Le domaine de Highclere s’étend sur 810 hectares de terres arables, 480 hectares de parc, 728 hectares de bois et forêts, soit près de 2000 hectares.
Cela peut nous paraître énorme mais c’est loin d’être comparable au duché de Cornouailles, 52 000 hectares, aux 40 000 hectares du duc de Northumberland, 90 000 hectares pour le duc de Buccleuch, 28 000 hectares du duc de Devonshire ou plus modestement aux 3600 hectares de Castle Howard. Ci-dessus, dessin de Sir Charles Barry
Les Carnarvon avec une fortune foncière modeste, par rapport aux autres grands propriétaires du Royaume-Uni, ont une demeure dont la taille est égale aux plus grandes. Et ils doivent faire face à des problème financiers.
L’entretien de Highclere coûte environ un million de livres par an. On peut comprendre que le comte et la comtesse de Carnarvon aient cherché à étendre leurs ressources, d’autant qu’à ce million de livres pour l’entretien s’ajoutent les frais de restauration des étages supérieurs souvent en mauvais état. Downton Abbey a largement aidé Highclere et les Crawley les Carnarvon.
Highclere fin XIXème siècle
Mais il est temps de faire un voyage dans le temps et dans l’espace en visitant la demeure.
Tel que nous voyons Highclere, il a été remodelé et agrandi pour Henry Herbert troisième comte de Carnarvon, suivant un projet de Sir Charles Barry, de 1842 à 1849.
En regardant Highclere, on pense immédiatement au palais de Westminster, construit de 1836 à 1852, dont il fut l’architecte. Mais il fut aussi celui, entre autres, de Harewood House (1843-1850), Cliveden (1851), de Trafalgar Square (1840-1845).
Ses goûts étaient écclectiques car il pouvait faire du néo-gothique, du néo-Renaissance ou du néo-classique.
En France sous Napoléon III, il aurait pu être l’architecte de Pierrefonds et de Compiègne. Dans certaines demeures, il s’est contenté de restaurer ou agrandir, dans d’autres il a modifié complètement l’esprit de la demeure. Et d’une demeure d’inspiration palladienne, il fit de Highclere l’archétype du château mélange de Renaissance italienne et de style jacobéen, de la fin du règne d’Elisabeth Ière et du règne de Jacques Ier.
L’autre architecte, Thomas Allon, y mit une touche gothique. Les deux répondant certainement aux désirs du propriétaire. “Le 3e comte a décidé de créer quelque chose de totalement inspirant et exubérant”, explique Lady Carnarvon.
Mais en 1849, à la mort du troisième comte, les travaux n’étaient pas terminés. Manquaient des décorations intérieures et l’aile des domestiques. En 1878, le quatrième comte put enfin voir Downton Abbey.
Commençons la visite. “ Il y a environ 200 à 300 pièces et entre 50 et 80 chambres, révèle Fiona, actuelle comtesse de Carnarvon. Je ne sais jamais vraiment pourquoi nous n’en sommes pas sûrs, mais je pense que c’est parce que nous ne savons pas s’il faut compter les dressings comme des chambres.”
Plan du Rez de Chaussée
En entrant, la première chose impressionnante est le salon. C’est en quelque sorte le cœur de la maison, tant physiquement que socialement.
La pièce, au plafond voûté à 15 mètres, elle-même a été conçue pour le 4e comte par Thomas Allom dans un style gothique et richement décorée. Cette décoration se reflète dans les tentures murales en cuir rapportées de Cordoue par le 3e comte. Des panneaux identiques sont exposés au Rijksmuseum d’Amsterdam.
Le Hall-salon
Le troisième comte sur fond de cuir de Cordoue
A droite s’ouvre la grande salle à manger, avec ses 77 m2 et ses 5 mères sous plafond, dominée par un portrait équestre de Charles Ier par Van Dyck. Des portraits d’ancêtres Carnarvon datant de la guerre civile anglaise des années 1640 ornent aussi les murs.
Salle à manger
Le couvert
Plan de la salle-à-manger
La bibliothèque, divisée en deux parties sur 140 m2, est à gauche. Elle a connu son apogée à la fin de l’époque victorienne.
Outre sa destination première, elle est de lieu de rencontre privilégié avant les repas pour prendre un verre.
La bibliothèque abrite plus de 5 650 livres, dont les plus anciens datent du XVIe siècle.
Plan de la bibliothèque
Une porte dissimulée dans la boiserie du fonds permet d’accéder au salon de musique.
