Il y a 75 ans à Tirana, le roi Zog I épousait la comtesse Géraldine Apponyi, considérée comme l’une des plus belles jeunes femmes de la noblesse de son époque. Un événement heureux qui avait eu beaucoup d’impact en Albanie. 75 ans plus tard, leur petit-fils le Prince Léka II des Albanais nous fait le grand honneur de répondre aux questions de Noblesse et Royautés. Le prince Léka est né en 1982 en Afrique du Sud. Il est le fils unique du roi Léka et de la reine Susan. En 2002, la famille royale qui vivait en exil depuis 1939, a pu fouler à nouveau le sol albanais. 2012 a vu le retour de la dépouille du roi Zog I du cimetière parisien de Thiais à Tirana. Un grand moment pour son petit-fils le prince Léka II et pour l’Histoire de l’Albanie. Installé à Tirana, le prince Léka II des Albanais est fiancé à Mademoiselle Elia Zaharia.

Dans cet entretien le prince Léka revient sur son enfance en Afrique du Sud, les liens entre la famille royale et les Albanais malgré les longues années d’exil, sur sa vie actuelle en Albanie et sur les grands moments qui ont marqué la famille royale ces dernières années.

Noblesse et Royautés tient tout particulièrement à remercier Son Altesse Royale pour lui avoir accordé cet entretien où vous percevrez d’emblée la sincérité et l’engagement au service de l’Albanie du prince Léka II. Un grand merci aussi au Bureau de la Maison Royale d’Albanie à Paris qui a permis la concrétisation de cet entretien avec le prince Léka. La photo du Prince Léka II et de sa fiancée Mademoiselle Elia Zaharia a été réalisée par Monsieur Fadil Berisha. Texte et photo – Tous droits réservés (Famille Royale d’Albanie & Noblesse et Royautés)

N&R : Votre Altesse, vous êtes né à Johannesburg et avez grandi en Afrique du Sud où vos parents le roi Léka et la reine Susan vivaient en exil. Quel a été votre sentiment lorsque vous avez finalement pu poser le pied sur le sol albanais ?

Prince Léka : Cela a été extraordinaire ! Je ne pouvais imaginer l’accueil spontané qui nous a été réservé à l’aéroport de Tirana. Des milliers de personnes étaient accourues pour nous accueillir ce jour de juin 2002. La chaleur des cœurs de ce jour mémorable ne le cédait en rien à la chaleur estivale !

N&R : Aviez-vous conscience dès votre enfance du rôle que votre famille a joué sous le règne de votre grand-père le roi Zog et des possibilités de revenir un jour en Albanie ?

Prince Léka : Le retour définitif en Albanie était notre rêve. Mon père a travaillé toute sa vie avec la diaspora albanaise partout dans le monde, ainsi qu’avec nos alliés, pour déstabiliser le régime communiste. C’est pourquoi il a fait le nécessaire pour que je grandisse dans une atmosphère albanaise, entouré des traditions et des valeurs de notre nation. Il s’est notamment évertué à m’inculquer notre code d’honneur, la “Bessa”(foi jurée), auquel emprunte son nom le principal ordre équestre de la Couronne d’Albanie, l’Ordre de la Bessa, fondé par mon grand-père, le roi Zog Ier. Ce code immémorial de chevalerie rappelle davantage les vertus des chevaliers en armure du Moyen-Age, que le dévoiement de la “vendetta” coutumière à laquelle on a, malheureusement, souvent tendance à réduire le droit coutumier albanais. Cette atmosphère dans laquelle j’ai été élevé, m’a également rendu familier de l’histoire des Zog et de leur responsabilité devant l’Histoire.

N&R : Comment s’est déroulée votre enfance en Afrique du Sud ? 

Prince Léka : Mes parents voulaient absolument que j’aie une enfance normale. A l’école, bien que mon identité se déclinât “Leka Albania”, personne ne songeait au titre qu’un tel nom pouvait impliquer. Je garde un souvenir très ému de l’Afrique et de la liberté dans laquelle j’ai pu y forger mon caractère et goûter une certaine simplicité dans la façon d’être et de vivre. Ceci n’a pas empêché que l’éducation que j’ai reçue ait été également conforme aux responsabilités qui m’attendaient.

