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Les naissances de ses enfants furent pour François-Joseph, quelques-uns des rares moments où il connut les joies de la vie de famille, auprès de la femme qu’il aime.

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La petite archiduchesse Sophie Frédérique

Le 5 mars 1855, mois d’un an après le fastueux mariage de Vienne, Élisabeth met au monde une petite fille, Sophie Frédérique Dorothée Marie Josèphe, titrée dès sa naissance archiduchesse d’Autriche. Pour l’occasion, le couple impérial a pris ses quartiers à Laxenburg, un paisible château aux portes de Vienne et de la forêt viennoise. C’est ici que François-Joseph avait emmené Sissi en lune de miel, c’est ici qu’il choisit d’écrire les premières pages de leur vie de famille.

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François-Joseph et Élisabeth avec leurs deux premiers enfants

Un an plus tard, le 12 juillet 1856, c’est une petite Gisèle Louise Marie qui voit le jour dans le même château.

Mais très vite, François-Joseph doit gérer la mésentente croissante entre sa femme et sa mère, l’archiduchesse Sophie, qui jugeait Sissi trop jeune pour s’occuper d’un enfant et qui voulait élever ses petits-enfants à sa guise. Le souverain tout puissant qu’il est arrive difficilement à faire cohabiter en bonne harmonie son épouse et sa mère.

Pour accéder au souhait de Sissi d’avoir ses enfants auprès d’elle, il écrit à sa mère d’installer les enfants dans une chambre moins éloignée des appartements impériaux en lui précisant que « cela écourte les rares instants que j’ai le loisir de consacrer à mes enfants ».

La vie familiale de François-Joseph débute ainsi, partagée entre Vienne et Laxenburg, et ponctuée par les querelles familiales.

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La petite Sophie sur son lit de mort

Mais ce bonheur familial est de courte durée pour lui. Le 4 mai 1857, le couple impérial commence un voyage officiel en Hongrie et emmène les enfants contre l’avis de l’archiduchesse Sophie.

A Ofen, l’ancien nom de Buda, Gisèle tombe malade. Mais tandis qu’elle se remet peu à peu, elle transmet son mal (à priori la rougeole) à Sophie, dont l’état s’aggrave de jour en jour. L’archiduchesse Sophie semble avoir imposé son choix du médecin de l’enfant contre l’avis de sa mère et cette décision lui fut fatale. La petite fille finit par s’éteindre le 30 mai à 9h30 du soir, laissant ses parents, et surtout Sissi, anéantis.

Aussitôt le couple rentre à Vienne et s’installe à Laxenburg tandis que la petite princesse est inhumée dans la Ferdinandsgruft de la crypte des Capucins.

Même si à cause de ses obligations, l’empereur fait face, le père qu’il est aussi est très abattu. Quelques années plus tard, lorsqu’il retourne au palais royal de Buda, il fond en larmes lorsqu’il revoit la chambre où sa fille aînée est morte.

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Le prince héritier Rodolphe, à l’âge de 2 ans

Le 21 août 1858, trois jours après son anniversaire, l’empereur a la grande joie d’être père à nouveau. Et quelle joie ! L’héritier tant espéré est arrivé ! L’enfant reçoit des prénoms chargés de sens et de tradition : Rodolphe François Charles Joseph. Le choix de Rodolphe se fait en l’honneur de son ancêtre Rodolphe Ier du Saint-Empire, premier empereur germanique de la dynastie Habsbourg.

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Au comble du bonheur, François-Joseph dépose dans son berceau des cadeaux éminemment politiques :  il le fait chevalier de l’ordre illustre de la Toison d’Or alors que tous les archiducs le sont seulement à leur majorité. Autre cadeau hautement symbolique : il le nomme colonel du dix-neuvième régiment d’infanterie, précisant : « j’entends que le fils qui m’a été octroyé par la grâce de Dieu appartienne à ma valeureuse armée ».

François-Joseph lui même n’était entré en possession d’un régiment qu’à l’âge de 13 ans. Il faut voir ici la fierté du père, heureux d’avoir un fils, et la volonté du monarque de renforcer les liens entre l’armée et la dynastie.