Salon de musique
Salon de musique en 1900
Il est suivi du grand salon, auquel on accède également par une porte au fond du grand salon d’entrée. Un fumoir, un petit salon rose, un bureau complètent l’ensemble des pièces de réception.
La Renaissance, Italie et Moyen-Age ont été oubliés au profit du XVIIIème siècle, à la française.
Le salon
Le salon en 1900
Le fumoir
Le salon rose
Les domestiques ont leur espace de travail au sous-sol comprenant, outre la cuisine, le bureau de la gouvernante et sa chambre, le bureau du majordome et sa chambre, la salle-à-manger du personnel, les appartements du premier valet de chambre et de la première femme de chambre, ceux des autres domestiques de troisième rang, comme les valets de pied, et ceux des domestiques accompagnant les hôtes, la buanderie, la salle de couture et toutes les pièces de service.
Plus de trente pièces. Mais au rez-de-chaussée se trouve également un quartier pour les domestiques de sexe féminin, avec leurs salons et leurs chambres.
Plan du sous-sol
Entre le sous-sol et le rez-de-chaussée, il n’y a pas moins de soixante pièces.
Le grand escalier
Du rez-de-chaussée part le grand escalier qui conduit à la galerie du premier L’escalier en chêne a été conçu par Thomas Allom et occupe la tour italienne construite par Sir Charles Barry en 1842 , et qui domine l’édifice. Les sculpteurs Cox and Son de Londres ont consacré près d’un an à sa sculpture et à son installation au début des années 1860.
Mais derrière le salon rose, donnant sur un couloir desservant le quartier des domestiques, il y un escalier qui dessert les trois étages et descend vers le sous-sol.
L’escalier rouge
Outre l’escalier du personnel, il y a donc deux escaliers principaux utilisés par la famille et ses invités. L’escalier rouge est un peu caché au coin de la rue et mène principalement aux deuxièmes étages et aux anciennes chambres d’enfants.
Premier étage
À l’étage, douze chambres sont accessibles depuis la galerie, qui donne sur le salon. Les deuxième et troisième étages comptent également quarante à cinquante chambres supplémentaires. Mais il y a aussi au premier deux salons privés, un pour la famille, un pour lord et lady Carnarvon.
Deuxième étage
Tant au premier qu’au second, chaque chambre a son nom, Charles II, la Duchesse, la Princesse Caroline, la reine Catherine, la Stuart, la Stanhope, la Windsor, la Chinoise, la Carnarvon etc…
Nombre d’entre elles ont été rénovées ou sont en cours de rénovation par l’actuelle Lady Carnarvon grâce à des gravures et des dessins provenant des archives du château.
Chambre rénovée
Il y a encore du travail à faire
À l’extérieur, le parc de Highclere s’étend sur 480 hectares d’espaces verts, conçus par le paysagiste du XVIIIe siècle “Capability” Brown, déjà mentionné.
Plan du Parc
Highclere possède de magnifiques jardins. Au sud-est du château, il y a le “Jardin des Moines”. Nommé d’après les premiers propriétaires du terrain, les évêques de Winchester, il porte le nom des évêques de Winchester. Des archives datant de 1218 recensent 61 arbres fruitiers.
Au fil des ans, il a été replanté pour créer un jardin plus décoratif, comprenant des rosiers grimpants, des agapanthes, des géraniums et de la lavande. Une serre abrite également des roses-thé, des pêchers et des nectariniers.
Le Jardin secret
Derrière une haie d’ifs se trouve le “Jardin des Bordures Blanches”. Des rosiers blancs et des clématites poussent en obélisques vert foncé. D’autres plantes, comme les pivoines, les hortensias et les coquelicots, offrent un magnifique feuillage toute l’année.
Un portail dans le Jardin Blanc vous mènera au “Jardin Secret”, avec ses bordures courbes, ses sentiers sinueux et ses magnifiques couleurs en juillet et août. Passé le “Jardin Secret” se trouve le “Bois de Bonne Volonté”.
Ce bois a été récemment planté de 38 arbres d’essence britannique, dont des hêtres et des chênes. Une promenade sur la colline mène à une prairie de fleurs sauvages.
Le Temple étrusque ou le Château de Jackdaw
Le domaine compte plusieurs folies. Ce sont des éléments architecturaux essentiellement sans fonction.
Elles ont été créées pour offrir des lieux paisibles où s’arrêter, méditer et contempler la beauté du paysage environnant lors de promenades. Près du château, sur la pelouse est, se trouve le temple à colonnes connu sous le nom de “Château de Jackdaw”.
