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Contrairement à la tradition habsbourgeoise des mariages de convenance, François-Joseph fait un mariage d’amour. Au lendemain de ses fiançailles, il écrit à sa mère dubitative : « j’aime Sissi chaque jour davantage et je ne cesse de me persuader qu’aucune autre femme ne saurait mieux me convenir ».

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Le mariage est prévu pour le 24 avril. Le 20 avril, il accueille officiellement sa fiancée à Linz, première ville autrichienne où débutent les festivités du mariage. Ensuite, c’est en bateau que Sissi descend le Danube jusqu’à Vienne où un deuxième accueil lui est réservé par l’empereur et les autorités de la ville.

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Le 23 avril, Sissi fait son entrée officielle dans la capitale impériale. Pour rejoindre le palais de la Hofburg, François-Joseph a mis à sa disposition le carrosse du couronnement milanais dans lequel elle a pris place avec sa mère.

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Construit par Napoléon pour son couronnement comme roi d’Italie et ramené à Vienne en 1816, ce carrosse est utilisé traditionnellement lors des mariages impériaux.

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La cérémonie nuptiale est célébrée le lendemain, 24 avril, dans l’église des Augustins. C’est dans cette église de la Cour que sont célébrés tous les mariages des Habsbourg : avant eux, Marie-Antoinette et Marie-Louise y ont épousé Louis XVI et Napoléon par procuration, avant un mariage solennel en France en présence des deux époux.

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Pour l’occasion, l’intérieur fut décoré de précieuses tapisseries des Gobelins ornées de versets des Saintes Écritures et illuminé de 15 000 cierges.

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Plusieurs portraits ou dessins de Sissi en mariée ont été réalisés. Cependant, la robe qu’ils représentent est à chaque fois différente. Selon un témoignage d’époque « la robe de couleur blanche, taillée dans un lourd tissu de soie, était ornée de broderies d’or et d’argent. Un manteau de cour avec une longue traîne également brodée d’or complétait l’ensemble ».

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Ces témoignages divergeants ne permettent pas de reconstituer avec exactitude la robe nuptiale de Sissi. En revanche, on sait aujourd’hui que les broderies au fil d’or et d’argent furent exécutées à Vienne dans l’atelier de Rudolf Ianscha ce qui a permis d’obtenir une interprétation de sa traîne. François-Joseph était quant à lui sanglé dans son uniforme de général en chef de l’armée impériale.

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La mariée était parée d’une somptueuse parure d’or dont elle fit don ensuite au lieu de pèlerinage bavarois d’Altötting, un lieu cher à sa famille. Dès les consentements prononcés, des coups de canon annoncèrent à la population que l’Empire avait une nouvelle souveraine. Après avoir été aspergés d’eau bénite par l’Archevêque, les nouveaux mariés quittèrent l’église et retournèrent à la Hofburg où la soirée se termina par un dîner de gala.

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Les nouveaux mariés n’eurent pas la possibilité de partir en lune de miel avant le 11 mai car les fêtes se succédaient : audiences, théâtre, bals.

Le couple prend ensuite ses quartiers au château de Laxenbourg, aux environs de la capitale. Mais Élisabeth se sent perdue et surveillée par sa belle-mère.

Le jeune empereur, tout heureux qu’il est de ses amours, ne lui sacrifie pas pour autant ses devoirs de souverain. Les problèmes politiques et les crises internationales lui laissent peu de temps pour s’occuper de sa jeune épouse.

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François-Joseph et Sissi avec leurs deux filles, Sophie et Gisèle

Sissi est rapidement enceinte et donnera naissance à quatre enfants : la petite Sophie naît en 1855, suivie un an plus tard de Gisèle, puis de Rodolphe en 1858. En 1868 enfin, la petite dernière, Marie-Valérie vient au monde.

L’archiduchesse Sophie, trouvant que sa nièce de 17 ans était quelque peu immature, décida de prendre en charge l’éducation des trois premiers enfants du couple ; cela entraîna des conflits à répétition. De plus, la mort de Sophie, la première fille du couple, marqua profondément sa mère. La naissance difficile de Rodolphe par la suite et la culpabilité qui la rongeait n’ont rien arrangé entre elle et François-Joseph, ni avec sa belle-mère.

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Le couple impérial avec ses filles et l’archiduc François-Charles et sa femme Sophie.

