Voici la première partie de l’entrevue accordée par Hugo Vickers à Noblesse et Royautés grâce à l’aimable entremise d’Alberto Penna Rodrigues. Hugo Vickers a publié en 2004 les mémoires du baron Alexis de Redé qui viennent d’être à présent traduites en français.

Noblesse et Royautés : Les éditions Lacurne viennent de publier les mémoires du baron Alexis de Redé. Il s’agit de la traduction d’un ouvrage que vous avez dirigé en 2004. Le grand public ne connaît pas vraiment le baron de Redé qui a côtoyé tant de personnalités de ce que l’on appelait la Cafe society. Ame de l’hôtel Lambert sur l’île Saint Louis, ami intime des Rothschild, proche de Dali, du duc et de la duchesse de Windsor, de la reine de Danemark,… comment le définiriez-vous ?

Hugo Vickers : Le Baron de Redé était une « auto-création ». Il a commencé sa vie comme Dickie Rosenberg (NDLR : son père a été anobli en 1913 en tant que baron de Redé) et est ensuite devenu baron. Il a eu une enfance misérable, et quand la guerre est venue il est parti pour les Etats-Unis car la guerre ne lui convenait pas beaucoup… Là, il a eu la chance de rencontrer Arturo Lopez, qui s’est lié d’amitié avec lui et lui a d’ailleurs offert un million de dollars pour être son «ami».

Il s’est avéré que c’était un geste judicieux puisque Alexis de Redé était un bon homme d’affaires et qu’il gérait bien l’argent. Bien qu’il se soit fait passer pour un esthète, il lisait le Wall Street Journal et le Financial Times, et finalement il s’est associé au prince Rupert Loewenstein. Ils ont acheté une banque pour gérer l’argent des Rolling Stones, dont aucun des deux n’aimait la musique !

De retour à Paris, Alexis reprit l’Hôtel Lambert sur l’île Saint-Louis, le restaura avec amour et s’y divertit avec beaucoup de style et de générosité. Dans sa jeunesse, il était beau et une personne de grande écoute.

Essayer de lui extraire ses histoires, n’était pas une tâche facile. Il avait le don de garder le silence dans huit langues différentes qu’il parlait.

Noblesse et Royautés : La lecture des mémoires du baron de Redé se lit avec énormément de plaisir car le ton narratif y est chaleureux et spontané. On a vraiment l’impression d’entrer dans la vie (mondaine) d’Alexis de Redé qui parle ouvertement des choses et ne les enjolive pas. Comment s’est passée la rédaction de ses mémoires ?

Hugo Vickers : Je suis venu à un moment pour une semaine à Paris et j’avais pris l’habitude de me rendre à l’Hôtel Lambert vers 13h15 car avant il était trop occupé. Il faisait servir un délicieux déjeuner, souvent un soufflé qui ressemblait à une toque de chef et ensuite il vous en proposait un autre.

Après le déjeuner, il me faisait m’asseoir et me disait : « Maintenant, tu dois me poser des questions ». Une fois, je lui ai demandé ce qu’il détestait vraiment. Je pensais qu’il allait me répondre « Le président Bush et la guerre en Irak » mais non ! D’une voix très décontractée, il me déclara : « Un homme qui, après 18 heures, ne porte pas de chemise blanche. C’est un homme qui lorsqu’il croise sa jambe, expose entre la chaussette et le pantalon une peau rose. J’ai pensé : « Ca y est ! Maintenant, je connais le ton du livre ».

Noblesse et Royautés : Pour vous cette atmosphère si particulière de la Cafe Society s’est arrêtée à quel moment ?

Hugo Vickers : J’ai posé cette question à Redé. il a donné son dernier grand bal en 1969. Il m’expliqua que ce serait désormais impossible pour des raisons politiques. Donc, si Philip Larkin (NDLR : poète anglais) disait que le sexe avait été inventé en 1963 (NDLR : Philip Larkin disait que le sexe avait été inventé en 1963 à cause de l’affaire Profumo qui a secoué l’Angleterre si puritaine avec un ministre qui eut une relation avec Miss Keeler qui travaillait aussi comme espionne des soviétiques), je suppose que la Cafe Society s’est terminée au début des années 1970.

(A suivre)