Parution aux éditions Vaillant d’une plaquette avec des documents inédits consacrée au duc et à la duchesse de Ségovie, née Charlotte Tiedemann par Yvan de Wilde et Nicole Dubus Vaillant. En septembre prochain paraîtra une biographie consacrée à Charlotte Tiedemann, duchesse de Ségovie. Née à Königsberg le 2 janvier 1919, elle a connu une carrière artistique importante dans les années 40 en Allemagne avec des films, des interventions à la radio et dans le monde de la publicité. En 1949, elle épouse à Innsbruck en Autriche, le prince Jaime de Bourbon, duc de Ségovie, fils du roi Alphonse XIII et de la reine Victoria Eugénie d’Espagne. Le duc est divorcé d’Emmanuelle de Dampierre avec qui il a eu deux enfants. Voici un entretien avec Yvan de Wilde, l’auteur de ces ouvrages.

Noblesse et Royautés : Le 20 juin dernier est parue aux éditions Vaillant une plaquette avec des documents inédits consacrée au duc et à la duchesse de Ségovie. Il s’agit d’un préambule à une biographie consacrée cette fois-ci à Charlotte Tiedemann, deuxième épouse de Jaime de Bourbon, duc de Ségovie et qui paraîtra en septembre 2013. Pouvez-vous évoquer ces documents inédits ?

Yvan de Wilde : Le livre à venir pour l’automne 2013 sera une biographie de Charlotte de Bourbon née Tiedemann, Duchesse de Ségovie. J’évoquerai avec l’aide précieuse et amicale de mon éditeur Nicole Dubus- Vaillant la vie singulière de Charlotte Tiedemann née à Königsberg en Prusse orientale à travers son enfance, sa carrière artistique comme mannequin et actrice mais surtout chanteuse lyrique soprano à l’opéra de Berlin (et non chanteuse de cabaret autrichienne comme certains ont pu l’écrire). Elle était très liée avec Effie Mayerhofer et Elisabeth Swarkoft . Elle tourna plusieurs films dont le fameux “Titanic » en 1943. Sa carrière fut stoppée par la guerre. Nous évoquerons son mariage avec don Jaime et leurs 26 ans de vie commune, les difficultés qu’ils eurent à surmonter, les aléas de la vie courante. Nous produirons des documents inédits tels le testament de Sa Majesté la reine Victoria Eugénie, la succession de celle-ci et les partages entre les infants. Nous parlerons des transactions avec le Général Franco, le procès honteux qu’intentèrent les fils du duc, Alfonso et Gonzalo, manipulés par certains membres de la famille royale, contre leur père pour prodigalité et interdiction. Ce procès fut perdu pour eux. Le testament inédit de don Jaime, le règlement de sa succession, la spoliation de Charlotte, les courriers de Sa Majesté le roi Juan Carlos éclaireront cette saga royale. Bien sûr, le duc de Ségovie sera présent tout au long de ce parcours.

Noblesse et Royautés : Vous avez personnellement connu la princesse Charlotte de Bourbon, duchesse de Ségovie ?

Yvan de Wilde : J’ai rencontré les ducs de Ségovie dans les années 1965, j’avais été présenté par un de mes cousins qui était le secrétaire général du conseil du duc. Ils habitaient alors avenue Ingres. J’ai évolué ensuite dans le cadre du cercle de leurs intimes. Le duc et la duchesse quittèrent Paris dans les années 70 pour Lausanne (Sa Majesté la reine Victoria Eugénie venait de disparaître). Le gouvernement espagnol avait mis à leur disposition un grand appartement à Ouchy (6, rue Primerose). La succession de la reine était ouverte et nous évoquerons dans l’ouvrage les dessous de cette affaire tortueuse avec documents à l’appui.

Apres la mort de l’Infant, j’ai, avec des amis fidèles, entouré Charlotte de Bourbon et l’ai accompagnée jusqu’à son baptême à Econne par Monseigneur Lefèvre.

Noblesse et Royautés : Quelles ont été vos sources et documents consultés pour la rédaction de la biographique qui paraîtra en septembre prochain ?