Le mariage n’est pas heureux pour Sissi qui souffre de la pesante étiquette habsbourgeoise tout comme de l’influence qu’exerce sa belle-mère sur son époux. Si celui-ci adore sa femme, ses obligations le tiennent éloigné d’elle comme tout monarque de l’époque.

Pour se faire pardonner, il réalise les moindres désirs qu’il devine en elle avec un empressement touchant. Lorsqu’en 1859, le devoir l’appelle sur le front italien, il lui écrit tous les jours des lettres remplies de témoignages d’amour : « tu me manques et je n’ai pas besoin de te répéter combien je t’aime. Je me réjouis du merveilleux instant qui nous réunira ».

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Les jeunes époux ont en fait peu de choses en commun : ils se différencient par leur tempérament, leur éducation et même leurs goûts. Tandis que l’empereur, soucieux de ses devoirs et des règles du protocole, fait passer la raison d’état avant toute autre considération, l’impératrice éprouve de plus en plus d’aversion pour les cérémonies officielles et la vie de cour.

Les rigueurs de Vienne, de la cour et du protocole ont tôt fait d’ébranler la santé de la jeune épouse. Les médecins lui préconisent un séjour à Madère comme thérapie.

Et François-Joseph va commencer une correspondance des plus assidues dans laquelle il continue de lui déclamer son amour. Il avait acheté une grande carte de Madère et en étudiait les détails afin de situer exactement la villa où habitait sa femme et pouvoir suivre les excursions qu’elle faisait.

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Dès cette époque commence la longue solitude dans laquelle François-Joseph va se trouver plongé. Au retour de Madère, c’est Corfou qui est conseillé à l’impératrice pour passer l’hiver loin des rigueurs de Vienne. Au total, durant près de deux années, de novembre 1960 à août 1962, le pauvre époux se trouve privé de vie conjugale.

Au retour de sa femme, François-Joseph fait part de sa joie à sa mère : « comme je suis heureux de retrouver Sissi à mes côtés et après une aussi longue privation, d’avoir un foyer ».

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Mais la rose de Bavière, cultivée sans contrainte à la campagne, n’était pas taillée pour la vie à la cour. Si ces premiers voyages ont eu des raisons médicales, ils vont servir de prétexte à Élisabeth pour se tenir éloignée de Vienne aussi souvent que possible. Il faudra y voir dans la plupart des cas une fuite devant les obligations impériales, le carcan de l’étiquette et les ardeurs amoureuses de son fringant époux.

En 1864, pour satisfaire sa soif d’inconnu, François-Joseph lui achète un yacht personnel, le Miramar. Mal lui en prit : il lui donne ainsi l’occasion de fuir davantage la cour de Vienne qu’elle déteste…

Et l’empereur devra se contenter à l’avenir de la présence du tableau de sa femme peint par Winterhalter, qu’il a fait placer dans son bureau. Son valet de chambre le trouve souvent en contemplation devant le portrait de cette femme adorable qui, durant toute sa vie, lui a en quelque sorte échappé.

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Le nombre de lettres dans lesquelles François-Joseph lui écrit sa solitude en dit long sur les absences répétées de l’impératrice : « je compte tristement les jours qui nous séparent de notre prochaine rencontre »…

Même au lendemain de la défaite de Sadowa, François-Joseph est abandonné à son désespoir par une épouse qui, partie se réfugier à Budapest devant l’avancée prussienne, trouve l’air de Vienne trop « malsain » pour y revenir. A cette occasion il lui écrit : « je supporterai avec patience cette solitude à laquelle je suis depuis longtemps habitué ».

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Couronnement de François-Joseph et Élisabeth roi et reine de Hongrie le 8 juin 1867

La seule fois où Élisabeth s’intéresse à la politique est lors du compromis austro-hongrois où elle insiste auprès de son époux pour que les leader hongrois, parmi lesquels Andrassy, soient reçus au palais. Véritable médiatrice entre les différents protagonistes, elle influence l’empereur qui n’hésite pas à aller contre l’avis des ministres et de sa mère et prête une oreille attentive aux revendications hongroises.

Et en juin 1867, elle est couronnée reine de Hongrie à Budapest, en même temps que son époux.

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François-Joseph recevant le roi Alexandre de Serbie

En 1873, lors de l’exposition universelle de Vienne, l’empereur continue d’exercer seul ses obligations, l’impératrice se trouvant trop fatiguée.

