Depuis plus de trois siècles, la crypte des Capucins, à Vienne, sert de sépulture à la famille impériale d’Autriche. Cette nécropole est constituée de plusieurs cryptes, construites durant différents règnes, dont la première pierre fut posée en 1617 selon le souhait de l’impératrice Anne d’Autriche, épouse de l’empereur des Romains Mathias Ier (empereur de 1612 à 1619). Ils furent les premiers à être inhumés en ces lieux.

La chapelle fut construite à partir de 1622: elle est le bâtiment visible du couvent et du cloître des Capucins qui habitent en ces lieux, et assurent la garde des augustes tombeaux. C’est dans cette chapelle à la décoration baroque que seront déposés les cercueils du couple héritier du trône impérial et royal, Otto et Régina de Habsbourg-Lorraine, à leur arrivée à Vienne, dans l’attente des obsèques solennelles qui seront célébrées le 16 juillet en la cathédrale.

C’est aussi dans cette chapelle que furent célébrées les obsèques de l’archiduc Rodolphe, décédé en 1889, puis de sa mère, l’impératrice Élisabeth, la célèbre Sissi, le 17 septembre 1898. Les obsèques solennelles à la cathédrale Saint-Étienne étaient en effet réservées à l’empereur, et seule l’impératrice Zita eut droit à cet honneur.

En effet, le 1er avril 1989, à 12h23, jour du 67e anniversaire du décès de l’empereur Charles Ier, son époux, et à l’heure exacte du décès de celui-ci selon le vœu exprimé par la défunte, commencent les obsèques officielles en la cathédrale de Vienne. Elles se déroulent au son du Requiem de Mozart et sont réglées par le cérémonial impérial des dernières obsèques de la monarchie: celles de l’empereur François-Joseph, le 30 novembre 1916.

Son cercueil est ensuite transporté par le corbillard impérial noir, jusqu’à la porte de la chapelle des Capucins, par un cortège conduit par son fils aîné l’archiduc Otto, et par son petit-fils, l’archiduc Charles, désormais chef de la maison d’Autriche.

Arrivée devant la chapelle, se met en place le rituel séculaire qui précède toute inhumation d’un souverain dans sa dernière demeure. Trois coup sont frappés à la porte fermée.

 « Qui demande à entrer ici ?

 Je suis Zita, impératrice d’Autriche, reine apostolique de Hongrie, reine de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, de Slavonie, de Galicie, de Lodomérie et d’Illyrie, reine de Jérusalem, archiduchesse d’Autriche, grande-duchesse de Toscane et de Cracovie, duchesse de Lorraine, de Bar, de Salzbourg, de Styrie, de Carinthie, de Carniole et de Bukovine, grande-princesse de Transylvanie, margravine de Moravie, duchesse de Haute-Silésie, de Basse-Silésie, de Modène, de Parme, de Plaisance et de Guastalla, d’Auchwitz et de Zator, de Teschen, du Frioul, de Raguse et de Zara, comtesse princière de Habsbourg et du Tyrol, de Kybourg, de Goritz et de Gradisca, princesse de Trente et de Bressanone, margravine de Haute-Lusace et de Basse-Lusace et en Istrie, comtesse de Hohenembs, de Feldkirch, Bregenz, Sonnenberg, de Trieste, de Cattaro et de la Marche…

 Je ne la connais pas. Qui demande à entrer ici ?

 Je suis Sa Majesté l’impératrice d’Autriche et reine de Hongrie.

 Je ne la connais pas. Qui demande à entrer ici ?

 Je suis Zita, une pauvre pécheresse, et j’implore la miséricorde de Dieu

 Alors, tu peux entrer. »

Précédé de moines brandissant des torches, le cercueil est ensuite descendu dans la crypte impériale. La dernière impératrice est inhumée dans un sarcophage en étain, d’une beauté nue, et depuis, régulièrement fleuri.

Il est probable que les obsèques de l’archiduc Otto et de l’archiduchesse Régina, qui se dérouleront en la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, respecteront une partie de ce cérémonial avant d’entrer dans la crypte des Capucins. Leur volonté de pénétrer ensemble dans la crypte des Capucins montre l’amour qui unit les époux par delà la mort, à la manière du souhait de l’impératrice Zita concernant la date de ses obsèques.