N&R : Devenu adolescent, est-ce que votre père le roi Léka vous associait dans ses contacts avec la communauté albanaise en exil ? 

Prince Léka : Les communautés albanaises en exil ont énormément compté aux yeux de ma famille. J’ai toujours été entouré, depuis mon enfance, par des officiers et des fidèles de mon père. Je me souviens également des premières conférences de presse en France, à la fin des années 80, lorsque j’ai été présenté par mon père à la presse internationale et à la diaspora albanaise. Le contact a toujours été chaleureux. Vu mon jeune âge, j’étais considéré par nombre d’Albanais en exil comme l’un des rares recours pour l’avenir, personne ne pouvant, à l’époque, prévoir la chute du régime communiste à court terme.

N&R : Quels étaient vos contacts avec votre grand-mère la reine Géraldine dont vous étiez l’unique petit-fils ?

Prince Léka : Ma grand-mère, la reine Géraldine, m’aimait énormément et nous avions un rapport très spécial. Elle fut l’une des chances de ma vie. Quand nous prenions le thé ensemble, parfois en tête à tête, elle me racontait l’Albanie et m’initiait à l’histoire. C’était une catholique très pieuse, dévote de la Vierge et du pape Jean-Paul II. Son intelligence et sa tendresse étaient à l’égal de sa piété.

N&R : Le roi Baudouin était votre parrain. L’avez-vous régulièrement côtoyé ?

Prince Léka : Je n’ai vu le roi Baudouin que deux fois, durant mon enfance. Cela a été toujours en Belgique. Nous savons quel grand homme il a été. Personnellement, c’est sa simplicité et sa tendresse qui m’ont marqué. Mes parents m’avaient fait apprendre par cœur le protocole avant que je sois introduit auprès du roi. Et pourtant, à son arrivée, il me prit dans ses bras et on oublia les présentations. J’en garde un souvenir joyeux et ému en même temps.

N&R : Vous avez assisté à un gala organisé par la princesse Léa de Belgique qui était d’ailleurs venue en Albanie. Avez-vous des contacts réguliers avec la famille royale de Belgique ?

Prince Léka : J’ai rencontré la princesse Léa pour la première fois lors du gala dont vous faites mention, à Bruxelles. La princesse a rendu également visite à mon père, à Tirana. Nous sommes restés en contact et j’admire sa personnalité et le travail qu’elle mène dans le cadre de ses activités humanitaires. Ses efforts en vue de maintenir vivant le souvenir de son regretté époux ne peuvent susciter que respect et admiration.

Je ne peux que souhaiter que les contacts avec la Famille royale belge s’intensifient, car nos deux pays ont toujours gardé des liens très forts d’amitié. La communauté albanaise est également très présente en Belgique.

N&R : Comment s’est passée votre installation en Albanie ? Vous êtes-vous rapidement adapté car cela devait être un grand changement par rapport à votre vie en Afrique du Sud ?

Prince Léka : L’Albanie est un pays en plein développement et bénéficie d’une des plus fortes croissances dans les Balkans, même si chaque pays a sa singularité, ce qui rend les comparaisons assez relatives. Toutefois, je me sens parfaitement chez moi dans un pays dans lequel je me suis installé à un âge assez jeune et qui reste unique par son côté humain et en même temps par son caractère indomptable.

N&R : Pouvez-vous nous expliquer votre parcours au niveau de vos études ? 

Prince Léka : Après mes études secondaires en Afrique du Sud, j’ai intégré l’Académie militaire de Sandhurst en Angleterre, puis l’Académie militaire interarmes Skanderbeg de Tirana. Je suis également diplômé de lettres de l’Université de Pérouse en Italie.

