L’annonce de la diffusion d’un entretien du roi Albert II au journaliste Pascal Vrebos avait créé à la fois la polémique (le Palais contredisant la chaîne de télévision et indiquant ne pas avoir été mis au parfum de pareille initiative) et l’expectation car il s’agit là d’une grande première pour un roi désormais non régnant de son confier de manière aussi intime.

L’entretien dont le premier volet a été diffusé lundi soir par RTL TVI, se passe au château du Belvédère, résidence d’Albert et Paola depuis leur mariage en 1959. Contrairement aux châteaux de Laeken ou de Ciergnon, les caméras n’ont pour ainsi dire jamais filmé cette résidence royale qui appartient à la Donation royale. Situé de l’autre côté que le château de Laeken, le Belvédère apparaît comme une belle maison nichée dans un superbe écrin de verdure. La reine Paola a toujours eu à cœur de s’occuper des fleurs et plantes de son jardin, se faisant aider par des architectes paysagistes.

Le Belvédère servit lors de l’exposition universelle de 1958 pour de nombreuses réceptions. Lorsqu’ils en deviennent les locataires, le lieu n’est pas encore cette demeure chaleureuse comme le confie la reine Paola.

Albert et Paola qui semblent décontractés et en confiance avec leur interlocuteur, s’expriment posément et avec beaucoup de naturel. Le roi a le sens du détail et de la formule lorsqu’il répond aux questions. Tous deux confient qu’ils ne « vont pas mal », qu’ils essayent de s’habituer à une situation très différente de celle qui était la leur pendant 20 ans. Ils cherchent encore leur vitesse de croisière et espèrent arriver à trouver cette vie sereine à laquelle ils aspirent. Le roi confie malicieusement qu’il pensait pouvoir à présent faire des grasses matinées mais que ce n’est pas vraiment le cas. La reine Paola est très active, bien plus que lui. Il avoue avoir besoin de sa présence. Lorsqu’il était roi régnant, le couple déjeunait tous les matins ensemble. Paola faisant la lecture de la presse au roi pour que celui-ci puisse manger à son aise.

Si la santé qui est bonne aujourd’hui le leur permet, ils ont plein de projets qu’ils souhaitent voir s’accomplir notamment des visites culturelles à l’initiative de Paola.

Lorsqu’on les questionne sur le fait qu’aux Pays-Bas, Béatrix est redevenue princesse, on sent qu’ayant été roi et reine, ils tiennent à ce titre

Le roi Albert a juste un peu plus d’un an lorsque sa mère la reine Astrid décède dans un accident de voiture en Suisse. Un drame qui va bouleverser à jamais la cellule familiale. Albert confie que sa grand-mère la reine Elisabeth se montre très présente auprès de lui, Baudouin et Joséphine Charlotte. Elle jouait un rôle de maman de substitution avec beaucoup de tendresse et gentillesse. Et Albert de rappeler que son grand-père le roi Albert I (décédé 4 mois avant sa naissance) s’appelait ainsi car ses parents le comte et la comtesse de Flandre, avait voulu faire plaisir à la reine Victoria d’Angleterre. Et que par conséquent s’il s’appelle Albert, cela vient de là.

La reine Elisabeth lui lisait des contes allemands qu’elle lui traduisait en français. L’un d’eux est resté bien dans sa mémoire : les aventures d’un petit bourdon qui avait perdu une patte. Il parvint à convaincre deux enfants de monter sur son dos pour partir ensemble sur la lune à la recherche de la patte perdue…

Albert se souvient de cette époque comme d’une période douce, également très musicale à l’initiative de sa grand-mère. Son premier souvenir d’enfant remonte à son 5ème anniversaire. Pour l’occasion, le roi Léopold III et la reine Elisabeth avaient organisé un anniversaire pique-nique en forêt de Soignes. Grands paniers de victuailles, personnel en livrée,… Au menu du poulet froid et de la compote de pommes. Un plat qu’Albert continue d’affectionner et de manger tous les dimanches comme le font d’ailleurs de nombreux Belges.

 

 

La guerre sera un moment de grande tension pour la famille. Le 6 juin 1944, alors qu’il fête ses 10 ans, les Allemands viennent chercher le roi Léopold III. Albert est au château de Ciergnon dans les Ardennes et souffre des oreillons. Son père l’appelle et lui laisse entendre que peut-être qu’ils ne se reverront jamais. Albert en est épouvanté.

Trois jours plus tard, le reste de la famille est prié de suivre aussi vers Weimar au quartier général des SS. Là, la princesse Lilian, la princesse Joséphine Charlotte, le prince Baudouin, le prince Albert et le petit prince Alexandre comprennent qu’on va les séparer. Albert raconte que la princesse Lilian s’est défendue férocement pour garder le groupe uni et obtenir l’autorisation d’aller rejoindre le roi Léopold III prisonnier dans une forteresse en Autriche. Sa parfaite maîtrise de la langue allemande lui permettra d’atteindre cet objectif.

