Pour qui possède des notions d’histoire russe, l’image de l’affiche  “Matilda”  parle d’elle-même : un triangle amoureux impliquant le futur tsar Nicolas II et un autre grand-duc, épris de la même danseuse.

Mathilde Ksessinskaya (1872-1971). Danseuse étoile, elle s’exila après la Révolution de 1917. Elle ouvrit à Paris une école de danse, où étudièrent plusieurs futurs grands danseurs tels Margot Fonteyn ou Maurice Béjart.

Le réalisateur Alexis Ouchitel est l’auteur d’un film racontant la liaison du futur Nicolas II avec la danseuse Mathilde Kschessinska, qui prendra fin en 1894, quand Nicolas épousera Alix de Hesse, dont il sera éperdument amoureux jusqu’à la fin de sa vie.

Le Grand-Duc Nicolas (futur Nicolas II) en 1892. En 1896, il épousa par amour la Princesse Alix de Hesse-Darmstadt. Le mariage fut particulièrement heureux, et la vie familiale de Nicolas et d’Alix est considérée, même par les détracteurs, comme exemplaire.

 

La Princesse Alix, à l’époque de son mariage avec le tsarévitch Nicolas. (photo colorisée en 2016)

Mais l’histoire ne s‘arrête pas là. Après leur rupture, Nicolas II demande à son petit-cousin, le Grand-Duc Serge de veiller sur Mathilde. Celui-ci remplit sa tâche au-delà de ce qui lui est demandé puisqu’il tombe amoureux de la jeune danseuse. On ne sait pas si ses sentiments furent réciproques, ou si Mathilde  se servit de cette relation pour en tirer des avantages matériels et professionnels, en particulier pour se voir conférer le titre de Première Ballerine que ses relations conflictuelles avec le chorégraphe et maître de ballet Marius Petitpa ne lui auraient pas permis d’obtenir.

Le Grand-Duc Serge (1869-1918).  En tant que Président de la société des ballets impériaux, il protégea Mathilde Ksessinskaya.

En 1900,  Mathilde tombe amoureuse du Grand-Duc André, cousin germain de Nicolas. Après avoir accordé ses faveurs à trois grands-ducs et vécu une sorte de ménage à trois avec Serge et André pendant près de 20 ans, Mathilde épousera ce dernier à Cannes en 1921.  Le Grand-Duc André reconnaîtra le fils de Matilde, Vladimir, né en 1902, comme étant le sien, bien qu’un doute existe sur sa paternité, qui pourrait être attribuée à Serge.

Le grand-Duc Cyril, nouveau chef de la famille impériale après le décès de Nicolas II, du tsarévitch Alexis et du Grand Duc héritier Michel accordera à Matilde et Vladimir le titre de prince(sse) Romanovsky(aïa)-Krassinsky(aïa).

Mathilde, son époux le Grand-Duc André et leur fils Vladimir, en France (vers 1904)

Serge quant à lui connaîtra une fin tragique : capturé par les bolcheviks en 1918, il sera sauvagement assassiné en compagnie de 8 autres personnes, dont la grande-duchesse Elisabeth devenue religieuse et le neveu de celle-ci, le Prince Vladimir Paley âgé de 21 ans seulement.  Les suppliciés furent déclarés martyrs et canonisés par l’Eglise orthodoxe russe.

Avant même sa sortie, ce film est l’objet de violentes polémiques en Russie. Plusieurs centaines de personnes, regroupée dans le mouvement « La croix royale » ont signé une pétition, qui demande une interdiction du film, jugé offensant pour les sentiments religieux des croyants et qui calomnierait Nicolas II, en déformant la vérité historique.  Ils l’ont adressée à la députée Natalia Poklonskaya, connue pour ses sentiments monarchistes et célèbre, entre autres, pour avoir porté une icône de Nicolas II lors de l’édition 2016 du Régiment immortel.

Madame Poklonskaya a transmis la requête au Procureur général Youri Chaïka en demandant de vérifier le contenu du film. Le bureau du Procureur a repoussé la demande d’interdiction, que rien ne justifie selon lui.

En décembre 2016, le site Kinoafisha, dédié au cinéma russe, annonce que le bureau du procureur a demandé à examiner le scénario.

Ces péripéties ont repoussée la sortie du film. Annoncée initialement pour le 30 mars, elle devrait avoir lieu à l’automne 2017, sans précision de date.  Le porte parole de la maison impériale Alexander Zakatov et plusieurs évêques ont déclaré que le film était blasphématoire, mais se sont prononcés contre l’interdiction, en dénonçant la publicité que le scandale apportait à l’oeuvre. Et en effet, l’affaire « Matilda » fait couler des torrents d’encre en Russie et le film devient le plus attendu de l’année.

Pour patienter, il est possible de se rendre à Tsarkoie Selo (Saint-Petersbourg) où une exposition des costumes du film est organisée jusqu’au 17 avril.

Scène extraite du film Matilda: le couronnement de Nicolas II et d’Alexandra

Petit aperçu de l’exposition des costumes et accessoires du  film. Les costumes ont été recréés à l’identique, en utilisant des images d’époque.(Merci à la baronne de Manno pour cet article)