années.

« L’année des miracles » car la Norvège passe du pouvoir monarchique absolu du Danemark (les décisions étaient prises au Danemark) à une nation indépendante. Malgré son union avec la Suède, la Norvège avait acquis une large indépendance au cours de l’année 1814.

Le royaume danois avait misé sur le mauvais cheval en s’alliant avec la France napoléonienne. Après la défaite de Bonaparte près de Leipzig en 1813 et l’attaque du Danemark par la Suède, des négociations de paix ont été ouvertes dans la ville portuaire de Kiel. Le 14 janvier 1814, le roi Frederic VI de Danemark fut contraint d’y céder ses territoires norvégiens à la Suède à titre de compensation pour ses efforts de guerre contre Napoléon.

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Le Danemark conserva uniquement les anciens territoires norvégiens, le Groenland, les îles Féroé et l’Islande. Ensuite, tout se joua entre deux protagonistes : l’un allait fonder une nouvelle dynastie, l’autre appartenait à une vieille dynastie.

Le premier était Jean-Baptiste Bernadotte, Maréchal de France (1763-1844). Il avait été choisi pour succéder au trône de Suède dès 1810, et avait opté pour le nom de Charles Jean.

Le roi Charles XIII de Suède étant vieux, le prince héritier Charles Jean prit rapidement les rênes du pouvoir. Si les Suédois le choisirent comme successeur de Charles XIII, c’était pour s’allier à la France contre la Russie qui avait conquis la Finlande depuis 1809. Ils espéraient qu’une telle alliance leur permettrait de regagner la Finlande.

Charles Jean fit l’inverse puisqu’il s’opposa à Napoléon et entraîna la Suède dans une guerre contre la France; il convoitait la Norvège en récompense.

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Le deuxième protagoniste fut Christian Frédéric (1786-1848), membre de la dynastie Oldenburg qui régnait sur le royaume du Danemark et de Norvège depuis 400 ans. Il était le cousin du roi Frédéric VI et héritier du trône.

En mai 1813, alors que la situation était critique, le jeune prince de 26 ans, Christian Frédéric, fut envoyé en Norvège comme gouverneur.

Charmeur, enthousiaste, il devint vite populaire en Norvège et considéré pour ses qualités de politique et administratives. Le prince Christian Frédéric rejeta le traité de Kiel et tenta de résister en Norvège. L’ensemble de la population soutenait une telle résistance à la Suède.

Si la révolte de Christian Frédéric était tournée contre le traité de Kiel et contre la Suède, il déclara cependant ne pas souhaiter le retour de la double monarchie danoise et norvégienne : la bannière de la Norvège indépendante était soulevée. Au début, il voulut se faire élire roi de Norvège en vertu de ses droits sur le trône. Il demanda l’avis de son ami Carsten Anker, propriétaire des forges Eidsvoll Verk.

Puis, il entreprit un voyage dans la vallée de Gudbrandsdalen, à Dorve et à Trondheim afin de gagner le soutien de la population.De retour à Eidsvoll, il convoqua une réunion avec les hommes les plus influents du pays.

Le 16 février, le prince danois et quelques norvégiens influents tinrent un meeting privé à Eidsvoll, meeting qui devait être immortalisé sous le nom de « l’Assemblée des Notables 1814″. Lors de cette réunion, il présenta son plan pour devenir roi et donner au pays une Constitution. Il ne fut pas appuyé par tout le monde. Le professeur Georg Sverdrup protesta :  » Vous n’avez pas plus droit au trône que tout autre norvégien ».

Le prince Christian Frédéric émit un décret : tous les norvégiens devaient se réunir dans les églises pour élire des délégués à l’assemblée nationale et ils étaient obligés de jurer sous serment pour  » affirmer l’indépendance de la Norvège et consacrer leur vie et leur sang à leur pays bien-aimé ». Fin politicien, il faisait ainsi adhérer le peuple à son insurrection.

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Aussi, le 11 avril 1814, une assemblée nationale élue par le peuple fut convoquée pour adopter une nouvelle Constitution, à Eidsvoll à 60 kilomètres au nord d’Oslo (à l’époque nommée Christiania). Il y avait 112 hommes de tous les horizons, de toutes les classes, parlant les dialectes du pays et venant des campagnes et des villes. 33 étaient élus par l’armée, un tiers étaient des fermiers, 13 étaient des marchands, une minorité étaient des propriétaires de terres et d’entreprises…Beaucoup d’entre eux étaient très jeunes, la moyenne d’âge était de 42,8 ans.

L’assemblée reflétait la société norvégienne de 1814. Un historien dit que la Norvège était sans chefs ni dirigeants. Les dirigeants potentiels devaient émerger durant cette campagne.

6 semaines après, le 17 mai 1814, une nouvelle Constitution fut ratifiée (ci-dessus salle où elle fut ratifiée) et le prince Christian Frédéric fut élu roi de Norvège. Le président de l’Assemblée, Georg Sverdrup, clôtura l’assemblée par ces mots : « L’ancien trône de Norvège se dresse à nouveau sur le territoire national, celui que gravissaient jadis les Sverre et les Adelsten pour diriger l’ancienne Norvège avec sagesse et autorité. »

Si Christian Frederic put unir les Norvégiens dans la lutte pour l’indépendance et, avec l’aide de l’Assemblée nationale, mettre sur pied un nouvel état, c’est que Charles Jean était toujours retenu sur le continent avec le gros des forces suédoises dans les guerres napoléoniennes.

Napoléon fut forcé d’abdiquer début avril 1814. Charles Jean put alors lancer fin mai une offensive militaire qui mit rapidement fin à la résistance norvégienne.

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En août 1814, un accord fut signé à Moss, au sud d’Oslo, reconnaissant la Constitution mais scellant l’union entre la Norvège et la Suède. Le Storting (parlement) élit Charles XIII de Suède roi de Norvège (ci-dessus, la statue de Charles XIV son successeur à Oslo).

Christian Frederic tomba malade et dépressif et renonça officiellement au trône norvégien le 10 octobre 1814. Plus tard, il régna sur le Danemark entre 1839 et 1840, sous le nom de roi Christian VIII.

En octobre 1814, les Norvégiens défendirent leur constitution contre les suédois au Parlement. Les Suédois renoncèrent à imposer le traité de Kiel par la force et la nouvelle union entre la Norvège et la Suède était si lâche qu’elle put être dissoute en 1905 sans conséquence grave pour chacune des parties.

Les deux royaumes avaient le même roi mais un gouvernement autonome.Le 4 novembre 1814, la constitution du 17 mai fut légèrement modifiée, les pouvoirs du roi furent encore réduits.

Charles Jean, roi Charles XIV Jean de Suède, roi des royaumes unis de Norvège et de Suède depuis 1818, tenta plusieurs fois de renforcer les pouvoirs du roi en Norvège, mais en vain.

La Constitution était solidement ancrée dans la tradition norvégienne.  (Merci à Agnès pour ce reportage – sources : « 1814, the incredible year » du professeur Oystein Sørensen édité par le Storting; site web eidsvoll1814.no)