L’ordre d’exécuter la famille avait, semble-t-il, été pris mais les communications étant coupées entre Berlin et l’Autriche, l’information ne parvint pas jusqu’à leurs geôliers.

En 1945, sachant que les troupes américaines sont proches, leur fidèle conseiller Gatien du Parc Locmaria fait le mur au risque de sa propre vie pour aller alerter les troupes alliées qui libèreront enfin la famille. La guerre a soudé à jamais Joséphine-Charlotte, Baudouin et Albert.

Baudouin et Albert sont scolarisés au collège Le Rosey pendant un an et demi puis à Fribourg dans une école bilingue allemand-français très sévère selon les dires du roi. L’ambiance y est cependant très bonne. Il livre quelques anecdotes comme le fait que chacun recevait en début de semaine une ration de beurre à gérer (hors d’un frigo) ou que la vaisselle des couverts se faisait via un seau d’eau qui commençait une semaine par un bout de la table et l’autre par l’autre bout…

 

Lorsqu’on lui demande si le prince Charles, frère du roi Léopold III a sauvé la monarchie en acceptant la régence du royaume pendant l’exil suisse du roi et de sa famille, Albert est entièrement d’accord. Pour lui, le prince Charles a comblé le vide car qui d’autre aurait pu le faire ? Et « il a bien fait son job », lâche-t-il.

Qu’en était-il de ses relations avec la princesse Lilian, deuxième épouse du roi Léopold III, et mère du prince Alexandre et des princesses Esmeralda et Marie Christine ? Albert confie que lorsque l’on est petit enfant et qui plus est un garçon, on apprécie cette présence féminine mais lorsque l’on grandit, on a des difficultés à accepter l’autorité d’une dame qui n’est pas votre mère. Et de rajouter que c’est déjà tellement difficile parfois avec ses propres parents…

Léopold III a-t-il mis au courant ses fils de son intention d’abdiquer ? Le roi Albert explique qu’ils avaient suivi l’évolution du contexte politique et que tous avaient compris que cela allait devoir se faire même si cela ne fut jamais dit explicitement.

Pas de vie festive pour Albert qui avait juste l’autorisation de sortir 2-3 fois par an dans des soirées privées chez des gens bien connus de la famille royale. Son voyage aux Etats-Unis à sa majorité, l’a beaucoup marqué. Il y a découvert un côté enthousiaste, optimiste et jovial à cette époque aux Etats-Unis mais déclare qu’il n’aurait jamais envisagé d’y vivre.

 

Comment le prince Albert de Belgique et donna Paola Ruffo di Calabria ont-ils fait connaissance ? Lors d’une réception donnée en l’honneur du prince Albert à l’ambassade de Belgique à Rome. Le prince était venu pour assister à l’intronisation du Pape Jean XXIII. Albert discutait devant un tableau représente une vierge, œuvre de Thierry Bouts qui appartenait à la collection privée de l’ambassadeur de Belgique lorsqu’il vit Paola. Il comprit qu’elle parlait français et souhaitait d’emblée la revoir.

De son côté, Paola était un peu fatiguée et souhaitait quitter la fête mais le protocole était impératif : pas avant le départ du prince et celui-ci qui ne cessait de parler…

Le prince Albert sollicita la fille de l’ambassadeur de Belgique auprès du Saint Siège pour en savoir plus sur Paola Ruffo di Calabria. Elle leur organisa une excursion où ils purent converser plus longuement.

Les jeunes gens se revoient lors d’une visite à Ostie. Albert a loué une petite voiture bleu ciel et propose à Paola de conduire. Il veut lui faire sa demande mais craint un refus. Il se dit que si elle roule, elle ne pourra pas dire non… Paola lui rétorque qu’ils ne se connaissent pas du tout et que cela est bien trop prématuré. Ils passeront ensuite un séjour chez la sœur de Paola dans la région de Florence où leur relation deviendra alors plus sérieuse.

Albert en informe son frère Baudouin qui marque d’emblée son accord, si c’est le choix qui rend heureux le prince. De plus, le père de Paola, le défunt don Fulco était un héros de la guerre.

Le jour de leur mariage à Bruxelles le 2 juillet 1959 semble avoir été marqué par des tensions familiales . Paola explique que lors du banquet, personne ne prit la parole et qu’Albert lui-même prit donc l’initiative. Le voyage de noces eut lieu à aux Baléares mais la présence massive de photographes mit beaucoup de pression sur les jeunes mariés.