Yvan de Wilde : Les documents sur lequel s’appui le livre sont des documents pour la plupart inédits remis par le prince et la duchesse au secrétaire général du Duc et auquel j’ai eu accès. Plus de 2000 photographies, articles de presse couvrant les années 30 à 80, courrier de la famille royale, interview, lettres de personnalités (ducs français, famille royales étrangères, hommes politiques, personnalités du monde artistique, testament de Sa Majesté le roi Alphonse XIII (déjà publié), testament de Sa Majesté la reine Victoria Eugénie (inédit), testament de don Jaime (inédit), partages et succession de la reine Victoria Eugénie, attribution et commentaires des uns et des autres (inédit), partages et succession de don Jaime (inédit), différents procès (inédit) et divers papiers officiels, correspondance avec les ambassades, correspondance avec le Marquis de Mondéjar chef de la maison civile de Sa Majesté le roi Juan Carlos, etc

Noblesse et Royautés : N’avez-vous pas l’impression que la princesse Charlotte ait été jusqu’à présent une personne peu connue à l’inverse d’Emmanuelle de Dampierre, première épouse du duc de Ségovie ?

Yvan de Wilde : Durant les années 50-75, il n’existait qu’une duchesse de Ségovie, c’était Charlotte (voir la presse française, anglaise et allemande de l’époque). Personne n’évoquait Emmanuela de Dampierre qui était totalement inconnue des cours royales et des médias. Elle habitait à Rome, divorcée d’Antonio Sozzini. Elle vivait avec l’avocat Astarita, ex-gendre de son avocat italien qui s’était occupé du divorce d’avec don Jaime. Elle eut la velléité de reprendre ce titre. Il est vrai que la période était faste pour certains avec le mariage de don Afonso avec Carmencita Martinez-Bordiu à Madrid en 1972. Le duc de Ségovie et le comte de Barcelone s’insurgèrent contre la prise de ce titre et sa qualité d’Altesse Royale. Deux communiqués furent diffusés et repris par la presse qui se gaussait car Madame de Dampierre avait quitté le domicile conjugal en 1938 après 3 ans de mariage. Ils la nommèrent tout simplement “Dona Emmanuela “. Ses mémoires parues en Espagne en 2003 sous le titre “Memorias Emmanuela de Dampierre, esposa y madre de los Borbones que pudieron reinar en Espana » Où est le titre de duchesse de Ségovie ? Apres la mort de Charlotte survenue le 3 juillet 1979 , il y a exactement 34 ans jour pour jour à l’instant ou j’écris ses lignes, j’ai une douce pensée pour celle qui fit le bonheur de Don Jaime.

Noblesse et Royautés : Le duc de Ségovie est décédé en 1975 et la princesse Charlotte en 1979. Leur union fut célébrée à Innsbruck en 1949. Quels étaient leurs relations avec la famille royale espagnole ?

Yvan de Wilde : Le duc et la duchesse de Ségovie étaient très présents dans la vie mondaine des années 50-70. La duchesse avait achetée une très belle villa avec un parc à Rueil Malmaison, la “villa Segovia“. Ils recevaient énormément tant des membres des royautés comme la princesse de Réthy, la reine de Grèce , les princes Bagration les Bourbon-Sicile ,les Bourbon-Parme, la Maharané de Kapurthala que des politiques comme le président Peron et sa femme, tous les ambassadeurs qui comptaient, des hommes politiques, le président du conseil et de nombreux musiciens et d’artistes de tous horizons (tous ces noms relevés dans le livre de réception où les menus avec les noms des invités étaient notés avec leurs habitudes et leurs goûts culinaires). La duchesse était une excellente maîtresse de maison et avait l’œil sur tout les détails. Nous reproduirons dans le livre certaines pages de ce livre de réceptions.

La villa fut vendue dans les années 1960 (rappelons ici que cette demeure appartenait en propre à la duchesse). Alfonso et Gonzalo intentèrent un procès en interdiction pour prodigalité contre leur père. Ce procès fut perdu par eux néanmoins. Le duc fut mis sous tutelle pendant un an et la Duchesse fit face contre tous.

Noblesse et Royautés : Beaucoup de choses ont été écrites au sujet de la duchesse de Ségovie, pas toujours de nature très flatteuse comme les rumeurs d’addiction à l’alcool. Votre biographie tend-t-elle à nous présenter la duchesse sous un jour différent et méconnu du grand public ?