N&R : La famille royale a été douloureusement frappée par des deuils successifs depuis votre retour au pays. La reine Géraldine est décédée en 2002, votre mère la reine Susan en 2004 et votre père le roi Léka en 2011. Avez-vous ressenti dans ces moments douloureux une plus grande proximité avec le peuple albanais ?

Prince Léka : Le soutien témoigné à ma famille pendant tous ces moments difficiles a été incroyable. J’en ai été impressionné et très touché. Cela ne pouvait être autrement quand on pense que les personnes qui m’ont fait l’honneur de venir se recueillir devant les tombes de mes parents ont risqué leur vie pendant 50 ans. A l’époque, une simple photo du roi ou un simple mot en faveur de la monarchie pouvait leur valoir une peine de prison, voire pire. Le deuil est un moment particulier dans la vie d’un albanais. Les gens font bloc autour de la personne qui a perdu un être cher. Ces moments, douloureux, ont permis des retrouvailles avec des amis de famille que je ne connaissais pas et qui nous sont restés fidèles. J’attache une grande importance aux témoignages des plus âgés parmi les amis de notre famille, qui me font découvrir un univers singulier fait de larmes, mais aussi d’espérances et de joies partagées.

N&R : Malgré un emploi du temps que l’on imagine très dense, quels sont vos hobbies ?

Prince Léka : Je suis curieux par nature et toujours à l’affût de nouvelles activités. J’aime énormément lire et je m’occupe à mettre en ordre mes collections, notamment celle de numismatique et la collection royale qu’un aristocrate albanais, grand-chambellan de la Cour et ami très cher de ma famille, le bey Paul Adamidi Frasheri, m’a léguée, alors que j’étais encore un petit enfant.

N&R : Comment avez-vous vécu l’année 2012 qui a vu le retour de la dépouille du roi Zog à Tirana et l’anniversaire de l’indépendance du pays ?

Prince Léka : Il y a des émotions dans la vie d’un homme que les mots ne suffisent pas à décrire. J’ai été en tout cas heureux de la bonne tenue de ces cérémonies, dont j’avais la charge, historique. Je suis très reconnaissant au gouvernement albanais et spécialement au Premier ministre, le Dr Sali Berisha, pour son appui. Je me rappelle avec plaisir les moments amicaux partagés à l’occasion de ces solennités, avec SAI le grand-duc Georges de Russie, SAR le prince Nicolas du Monténégro et SAR le prince Radu de Roumanie, qui m’avaient fait l’honneur et l’amitié de venir à Tirana.

Ceci n’aurait pas été possible sans l’aide du gouvernement français qui autorisa la translation des cendres du roi Zog Ier, grand’croix de la Légion d’honneur, et qui lui réserva des adieux d’une grande dignité. La cérémonie au cimetière parisien de Thiais, en présence de nos amis, Maria- Pia de Savoie et Michel de Bourbon-Parme, Chantal d’Orléans, Fayçal bey de Tunisie et Nessrin Toussoun d’Egypte, fut très émouvante et j’exprime toute ma reconnaissance renouvelée à la République française, de l’avoir rendue possible. Les Albanais y ont été très sensibles.

N&R : Votre Altesse, vous êtes fiancé avec Mademoiselle Elia Zaharia. Y a-t-il une date pour votre mariage ? Et dans l’affirmative, pourriez-vous évoquer les préparatifs ? 

Prince Léka : Il est un peu tôt pour donner des détails, mais j’espère que nous serons en mesure d’annoncer la date très bientôt.

N&R : Y a-t-il un endroit en Albanie que vous aimez plus particulièrement ?

Prince Léka : J’aime beaucoup la région d’origine de ma famille, la vallée de Mati. Entourée de montagnes on peut y admirer des lacs et des forêts d’une grande beauté. Pendant l’été j’aime me rendre dans le sud, et profiter des beautés de la riviera albanaise. Les plages de la mer Ionienne qui ont l’air de s’étendre à l’infini, les bons plats locaux et la nature encore sauvage, avec ses grottes et ses cavernes, autrefois repaires de pirates, achèvent de donner à cette région un cadre unique et majestueux.