Construit par Robert Herbert en 1743 pour offrir une vue charmante depuis le château, il apparaît dans certaines scènes de Downton Abbey. À l’est de la maison se trouve également le “Temple de Diane”, construit vers la fin du XVIIIe siècle, orné de belles colonnes corinthiennes.
Le Temple de Diane
“La Porte du Paradis” et la “Grotte” sont visibles lors des promenades estivales, et un temple étrusque, une folie, se trouvent également sur le côté sud-ouest du château, à la lisière des allées boisées. On suppose qu’il y a eu d’autres folies au fil des siècles, mais on pense qu’elles ont disparu.
Porte avec vue
Sur l’ensemble du domaine et dans le paysage environnant, des fouilles archéologiques et paysagères récentes ont permis de découvrir deux forts sur les collines et plusieurs anciens tumulus datant de l’âge du Fer et du Bronze. On pense également qu’au Moyen Âge, les évêques de Winchester souhaitaient un parc à cerfs.
Leur ami Guillaume de Wykeham a donc créé au moins deux parcs à cerfs, car pourquoi n’en avoir qu’un quand on peut en avoir deux ? Des terriers de lapins et de lièvres y sont également aménagés. Des archives datant de 1370 font également état de cinq étangs à poissons à la limite nord du domaine.
Dans cette demeure, envoûtante malgré ou à cause de sa démesure et son éclectisme, la famille Crawley a trouvé sa place depuis 2010 et continue de la garder.
Sa présence a permis au comte et à la comtesse de Carnarvon de financer de nombreuses restaurations. La rumeur dit que la location de Highclere pour le tournage était de un million de livres l’heure. Cela parait exagéré mais lady Carnarvon a refusé de commenter ce chiffre, tenue par un devoir de confidentialité, a-t-elle dit.
Highclere reçu tout ce qui a compté et compte encore au Royaume-Uni. Souverains et aristocrates étaient les hôtes réguliers du domaine.
Lord Porchester, comme il a été dit, était un grand et rare ami de la reine Elizabeth.
La reine Elizabeth II et Lord Porchester
Le train de vie des Carnarvon les a souvent menés au bord de la ruine. Outre l’entretien du domaine, il n’y avait pas moins de vingt-cinq personnes pour le service domestique à la fin du XIXème siècle.
Une partie de chasse en 1900 – Le 5ème comte est au premier plan les jambes croisées
Le personnel de Highclere en 1900
La tradition perdure
Highclere vu du ciel à gauche l’aile des maîtres, à droite celle du personnel
Aujourd’hui, les Carnarvon luttent pour la survie du domaine. Ils habitent le château quand il n’est pas ouvert au public mais on imagine qu’ils vivent comme dans toutes les grandes demeures dans trois ou quatre pièces. Et quand le public vient satisfaire sa curiosité, ils se retirent dans une demeure plus modeste.
Downton Abbey, de nombreux visiteurs (90 000 par an), l’organisation d’évènements et les revenus du domaine permettent à ce grand navire de continuer à poursuivre sa route au milieu de la campagne anglaise.
https://www.highclerecastle.co.uk/
Ils ont sauvé Highclere
Merci à Patrick Germain pour cet article.
6 mai 2025 @ 04:26
Un million de livres par an pour l’entretien du château ? Incroyable.
Mais quel fardeau parfois la propriété d’un domaine prestigieux. Il faut toujours songer à l’argent. Je n’envie pas les maîtres de Highclere et d’autres domaines prestigieux. Il faut avoir une fortune énorme pour gérer cela et trouver des revenus là où on le peut. Pour garder ce que dont on a hérité.
Et dès qu’on possède une demeure d’une certaine importance, il y a toujours régulièrement les travaux de réfection.
Pour le côté néo-gothique qui a sévi sur la seconde moitié du 19e et a commencé fin de la première moitié, des historiens disent que c’est le prince Albert, époux adoré de Victoria qui a lancé cette mode. Cela lui faisait penser aux châteaux allemands de sa jeunesse et il a toujours voulu imposer dans sa vie privée le goût de l’Allemagne. Les sapins de Noël, par ex c’est lui. Balmoral, il l’a dessiné en pensant à l’Allemagne. L’Ecosse il l’aimait parce qu’elle lui rappelait son pays natal. On lui a assez reproché son côté allemand, mais il a tout de même en vingt ans de vie au RU su imposer ce goût du gothique.