Yvan de Wilde : Le mariage du duc et de la duchesse eut lieu le 30 août 1949 à Innsbruck dans le “palais du toit d’or”. La duchesse étaient très liée avec l’Infante Eulalie qui lui légua à sa mort de nombreux souvenirs historiques et les quelques bijoux royaux qui lui restaient et en particulier un diamant rose de forme cœur d’environ 20 carats. Les rapports avec la famille royale étaient assez conflictuels. Quand on sait que la succession du roi Alphonse XIII ne fut définitivement réglée qu’en 1958… La duchesse avait l’oreille de don Juan et s’appliqua à atténuer les conflits entre les deux frères. Don Juan lui promettant toujours d’intervenir pour faire annuler le 1er mariage du duc en cour de Rome …La famille se rapprocha lors de la disparition de la reine Victoria Eugénie, pour mieux se déchirer ensuite pour le règlement de la succession. Les infantes étaient horrifiées à l’idée que Charlotte soit présente aux obsèques de la reine. La duchesse eu l’extrême délicatesse de s’excuser, étant retenu dans sa chambre pour une mauvaise grippe ! Après la disparition du duc, elle fut totalement ignorée. Seul le roi Juan Carlos prenait de ses nouvelles auprès d’Alfonso qui lui répondait qu’elle se portait bien.

La duchesse était une superbe femme blonde aux yeux bleus très clairs elle était très grande et le couple était spectaculaire. Elle possédait une très forte personnalité et s’exprimait en six langues de façon très directe mais pas toujours de façon diplomatique. Elle était le « porte-parole » du duc et une très grande complicité les unissait. Elle était chaleureuse, accueillante et n’avait de cesse de mettre en valeur don Jaime. Elle disait : « le duc a dit… », « le duc pense… », « le duc aimerait.. ; » et don Jaime qui lisait sur ses lèvres approuvait du chef appuyé par un son guttural. Cela m’a toujours beaucoup touché et ému. Elle lui avait appris à s’exprimer et moduler le son sans crier. Le duc parlait cinq langues couramment. Dans la vie courante, elle pouvait être adorable mais aussi détestable quand elle sentait que l’on se moquait de son mari. Elle était très pudique et aussi extravagante ce qui ajoutait à son charme. Son éducation protestante la bloquait parfois sur certaines attitudes des gens mais elle avait une très grande ouverture d’esprit. Parfaite maitresse de maison, elle savait recevoir et cuisinait à merveille.

Je veux réhabiliter la mémoire de cette femme que l’on a traînée dans la boue sans que personne ne prenne sa défense. On a écrit des horreurs sur elle je pense au livre de Daniel de Montplaisir, historien qui rapporte des ragots de couloirs, infâmants pour les personnes concernées ou l’auteur espagnol J.M Zavala puis procède de la même façon évoquant des faits encore plus graves “ le chauffeur de taxi a dit à un ami qui me l’a rapporté que ….” La duchesse n’était pas une figure de vitrail mais tout simplement un belle personne avec ses qualités et ses défauts .

La duchesse souffrait depuis toujours de diabète et était soumise à un régime assez strict. Le duc et la duchesse comme beaucoup d’autres membres de la famille royale souffraient de ce qu’on appelle l’alcoolisme mondain . Ni plus ni moins, on est loin du portrait de “pocharde” souligné par certains. Dans le livre, nous nous appliquerons à saisir la véritable personnalité de don Alfonso et nous évoquerons aussi le fameux mariage avec Carmen Martinez-Bordiu. J’avais déjà évoqués le sujet dans vos colonnes à la suite du portrait que vous consacriez à l’infant.

La duchesse se convertit au catholicisme. C’était le vœu de don Jaime, auprès de Monseigneur Lefèvre à Econne en mai 1979. Elle avait trouvé alors une superbe sérénité mais c’était trop tard. Elle était abandonnée de tous. Il lui restait quelques fidèles amis : Bianca de Bourbon, Florence Gould, Madame Rombaldi, le ministre Maximo Sciolete. Elle n’évoquait jamais sa détresse et ses difficultés financières. La duchesse mourut 3 mois plus tard. Elle repose à Berlin. Une pierre tombale en marbre rouge indique “CHARLOTTE HERZOGIN VON SEGOVIA