Mardi 10 juin à 19h45, RTL TVI diffusait la deuxième partie de l’entretien du roi Albert II accordé au journaliste Pascal Vrebos. Le roi et à certains moments la reine Paola sont interrogés dans le cadre du château du Belvédère. Le roi toujours aussi précis dans sa narration, très posé et avec un brin d’humour lorsqu’il le faut, revient sur ses relations avec son frère tant aimé le roi Baudouin, sur l’impossibilité de régner de celui-ci au moment de son refus de signer la loi dépénalisant l’avortement, les moments les plus éprouvants de son règne de 20 ans, quelques anecdotes, sa fierté par rapport à l’aîné de ses petits-enfants le prince Amedeo, son remariage avec la reine Paola et son message aux Belges. Voici un résumé.

Dans la première partie de cet entretien historique, le roi Albert II n’avait pas caché toute son émotion au moment de se souvenir de la douleur qui fut sienne lorsqu’il apprit le décès de son frère le roi Baudouin. Deux frères que la guerre et son pesant contexte ont à jamais unis.

Le roi Albert confie que son frère Baudouin avait un caractère extraordinaire, pas dominateur, jamais jaloux de lui le petit dernier qui se faisait parfois un peu plus gâter. Un amour fraternel très solide s’est développé et accentué au fil des ans. Ils ont fait beaucoup de choses ensemble, partagé énormément de moments et de confidences. Ils aimaient aussi se promener dans le parc de Laeken, au Belvédère ou dans les Ardennes.

Albert a toujours continué à raconter à son frère ses problèmes et ses craintes. Lorsque Baudouin devient roi en 1951, Albert est épouvanté de perdre ce lien fraternel, sachant que son aîné sera accaparé par la tâche royale mais il n’en fut rien. Il explique que Baudouin n’était pas heureux de cette situation d’avoir dû succéder à son père le roi Léopold III. Il avait un profond sentiment d’injustice, c’est pourquoi au début de son règne, il marquait une totale retenue qui lui donnait un air perpétuellement triste. Pour le roi Albert, Baudouin a réellement commencé à sourire à la fois en privé et en public lors de son mariage avec la reine Fabiola.

Albert répète que lors de son mariage avec donna Paola Ruffo di Calabria, Baudouin était un peu triste de voir s’envoler d’une certaine manière son cadet mais qu’il fut toujours extrêmement affectueux avec sa belle-sœur. Il aimait venir au Belvédère pour savourer la cuisine italienne de Paola. Il a souvent répété à Albert que si un jour il abdiquait, il s’installerait alors au Belvédère et qu’Albert irait à Laeken, aimant manifestement le cadre plus cosy et plus petit de la demeure d’Albert que la sienne à Laeken.

Le roi Albert indique que son frère fut toujours un soutien précieux même lorsqu’il désapprouvait sa conduite de sa vie privée. Il l’encourageait à surmonter les obstacles. Il y avait toujours un côté encourageant.

Baudouin était aussi un farceur-blagueur. A chaque fois qu’il voyait Albert avec une nouvelle cravate, il ne pouvait s’empêcher de la tirer hors de sa veste de costume… Et de rappeler que Baudouin était pleinement le chef de famille.

Concernant le refus du roi Baudouin de signer la loi dépénalisant l’avortement en Belgique et son impossibilité de régner de 24 heures, Albert confie son désarroi. Qu’allait-il pouvoir faire si Baudouin était amené à abdiquer? En tant que successeur, il se serait retrouvé dans une situation intenable : signer la loi et donc désavouer son prédécesseur ou ne pas la signer et se trouver aussi dans une situation de blocage. Baudouin le rassura en indiquant que l’on trouverait bien une formule adaptée.

Pour Albert, il était évident que Baudouin ne pouvait pas signer cette loi, c’était absolument déchirant pour lui qui n’avait pas eu d’enfant. Et de conclure que le politique a compris cela et a trouvé une solution (impossibilité de régner 24 heures).

Est-ce que Baudouin reconnaîtrait la Belgique d’aujourd’hui ? Pour Albert, son frère est décédé à un moment où la Belgique fédérale voyait le jour. Il la reconnaîtrait donc mais changée. Pour Albert, ce fut plus facile car il entamait son règne avec une nouvelle ère constitutionnelle pour le pays.

Albert avoue penser très souvent au roi Baudouin et se demande ce qu’il aurait fait dans pareille situation. Le roi a gardé le même chef de cabinet que son frère, Jan van Yperseele de Striou (qui est pari à la retraite en même temps qu’Albert II). Mais toutefois, il n’a jamais osé demander à Van Yperseele ce que Baudouin aurait pris comme décision sur tel ou tel dossier.