Mais l’affaire se complique quand le shah de Perse qui a entendu parler de l’extraordinaire beauté d’Élisabeth, décide tout simplement d’attendre son retour. C’est la seule fois, à cette occasion, que l’empereur demande à son épouse de rentrer.

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Dîner de gala en l’honneur du tsar Nicolas II et en présence d’Élisabeth

Lorsqu’en 1879, le couple fête ses noces d’argent, une boutade circule dans Vienne proclamant qu’ « ils ne célèbrent pas 25 ans de ménage mais 25 ans de manège… ». Et Sissi de multiplier les escapades : les séjours en Hongrie, en Grèce, les croisières en Méditerranée, les chasses en Angleterre…

On ne peut qu’être étonné par la patience et la sollicitude dont François-Joseph fait preuve à son égard. Élisabeth n’est pas la femme avec laquelle il peut partager des joies simples pour pallier à la lourdeur de sa tâche. « Pense à ton tout petit qui est si seul et qui t’aime infiniment » lui écrit-il un jour. La solitude devient donc sa seule compagne.

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Loin de rapprocher les époux, la mort prématurée de Rodolphe accroît l’instabilité de l’impératrice et donc la solitude du souverain. En effet, les deux conjoints ne s’évadent pas dans la même direction : tandis que l’empereur trouve dans le travail un dérivatif à sa douleur, Sissi ne parvient à apaiser son âme que dans des pérégrinations lointaines. Toujours en quête de nouveaux horizons, elle ne passera plus à Vienne que quelques jours dans l’année. François-Joseph est délaissé pour son anniversaire et même pour les fêtes de Noël.

Lassé de guetter son retour, il passe désormais sa vie à attendre le télégramme lui annonçant que son épouse est bien arrivée « quelque part »… !

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Élisabeth qui se rend compte malgré tout de la solitude dans laquelle est plongée son époux, se fait un devoir de lui trouver une compagne en la personne de Katharina Schratt, une actrice du Burgtheater qui semble avoir attiré l’attention de l’auguste monarque. Ainsi donc, c’est par l’entremise de son épouse que la rencontre a lieu car François-Joseph, imprégné de convictions religieuses profondes, n’aurait pas risqué de faillir au serment prêté le jour de son mariage.

Plutôt qu’une maîtresse, Katharina Schratt devient une confidente, une amie, une « dame de compagnie » pourrait-on dire. Elle lui procure des joies simples que l’impératrice est incapable de lui donner.

Il semblerait que la belle Katharina, de 23 ans sa cadette, lui ait proposé de devenir sa maîtresse. Mais la réponse du souverain ne laisse aucun doute sur la nature de cette relation : « Mon adoration pour vous, vous la connaissez… Mais nous devons nous en tenir là si nous voulons que nos relations durent. Vous dites que vous saurez vous dominer, je le saurai aussi. J’aime ma femme et je n’abuserai jamais de la confiance qu’elle vous témoigne. Permettez-moi d’être votre ami paternel… ».

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François-Joseph vouera jusqu’au bout, un amour  sincère et une profonde reconnaissance à sa « Providence » comme il a coutume d’appeler Sissi. Bien qu’elle manque à tous ses devoirs de souveraine, d’épouse et de mère, cela n’ébranle pas la force des sentiments qu’il continue de lui porter. Jour après jour, inlassablement, il l’aime un peu plus davantage…

La lettre qu’il lui écrit le 31 août 1898 et qui sera l’une des dernière, au lendemain de son ultime départ pour la Suisse, résume toute son existence : « tu me manques infiniment, mes pensées sont près de toi et je souffre à l’idée de cette longue, si longue absence… ». Là-bas, à Genève, sur les bords du lac Léman, Lucheni son assassin l’attend. Mais jusqu’au dernier jour, François-Joseph continuera d’adorer sa belle « Providence ».

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Il pourra compter sur le soutien discret de Katharina Schratt dans les pires moments de son existence : elle accourt auprès de lui le 30 janvier 1889, à l’annonce du décès de Rodolphe. Elle est là aussi le 10 septembre 1898, jour de l’assassinat de l’impératrice ; toujours présente le 28 juin 1914 lors de l’attentat de Sarajevo.

Autant de dates symboliques des malheurs qui accablèrent le souverain au cours de sa longue vie. Et Katharina sera là une dernière fois, le 21 novembre 1916, pour lui dire un dernier adieu. (Merci à Francky pour cet article)