 

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On connaît la suite : la naissance de trois enfants Philippe en 1960, Astrid en 1962 et Laurent en 1963 puis une crise conjugale qui éloignera progressivement Albert et Paola. Les choses sont à ce point arrivées à un point de non-retour que le roi Baudouin accepte le divorce du prince et de la princesse de Liège. Les documents sont préparés.

Le roi Albert explique lors de cet entretien qu’il se rend compte que la garde des trois princes lui est confiée au détriment de Paola. Albert ne peut l’accepter. En son temps, la baronne Sybille de Selys, mère de Delphine Boel, expliquait que les documents du divorce avaient bien été rédigés mais qu’Albert ne pourrait pas voir ses enfants en sa présence et que dès lors elle avait renoncé.

Paola revient sur le fait qu’ils se sont mariés jeunes, avaient connu des adolescences marquées par des moments difficiles et qu’ils n’avaient pas réellement vécu, ceci provoquant peut-être leur soif d’indépendance plus tardive. La reine insiste aussi sur le fait qu’elle n’a jamais connu une « adolescence dorée » comme on l’a si souvent écrit. La famille vivait normalement à Rome et elle ne fit un voyage à Paris que bien tardivement.

Albert confie avec émotion que le miracle s’est produit et qu’ils ont fini par se retrouver. Ils ont alors réussi à renouer une relation plus forte encore et pu se rendre compte des qualités de l’un et de l’autre. La mort de Laura, la sœur de la reine Paola, lui a ouvert un cheminement spirituel auquel a adhéré le roi Albert.

Paola concède que leurs enfants ont dû souffrir comme eux souffraient de cette situation familiale malheureuse mais qu’il faut bien réaliser le cheminement qu’elle et son époux ont accompli dans les années 80 pour être aujourd’hui un couple réellement heureux, uni et complice.

Le roi Albert trouve qu’aujourd’hui ses enfants sont bien plus proches de leurs enfants, que lui ne le fut. Les choses sont différentes. Ce qui est aussi insupportable à ses yeux, c’est que le moindre petit problème soit systématiquement porté sur la place publique.

Le journaliste Pascal Vrebos évoque Delphine Boël pour aussitôt ajouter que même si le roi le souhaitait, une affaire étant en cours devant les tribunaux, il ne le pourrait pas. L’affaire évoquée à mi-mot en reste là.

 

Le 31 juillet 1993, Albert et Paola ont rejoint le Sud de la France après la Fête nationale belge. Le lendemain, ils vont retrouver la grande-duchesse Joséphine Charlotte dans sa résidence de la Tour Sarrasine à Cabasson. Un proche apprend à Albert que le roi Baudouin a été victime d’un malaise dans sa résidence de Motril. Le prince pense à un malaise cardiaque vu que le roi Baudouin a été opéré précédemment du coeur mais n’imagine pas le pire. Il prend contact un peu après avec la reine Fabiola et lui demande comment va son frère. La réponse fuse : « Mais il est au ciel, il est mort ». Albert encore bouleversé 20 ans plus tard, confie que ce fut un moment terrible, qu’il se jeta de chagrin dans les bras de son épouse.

Il téléphone alors à Joséphine Charlotte qui au bord de l’évanouissement en raison de ce terrible choc, lui dit d’emblée qu’il doit aller seul chercher Baudouin à Motril. Elle-même se rendra vers Bruxelles tout comme Paola pour les accueillir.

 

Le Premier ministre de l’époque le défunt Jean-Luc Dehaene contacte le prince de Liège et lui demande quelles sont ses intentions. Albert demande à réfléchir pendant 24 heures. Plus tôt dans l’interview, il avait indiqué que s’il avait effectivement divorcé de Paola, et avait été célibataire au moment de la mort du roi Baudouin, il n’aurait jamais accepté le trône. Pour lui, il fallait absolument être un couple.

Arrivé à Motril, il tente de converser avec sa belle-sœur la reine Fabiola mais celle-ci est tellement bouleversée et accaparée par le transfert de la dépouille vers Bruxelles, qu’il lui est impossible de lui parler. Pressé par le Premier Ministre, Albert parvient à lui demander ce que Baudouin aurait voulu : lui ou Philippe. Fabiola lui répondit « Toi et pas pour peu de temps ».

Albert confie qu’il ne se sentait pas du tout préparé même s’il avait mené de nombreuses missions économiques de par le monde. Il craignait d’être le dernier roi des Belges à ce moment-là.

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Le jour de sa prestation de serment, il a senti cette communion populaire. Après l’enterrement qualifié de magnifique du roi Baudouin (interventions de personnalités de la société civile, de chanteurs,…) moment où le pays pleurait un roi, il a senti cet élan de gentillesse envers lui. (Copyright photos : DR, belga, RTL-TVI)

La 2ème partie de cet entretient sera diffusée ce mardi 10 juin 2014 à 19h45 sur la chaîne RTL-TVI