J’ai dit hier que je trouve triste que la belle demeure carrée palladienne du 18e soit devenue une pâtisserie néo-gothique et je n’ai jamais bcp aimé l’aspect de Highclere.
Patrick Germain nous a gâté avec les intérieurs qui sont très beaux. On les a vus dans Downton Abbey mais c’est un plaisir de les revoir et plus en détail. Ils sont impressionnants.
Ce travail de recherche de P. Germain est remarquable. Comme toujours il va nous dénicher je ne sais où des documents tout aussi remarquables. Et toujours son iconographie. J’ai bien aimé le trombinoscope des précédents possesseurs du château.
6 mai 2025 @ 06:07
Et voilà ! Patrick Germain a trouvé comment allait être occupé mon long « week-end » du 8 mai ! Rembob »iner « Downton Abbey » …
Certaines pièces présentées ici, sont indissociables de la famille Crawley, Lady Mary et Lady Edith s’apprètent à descendre le grand escalier tout de blanc vêtues, Violet et Isobel échangent à fleurets mouchetés dans le grand salon sous l’oeil inquiet de Cora, tandis que le comte de Grantham sirote un whisky en compagnie de Matthew Crawley dans le fumoir et que lady Sybil introduit la femme de chambre dans la bibliothèque pour un entretien avec le « monsieur du téléphone »…
Manquent juste les cuisines…
Vous évoquez cher Cosmo, l’architecte Sir Charles Barry qui aurait pu être à l’oeuvre à Compiègne ou Pierrefonds, j’y ajouterai si vous le permettez : Ferrières en Brie qui a un petit côté Highclere. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ferri%C3%A8res-en-Brie_-_Ch%C3%A2teau_de_Ferri%C3%A8res_-_Ext%C3%A9rieur_-5.JPG?uselang=fr
Julian Fellowes s’est finalement inspiré de la véritable histoire de Highclere pour certains détails que l’on retrouve dans Downton : Lord Grantham épouse une riche américaine comme Lord Carnarvon a épousé la fille illégitime d’Alfred de Rotschild, Highclere a été un hôpital pendant la Première Guerre Mondiale et une maison de convalescence dans Downton et enfin le cinéma et la télévision participent à la survie du domaine.
Un grand merci !
6 mai 2025 @ 07:26
J’imagine, quand on considère le budget nécessaire pour l’entretien et le fonctionnement tant du château que du domaine, que Highclere n’appartient pas au Carnarvon en propriété personnelle mais que cet ensemble doit être géré et dirigé par plusieurs sociétés.
Il n’empêche que les besoins récurrents de « cash » doivent leur causer beaucoup nuits sans sommeil.
6 mai 2025 @ 13:42
Il est possible que ce soit un trust qui possède le château, pour des raisons fiscales, surtout pour éviter de payer les droits de succession, le bénéficiaire du trust étant le comte de Carnarvon, es-qualité. Toutefois, je n’ai pas trouvé de traces de ce trust. Et je suis pratiquement certain que la gestion du domaine est assurée au quotidien et annuellement par lord et lady Carnarvon. La personnalité de lady Carnarvon est très forte. Elle ne doit pas laisser à d’autres la responsabilité de Highclere. Selon les dires de cette dernière, cela occupe 12 heures par jour de son temps…et pour les deux beaucoup de cheveux blancs.
6 mai 2025 @ 07:43
Super article ! Merci Cosmo
6 mai 2025 @ 08:34
Merci pour ce très interessant article et toute la documentation qui l’accompagne.
6 mai 2025 @ 09:23
Passionnant ! Merci beaucoup
6 mai 2025 @ 10:12
Vraiment passionnant une fois de plus, merci Cosmo 🙏
6 mai 2025 @ 11:01
Merci à nouveau,cher Cosmo, je suis davantage sous le charme du parc que celui de l’architecture .Des goûts sans doute trop français :)
Merci infiniment
6 mai 2025 @ 13:01
Encore une histoire passionnante sous la plume de Cosmo, que je remercie infiniment.
6 mai 2025 @ 13:59
Merci beaucoup, j’attends avec plaisir vos articles toujours intéressants, bien documentés et écrits dans un français que je vous envie!
6 mai 2025 @ 14:00
Merci Patrick Germain pour votre récit comme d’habitude complet bien illustré et donc très intéressant . Ce matin ce monument historique était dans les nouvelles anglaises à cause d’un différent entre voisins pour un poulailler vétuste qui allait impacter la santé des dignes poules du lieu ! English is’nt it !