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Uniforme de colonel d’artillerie de Rodolphe (1865)

Peu robuste, le petit archiduc est un enfant de tempérament craintif. Cependant, en homme de devoir, l’empereur veut en premier lieu faire de son fils un soldat et dès l’âge de trois ans, le petit archiduc apprend des exercices militaires tels que le tir ou la revue des troupes et puisqu’il sera appelé un jour à gouverner l’un des plus puissants empires du monde et de multiples peuples, l’enfant reçoit des cours de lecture, d’écriture, de religion, de tchèque et de hongrois. Régulièrement, une circulaire informe l’empereur du déroulement de son plan éducatif, des résultats et des progrès de Rodolphe.

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Rodolphe entouré par les archiducs de la maison d’Autriche dans la petite galerie de Schönbrunn (au centre, François-Joseph et ses 3 frères)

À l’âge de six ans et suivant la tradition, comme le voulait l’éducation des princes de l’époque, le petit Rodolphe « passe aux hommes » et est séparé de sa sœur aînée bien-aimée Gisèle. Il est confié à un précepteur, le général-comte d’origine lorraine Charles-Léopold de Gondrecourt (1814 – 1888), héros des guerres de l’empire et grand maître de la cour, connu pour sa sévérité. Celui-ci, par des méthodes très dures voire d’une cruauté contre-productive, en tout cas inadaptées, traumatise l’enfant. Après l’intervention de l‘impératrice, Gondrecourt est remplacé par le colonel-comte Joseph Latour von Thurmburg (1820-1904), un aide de camp de l’empereur également d’origine lorraine mais plus pédagogue et libéral qui saura se faire aimer de son élève.

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La famille impériale et royale peu après la naissance de Marie-Valérie dans le parc de  Gödöllö

Dix ans après la naissance de Rodolphe, le couple impérial donne le jour à une fille, Marie-Valérie  Mathilde Amélie. Fait hautement symbolique et preuve que l’impératrice parvient désormais à imposer ses choix, c’est en Hongrie, au palais de Buda, qu’elle accouche le 22 avril 1868. L’impératrice et reine, défiant la tradition impériale, donne à cette enfant, en hommage à la Hongrie, un prénom inusité dans les familles royales : Marie-Valérie (Valéria est le nom de la région de Budapest).

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Malgré les emprises de sa fonction, François-Joseph se révèle un père disponible et attentif: il prend le temps de se promener avec eux, emmène les enfants à la natation ou au cirque et initie Rodolphe, on s’en serait douté, aux plaisirs de la chasse. Plus que Sissi qui, à l’exception de Marie-Valérie, se révèle une mère absente, voire désintéressée, y compris après le décès de sa belle-mère, François-Joseph se révèle un père dévoué et attentionné.

Ainsi, lors d’un séjour de l’impératrice et des enfants à Venise, inquiet sur la qualité très médiocre de l’eau potable, il organise des livraisons quotidiennes d’eau recueillie à la source de Schönbrunn.

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Dessin de fleurs réalisé par Marie-Valérie à l’âge de 7 ans (24 décembre 1875 à Gödöllö)

A Vienne, il autorise souvent Marie-Valérie, dont il connaît l’attachement, à s’asseoir à ses côtés dans son bureau quand il étudie les dossiers. Celle-ci a hérité des talents artistiques de son père: dès son plus jeune âge, elle gratifie souvent les lettres envoyées à son père de quelques dessins.

Comme tous les parents, François-Joseph leur donne de l’argent pour leurs fêtes et anniversaires, détail qu’il racontera plus tard dans une lettre à Katharina Schratt. Il fait même preuve d’une étonnante indulgence devant la vie un peu libérale du prince et son appétit pour la joie de vivre: « il ne faut pas qu’on vole sa jeunesse à mon fils comme on me l’a volée à moi ».

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Marie-Valérie et Gisèle

Marie-Valérie, la petite dernière, souffre des taquineries de son frère, un tant soit peu jaloux de la préférence qu’accorde sa mère à sa plus jeune enfant. Par ailleurs, la cour raille l’amour ostentatoire que l’impératrice voue à sa fille.

