Pour ce troisième volet consacré à l’entretien accordé fin octobre 2017 à Nice par l’archiduchesse Catharina d’Autriche à Noblesse et Royautés, nous reviendrons plus spécifiquement sur la relation entre l’archiduchesse et sa grand-mère l’impératrice Zita d’Autriche-Hongrie.

Noblesse et Royautés : Parliez-vous souvent en famille de l’histoire de vos ancêtres Habsbourg ?

SAI Archiduchesse Catharina d’Autriche : Oui, nous en parlions bien logiquement. C’est surtout ma grand-mère l’impératrice Zita qui a évoqué tout au long de sa vie l’histoire de la famille et qui ravivait les souvenirs. Elle nous a toujours beaucoup parlé de notre grand-père l’empereur Charles que nous n’avons pas connu.

Noblesse et Royautés : Vous êtes la plus jeune des 33 petits-enfants de l’impératrice Zita. Quels souvenirs gardez-vous d’elle ? Pourriez-vous nous décrire la relation qui vous unissait ?

SAI Archiduchesse Catharina d’Autriche : Je suis en effet la plus jeune des petits-enfants. Du coup, mes frères et sœur me taquinaient souvent en me faisant remarquer que notre grand-mère était davantage une « grand-mère gâteau » avec moi qu’elle ne le fut avec eux ! Nous avions une relation magnifique. Elle est décédée lorsque j’avais 17 ans.

Ma grand-mère venait chaque année chez nous en Belgique passer un mois dans notre famille. Elle prenait alors part à tout notre quotidien. Si nous allions faire des courses, si nous allions à une activité extra-scolaire, elle nous accompagnait.  Je lui parlais en allemand alors qu’en fait sa langue maternelle était le français puisqu’elle est née princesse de Bourbon-Parme mais dès son mariage et son entrée dans la famille impériale, elle s’est totalement sentie Autrichienne et sa langue usuelle est devenue l’allemand. Le reste de l’année, nous nous téléphonions très souvent pour garder le contact.

Avec mes cousins, nous appelions notre grand-mère au moment de nos examens et nous lui demandions de prier pour nos bons résultats comme on peut le faire lorsque l’on est un enfant… Et puis quelques semaines plus tard, nous n’y pensions plus et notre adorable grand-mère qui continuait encore et toujours à prier pour nous et se demandait si tout s’était bien passé…

Noblesse et Royautés : Vous êtes-vous rendue à Madère où repose depuis 1922 votre grand-père l’empereur Charles ?

SAI Archiduchesse Catharina d’Autriche : Oui j’y suis allée pendant cinq jours en compagnie de mon père. Il a ainsi revu l’île, la maison qu’occupait la famille et le tombeau de son père.

Noblesse et Royautés : Pouvez-vous nous parler de la béatification de votre grand-père l’empereur Charles ?

SAI Archiduchesse Catharina d’Autriche : Mon père et mon cousin l’archiduc Lorenz se sont donnés un mal fou pour toute la procédure de béatification de l’empereur Charles. Cela a été une très longue procédure. Je me souviens d’une audience au Vatican chez le Pape Jean-Paul II. Il faut savoir que le Pape Jean Paul II est né Karol Józef Wojtyła. Il a été prénommé Karol (Charles) en hommage justement à mon grand-père l’empereur Charles. Le père du Pape était sous-officier au sein de l’armée austro-hongroise. Lorsque ma grand-mère a rencontré le Pape, elle s’est bien évidemment agenouillée et lui a baisé l’anneau pontifical, et de son côté le Pape fit de même comme il nous l’expliqua car il était enfin face à son impératrice. Ce fut un moment particulièrement émouvant.

Le Pape Jean-Paul II avait ce souhait de béatification du couple formé par mes grands-parents. La procédure est aujourd’hui en cours pour la sanctification de mon grand-père et la béatification de ma grand-mère. Les choses ont vraiment avancé à pas de géant ces derniers temps.

Noblesse et Royautés :  Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous l’avez vue ?

SAI Archiduchesse Catharina d’Autriche : Je lui ai en fait parlé au téléphone. Elle m’a dit qu’elle était très âgée et qu’elle allait s’en aller bientôt. Elle le sentait. Je lui disais bien logiquement le contraire. Et c’est alors qu’elle m’a déclaré « Tu sais je vais enfin pouvoir revoir ton grand-père après 67 années… » (NDLR : Lors de la conférence de l’archiduchesse au CUM, ce dernier échange fut évoqué et suscita beaucoup d’émotion dans l’assistance.)

Noblesse et Royautés : Votre grand-mère l’impératrice Zita est inhumée à la crypte des Capucins et votre grand-père l’empereur Charles à Madère. Il n’a jamais été question que votre grand-mère le rejoigne à Madère ?

SAI Archiduchesse Catharina : Non, il était clair que ma grand-mère en tant que dernière impératrice d’Autriche-Hongrie serait inhumée à la crypte des Capucins. En revanche, leur deux coeurs sont inhumés ensemble.

Au cours du séjour niçois de l’archiduchesse Catharina, Noblesse et Royautés a le plaisir de pouvoir la côtoyer également lors d’un déjeuner et un dîner au cours desquels les discussions s’enchaînent à bâtons rompus. L’un des convives expose que les funérailles de l’impératrice décédée le 14 mars 1989 à Zizers, sont un bel exemple de la réconciliation de la République d’Autriche avec son histoire. L’archiduchesse nous explique alors que les négociations avec l’Etat autrichien ont quand même pris du temps. Les funérailles ont été célébrées à Vienne le 1er avril 1989 mais tous les frais liés aux obsèques ont été entièrement supportés par la famille impériale même si cela avait pourtant l’apparence de funérailles nationales.

Nous discutons aussi inévitablement sur le drame de Mayerling. L’archiduc héritier Rodolphe s’est-il suicidé ? Comme l’explique avec beaucoup de sincérité l’archiduchesse, la théorie soutenue par la famille impériale est que Rodolphe a été tué en raison de ses prises de position politiques. Avérée ou non, cette version est celle qui est encore aujourd’hui soutenue par la famille et qui était défendue par l’impératrice Zita.  

Autre anecdote rapportée par un convive : l’impératrice est invitée à une réception à l’ambassade d’Autriche à Paris. Pour la décliner, elle avance qu’elle n’a pas d’habit à se mettre, portant depuis son veuvage de simples robes noires, et ne disposant donc pas dans son armoire de robes de cocktail. En fait, il s’agissait avant tout pour l’impératrice de décliner poliment une invitation où l’on ne reconnaissait pas son rang d’impératrice.