L’archiduc Otto aurait fait sculpter deux sarcophages identiques lors des obsèques de Zita, le second étant destiné à son père, l’empereur Charles, dans l’hypothèse d’un éventuel retour de ses restes. Il s’est, depuis, exprimé à ce sujet, et a déclaré vouloir maintenir sa sépulture à Madère, dont les habitants avaient si gentiment accueilli et accompagné la famille impériale au cours de ses mois d’exil, et qui se réjouissent d’avoir un bienheureux à vénérer sur leur île.

Près du sarcophage de Zita, un buste de l’empereur veille sur le repos éternel de son épouse. Mais leurs cœurs sont réunis pour l’éternité dans un reliquaire, déposé en l’abbaye de Muri, en Suisse. Celui d’Otto ira reposer dans une abbaye hongroise (et c’est une première dans l’histoire de la dynastie), afin de bien signifier l’amour qui le liait à sa seconde patrie, et de rappeler qu’il était aussi l’héritier du trône hongrois.

Depuis 1989, le 5e enfant de Charles et Zita, et frère d’Otto, a rejoint cette crypte: l’archiduc Charles-Louis, décédé en 2007. C’est ici, aux côtés de sa mère et de son frère, que seront inhumés l’archiduc Otto, et son épouse, l’archiduchesse Régina. Ils seront veillés par une statue de la Vierge dont les traits reprennent ceux de l’impératrice Élisabeth, et qui a été placée là en hommage à la souveraine assassinée.

12 empereurs, 17 impératrices, et plus de 100 archiducs sont ensevelis dans cette crypte, mais leurs cœurs sont conservés dans des urnes d’argent en l’église des Augustins, et leurs entrailles dans les catacombes de la cathédrale Saint-Étienne. Parmi eux, se trouve le cercueil monumental de l’empereur Charles VI, père de l’impératrice Marie-Thérèse. Les têtes de mort, aux angles du sarcophage, sont coiffées des couronnes des différents territoires sur lesquels régnait la dynastie des Habsbourg: la couronne du Saint-Empire Romain Germanique à gauche, la couronne de l’Empire d’Autriche au premier plan, la couronne de Saint-Étienne (royaume de Hongrie) à droite. La nécropole a été agrandie jusqu’au XXe siècle et rassemble 138 cercueils en métal (étain et cuivre depuis 1790).

L’impératrice Marie-Thérèse et son mari François de Lorraine occupent un sarcophage double, œuvre de Balthasar Moll, (comme le tombeau de Charles VI), couronné par les bustes des défunts placés symboliquement en vis-à-vis, et par un ange, prêt à jouer de la trompette le jour du Jugement dernier. Ils sont les parents de la reine Marie-Antoinette.

Dans la nouvelle crypte, se trouve le sarcophage de Marie-Louise, impératrice des Français, qui se retira à Vienne à la chute de Napoléon. C’est ici que reposait le cercueil de bronze de leur fils, le roi de Rome, duc de Reichstadt, avant son transfert à Paris le 15 décembre 1940, exactement 100 ans après les funérailles de son père, par décision d’Hitler.

Tout près, repose Maximilien du Mexique, second frère de François-Joseph, fusillé par les révolutionnaires en 1867, après son éphémère règne outre-atlantique.

La nouvelle crypte abrite les tombeaux des parents de François-Joseph: l’archiduc François-Charles, et l’archiduchesse Sophie (de gauche à droite). Entre les deux, repose, dans un petit cercueil, un de leur enfant, mort à la naissance. Le dernier sarcophage, au premier plan, abrite la dépouille de l’archiduc Charles-Louis, troisième frère de François-Joseph. Il est le grand-père du dernier empereur, Charles Ier, et donc l’arrière-grand-père d’Otto.

Une chapelle est consacrée à l’empereur François-Joseph, décédé en 1916 après un règne de 68 ans. Il est le dernier empereur à avoir été inhumé solennellement en ces lieux. A gauche de son tombeau, repose sa femme, l’impératrice Élisabeth, assassinée à Genève en 1898, et à droite, dans un sarcophage identique à celui de Sissi, leur fils Rodolphe, décédé dans des conditions mystérieuses à Mayerling, en 1889.

Une page de l’histoire de la grande famille des Habsbourg est en train de se tourner. Puisse le nouveau chef de la maison de Habsbourg-Lorraine, Son Altesse Impériale et Royale l’archiduc Charles, poursuivre l’œuvre accomplie par son père, et se montrer le digne héritier de ses grands-parents, Charles et Zita, et de ses nombreux ancêtres qui ont écrit l’Histoire de l’Europe, et qui reposent en ces lieux. (Un grand merci à Francky pour cet article)