La benjamine de la famille a peu de liens avec ses deux aînés en raison de leur différence d’âge. Gisèle se marie alors qu’elle n’a que 4 ans. En revanche, elle sera toute sa vie très proche de ses cousines Louise d’Orléans, née en 1869, fille du duc et de la duchesse d’Alençon et Marie-Thérèse des Deux-Siciles, née en 1867, fille du comte et de la comtesse de Trani.

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Rodolphe à la fin de l’adolescence

Les années passent et François-Joseph commence à s’inquiéter des idées politiques libérales de Rodolphe et de sa sympathie pour le système républicain. Il espère qu’elles se modifieront avec l’âge et l’expérience, mais elles vont au contraire se développer tant et si bien que tout va opposer l’archiduc héritier à son père. Rodolphe a des idées politiques libérales opposées au conservatisme de son père. Proche des milieux progressistes et libéraux, le seul moyen qu’il ait trouvé pour critiquer la ligne suivie par son père est d’écrire de nombreux articles dans divers quotidiens viennois, publiés sous plusieurs pseudonymes, où il défend son idéal.

Ainsi commence à se creuser un fossé entre le fils et le père qui se limite à aborder avec lui des questions d’intérêt commun comme la chasse, l’armée ou les affaires de famille.

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Gisèle, archiduchesse d’Autriche

Des quatre enfants, c’est Gisèle qui ressemble le plus, tant au physique qu’au moral, à son père. Elle a, contrairement à sa mère qui a peu d’affection pour elle, les pieds bien sur terre.

Aînée des enfants depuis le décès de la petite Sophie, elle est la première que l’on songe à marier… Et contre toute attente, c’est l’impératrice en personne qui prend les choses en main…!

L’oncle de Gisèle, le duc Maximilien-Emmanuel en Bavière surnommé par la famille « Mapperl », s’était épris de la princesse Amélie de Saxe-Cobourg-Kohary, laquelle répondait au sentiment du jeune homme. Mais Amélie avait été fiancée par sa famille au prince Léopold de Bavière. L’impératrice Élisabeth entreprit alors de faire renoncer Léopold à ce mariage en lui proposant un parti plus avantageux : sa propre fille ! Mapperl put ainsi épouser Amélie en 1875 avec laquelle il forma un couple très uni. Ainsi, aussi impensable que cela puisse paraître, Gisèle servit de « monnaie d’échange » pour permettre à son oncle d’épouser l’élue de son cœur…!

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Gisèle, archiduchesse d’Autriche et le prince Léopold de Bavière

De ce fait, Gisèle est conduite à l’église des Augustins de Vienne pour y épouser, le 20 avril 1873, à l’âge de 16 ans, le prince Léopold de Bavière, frère cadet du futur roi Louis III, son cousin au 2e degré. C’est à Munich que le couple s’installe ensuite et donne naissance à quatre enfants : Elizabeth, Augusta, Georges et Conrad.

Miit ihren Kindern Elisabeth, Konrad, Georg und Auguste.

Gisèle et Léopold de Bavière et leurs 4 enfants en 1885

Elle s’investit dans de nombreuses sociétés de charité, afin d’aider les plus démunis, les personnes sourdes et aveugles.

Son époux, le prince Léopold est très apprécié par François-Joseph : fin chasseur lui aussi, il est convié à Ischl par son beau-père pour de longues journées de chasse. Insigne privilège, l’empereur orne même un des salons de la Kaiservilla d’un portrait à l’huile de Léopold.

Pendant la première guerre mondiale, Gisèle installe un hôpital militaire dans son palais de Munich, pendant que son mari est maréchal sur le front de l’Est.

Quand la révolution éclate en 1918, toute la famille fuit Munich, mais Gisèle reste et prend même part aux élections de 1919 pour l’Assemblée nationale de Weimar, premières élections où les femmes de plus de 20 ans purent voter.

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Son mari meurt en 1930, et Gisèle ne lui survivra que 2 ans : elle meurt âgée de 76 ans le 27 juillet 1932. Elle est inhumée près de son mari à Munich, dans un colombarium de la crypte de l’église Saint-Michel où reposent les membres de la famille royale de Bavière. (Merci à Francky pour cet article)