Y a-t-il des différences entre Albert et Baudouin ? Pour le roi Albert, pas tellement car il partageait les mêmes grands principes. Petite exception peut-être, Albert riait plus en public que Baudouin. A nouveau très ému, il revient sur les funérailles de Baudouin en la cathédrale des Saints Michel et Gudule lorsque le cardinal Daneels déclara qu’Albert et Baudouin étaient faits dans le même bois.

Pour le roi, la tâche royale est un métier, une fonction mais aussi un destin. Baudouin lui avait toujours dit qu’il pouvait lui poser toutes les questions qu’il souhaitait sur la fonction mais Albert préférait évoquer des sujets privés. Il s’estimait donc mal préparé mais fit face comme dût le faire Baudouin dans des circonstances douloureuses en 1951.

Devenu roi à un âge où l’on part à la retraite, Albert explique qu’il avait moins de temps pour ses loisirs. Avec la reine Paola, ils aimaient sortir, voir des amis, aller au spectacle, au restaurant,… mais petit à petit, ils n’ont pas eu d’autre choix que de se replier sur eux-mêmes et de voir moins souvent leurs amis. Sortir et se détendre, signifiait qu’il fallait veiller à être bien en forme le lendemain…

Le roi abandonna aussi les moments qu’il affectionnait tant à savoir des promenades à bord de sa moto.

Peu de temps pour soi et une multitude de documents à signer près de 10.000 par an, ce qui lui fait dire en riant qu’il avait parfois des crampes atroces et que sa signature en ressemblait plus à rien.

A qui peut-on se confier après des journées difficiles surtout en période de crise politique ? Le roi est direct : à son chef de cabinet et à la reine Paola. Il déclare avoir toujours écouté à 90% ses collaborateurs et ne pas avoir eu l’impression de vivre entouré de courtisans.

Albert estime que l’on perd parfois de vue ce que pense l’homme de la rue et que l’on se retrouve par conséquent déconnecté. On perçoit un autre son de cloche à force de côtoyer les différents représentants politiques.

Quel est le meilleur souvenir de ce règne de 20 ans ? La mise en place d’un gouvernement après plus de 500 jours de crise. Un laps de temps absolument affolant pour le roi qui n’avoue pas avoir été découragé mais désireux d’aboutir. Et de souligner que même en affaires courantes, le gouvernement a réussi à gérer des dossiers avec des implications au niveau européen et des questions budgétaires, c’est cela aussi le côté positif d’une crise lorsque chacun prend ses responsabilités que l’on soit dans la majorité ou l’opposition.

Après cet entretien, Albert II songerait-il à écrire ses mémoires ? Pas du tout. Ce qui a été dit, a été largement dit dans les discours et de confier qu’étant roi on n’a pas forcément la meilleure vue des choses et qu’il vaut donc mieux rester neutre.

Se sentait-il sous le feu des médias ? Le roi explique qu’il avait suffisamment de liberté que pour se mouvoir en totale discrétion sans être sous les flashes. On lui montrait aussi des articles de presse qui l’égratignaient et qui parfois le blessaient.

Avec le recul, si certains actes posés étaient à refaire, lesquels seraient-ils ? Albert lâche sans l’ombre d’une hésitation que lors de l’éclatement de l’affaire Dutroux (la découverte des corps des petites Julie et Melissa), il n’était pas rentré de vacances (NDLR : à l’époque, le roi avait demandé au premier ministre Jean-Luc Dehaene s’il était opportun de rentrer à Bruxelles. Celui-ci également en vacances, avait répondu par la négative) et qu’aujourd’hui il serait rentré immédiatement. Avec la reine Paola, ils ont ensuite rencontré tous les parents d’enfants disparus dont certains n’ont à ce jour pas encore retrouvé leur enfant ou reçu des explications sur les circonstances de leur disparition. Le roi se rappelle avoir été bouleversé et préoccupé, voire même angoissé après le récit de ces parents en souffrance, à en faire des cauchemars la nuit.

Autre moment douloureux, le terrible accident de cet autocar scolaire belge en Suisse qui coûta la vie à 28 personnes en majorité des enfants.

Le roi qui a connu comme Jean-Luc Dehaene, Guy Verhostadt, Herman Van Rompuy, Yves Leterme et Elio Di Rupo comme Premiers Ministres, glisse qu’il faut parfois s’adapter comme un caméléon. Avec tous, il a eu les meilleurs contacts et des dialogues francs. A l’inverse de Baudouin qui aimait converser en colloque singulier avec le Premier Ministre au cours de promenade dans le parc de Laeken, Albert confie qu’il en aurait été incapable, que cela se faisait assis dans un fauteuil ! Que souhaite-t-il que ‘on retienne de son règne ? Qu’il a aidé à franchir le cap d’un pays unitariste vers un pays où les régions ont de plus en plus d’importances en évitant les excès.

En juillet 2011 au plus fort de la crise politique, le roi s’adresse au pays à l’occasion de la Fête nationale. Ce discours doit être avalisé par le premier Ministre. On y voit un roi hausser le ton et être en colère face à ses discussions qui n’en finissaient pas et mettaient en péril le pays dans tous les domaines. Albert II confirme que les mots sont « contrôlés » par le cabinet du Premier Ministre mais qu’il y a possibilité d’adapter quelque peu et puis surtout le roi pouvait gérer la manière de prononcer ce discours et le faire sien. Evoquant à nouveau cette « sortie du roi », Albert espère qu’il n’a pas trop exagéré, confie-t-il avec le sourire.

Le roi ne peut certes communiquer sans la couverture du Premier Ministre mais il peut faire ressortir des choses comme lors des communiqués émis tout au long de la crise politique. Et Albert de déclarer qu’il fallait bien décrypter ces quelques lignes qui semblaient parfois bien anodines…

Sans évoquer le montant de sa dotation que son entourage a essayé de revoir ultérieurement à la hausse, le journaliste Pascal Vrebos lui demande si il est milliardaire. Albert répond qu’il n’est pas milliardaire mais qu’il n’est pas pauvre non plus. Et ironiquement conclut « On en prête qu’aux riches, alors laissons croire qu’on est plus riche ».

Lui qui ne raffole pas des avions, a beaucoup voyagé que ce soit en tant que roi ou prince de Liège. L’une des anecdotes qui l’ont marqué est un voyage aux Philippines du temps du général Marcos. Albert avait été convié à un dîner officiel. On lui avait expliqué qu’il y recevrait une décoration mais qu’il n’aurait pas à prononcer un discours. Au fil de la soirée, il comprend que le président Marcos qui s’adresse à son hôte en anglais, va lui céder la parole. Albert, panique, car il n’a rien préparé. Alors qu’il se prépare comme un condamné à mort, dit-il, il se lève et s’appuie sur la table mais ne s’aperçoit pas que sa distinction honorifique autour du cou s’est accrochée à la nappe. Tout a volé par terre… et au final plus de discours…

Comment cela se passe-t-il entre collègues royaux ? On rit, déclare le roi Albert II. Même avec la reine Elizabeth II qui possède un humour tout british. Il conserve d’excellents souvenirs de leurs rencontres même si elle l’a toujours un peu intimidé.

Lors de son couronnement en 1953, c’est Albert qui représente la Belgique. Il était tellement nerveux face à autant de decorum et de protocole qu’il avait dû prendre des calmants. Lors du déjeuner qui suit, il est en habit mais sa chemise est beaucoup trop amidonnée et lorsqu’il s’installe à table, les fausses perles boutons de sa chemise lâchent et roulent par terre. Albert, surpris, crie « Oh mes perles ! ». Un valet très méprisant commence à chercher et retrouve une fausse perle. Il demande avec dédain à Albert « C’est votre perle ? ». Pour ne pas se rendre ridicule, la jeune prince rétorque que ce n’est pas l’une des « perles ». Elizabeth II, amusée, a suivi la scène digne d’un cinéma comique

Qui est réellement Albert ? La reine Paola explique que son époux est un homme sans complexe qui n’a pas besoin de ses valoriser. Albert rajoute qu’au moment de leur mariage, lui cherchait une mère et Paola probablement un père mais qu’aujourd’hui ils sont plus forts. Paola confie qu’elle est disponible 24h/24 pour le réconforter, lui remonter le moral, faire face à ses doutes et à ses questionnements. A-t-il parfois des colères ? Oui, cela lui arrive mais il…prévient !

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Albert et Paola ont 12 petits-enfants : la princesse héritière Elisabeth, le prince Gabriel, le prince Emmanuel, la princesse Eléonore, le prince Amedeo, la princesse Maria Laura, le prince Joachim, la princesse Luisa Maria, la princesse Laetitia Maria, la princesse Louise, le prince Aymeric et le prince Nicolas. Paola explique que le roi a des relations plus fluides avec les aînés, c’est alors plus facile (pour discuter).

Tous les deux sont en admiration devant l’aîné de leurs petits-enfants le prince Amedeo qui se mariera le 5 juillet prochain à Rome. Ils reviennent d’ailleurs de New York où ils ont assisté à la remsie de diplôme universitaire de leur petit-fils. Le roi le décrit comme un jeune homme avec tellement de qualités, très gentil et très capable.

La reine Paola dévoile que le couple s’est uni symboliquement religieusement une seconde fois dans une chapelle près de Marseille, scellant cet amour définitivement retrouvé.

Et Albert, roi des Belges, de conclure qu’il y a tant de choses à dire sur son pays, tant de talents dans différents secteurs, qui doivent pouvoir s’épanouir dans un pays où l’on se côtoie, s’encourage,… « Un pays qui vaut la peine ».

La soirée télévisée s’est ensuite poursuivie par un débat auquel participait une amie intime du roi et de la reine, l’archiduchesse Rodolphe d’Autriche, née princesse Gabriele de Wrede. (Copyright photo : RTL-TVI, belga, getty images, DR)