La Sainte Couronne de Hongrie est un des regalia les plus porteurs de symbole en Europe. Appelée également la “Couronne de Saint Etienne”, elle a une origine qui reste inconnue. Deux traditions s’affrontent. 

Selon l’une, dite “la Légende de Hartvik”, nom d’un évêque du XIème siècle, elle aurait été envoyé par le pape à István (Etienne) Arpad, fondateur du Royaume de Hongrie,Saint Etienne” (vers 970-1038) pour son couronnement, soit Noël 1000 soit le 1er janvier 1001. Geza Arpad (945-997), “Grand-Prince de Hongrie” père d’ István, avait préparé l’avènement de son fils, et à travers lui la dynastie des Arpad qui règna sur la Hongrie jusqu’en 1301. Geza Arpad sut également marier ses filles, l’une au roi de Pologne, l’autre au tsar de Bulgarie et la dernière au doge de Venise, afin de s’assurer de l’alliance de ses voisins. 

Le pape aurait été Sylvestre II (946-1003) et la couronne aurait en fait été préparée pour Miesko Ier (925-992) roi de Pologne de la dynastie des Piast. Dans un songe, des anges apparus au Saint-Père lui auraient révélé qu’un autre roi avait envoyé un messager et c’est à lui que le couronne devait être remise. Outre le fait que Miesko était mort avant le couronnement de Saint Etienne, il n’existe au Vatican aucune trace du fait. Il est probable que le pape a envoyé une lettre de bénédiction pour le nouveau souverain mais pas de couronne. 

Selon l’autre légende, Otto III, empereur romain germanique du 21 mai 996 au 23 janvier 1002, aurait offert cette couronne à Etienne Arpad avec son consentement doublant la bénédiction pontificale. 

La réalité est que l’on ignore quand la couronne apparut et qui fut le premier roi couronné avec. Les deux légendes servant à illustrer deux visions du royaume de Hongrie, la première un royaume indépendant et catholique créé avec la seule bénédiction pontificale, la deuxième un royaume indépendant certes mais avec l’assentiment de l’empereur romain germanique.

Pour István, converti au catholicisme romain, avec son père en 985, époux de la princesse Gisèle de Bavière il était important de se rapprocher de l’ouest et de s’éloigner du puissant empire byzantin. Et ce malgré la forte symbolique byzantine de l’iconographie de la couronne. 

C’est en son honneur que l’Impératrice Marie-Thérèse fonda l’Ordre de Saint-Etienne, en 1764. Peut-être faut-il aussi y voir un allusion à son mari, François-Etienne de Lorraine !

Une chose est certaine, la Hongrie, dite “ des Terres de Saint-Etienne”, dont le territoire couvrait la Hongrie actuelle, augmentée de la Transylvanie et de la Slovaquie, la Croatie en faisant partie mais comme royaume séparé, n’a jamais été terre d’Empire. Son souverain n’a jamais été électeur ni vassal de l’Empereur. 

L’objet lui-même, au-delà de sa signification symbolique, présente la caractéristique d’être une couronne latine – le diadème – surmontée d’une couronne grecque. Le tout est dominé par une croix penchée. 

Elle forme une ellipse de 20,39 cm par 21,59 cm. En or, elle pèse 2056g et est décorée de dix-neuf panneaux d’email, de pierres semi-précieuses et de perles.

Le panneau frontal de la couronne grecque représente un Christ Pancreator, d’inspiration byzantine. Il est entouré en dessous, dans la couronne latine, à gauche d’un panneau représentant Saint-Michel, à droite, Saint Gabriel

Le panneau arrière représente l’Empereur Byzantin Michel VI Dukas (1050-1078), toujours dans la couronne grecque, entouré du roi de Hongrie Geza Ier (1074-1077) et de l’Empereur Constantin dans la couronne latine. Les autres panneaux de la couronne latine représentent Saint Georges, Saint Côme, Saint Damien et Saint Demetrius. Sur la couronne grecque nous trouvons également à nouveau un Christ Pancreator et les Saints Barthélémy, Jean, André, Pierre,Thomas, Jacques, Philippe et Paul. 

Rarement couronne fit de telles références à la religion chrétienne en portant les symboles des Evangiles mais aussi du pouvoir impérial symbolisant depuis Constantin l’union du spirituel et du temporel. 

A ces seuls symboles, la couronne de Saint-Etienne justifie son nom de Sainte à défaut d’avoir été vraiment portée par le premier roi et saint de Hongrie

La croix qui la surmonte est penchée. Pourquoi ? On l’ignore. Il y a bien sûr des interpretations qui relèvent de la symbolique, d’autres du simple accident, tombée à terre, enfermée dans un coffre trop petit. 

Ce qui rend cette couronne encore plus caractéristique nous reste donc inconnu. 

Couronne à l’origine mystérieuse, à la symbolique religieuse forte, elle est surtout et avant tout le symbole le plus sacré et le plus absolu de la nation hongroise. 

Aucun roi de Hongrie ne pouvait être considéré comme vraiment roi s’il n’avait pas été couronné avec elle. Ce n’était pas la naissance qui donnait la légitimité au roi mais son couronnement. Aucune loi ne pouvait être proclamée en Hongrie par le souverain tant qu’il n’avait pas été couronné.

C’est ainsi qu’au cours de son histoire, la Hongrie connut une succession de dynasties toutes aussi légitimes les unes que les autres, tout autant que le titulaire du royaume avait été couronné avec elle. La ville du couronnement était à l’origine Székesfehérvár, près du Lac Balaton, puis ce fut Poszony (aujourd’hui Bratislava ) capitale de la Hongrie historique et siege du parlement hongrois de l’époque. Joseph II fut le seul des souverains de Hongrie à ne pas se faire couronner. Si l’on ajoute à ce refus, l’imposition de la langue allemande au peuple hongrois, on peut comprendre qu’il n’y ait pas été aimé, ayant reçu le surnom de “Roi au chapeau “, puisqu’il n’avait pas de couronne.

Les deux derniers couronnements eurent lieu à Budapest, devenue capitale de la Hongrie au XIXème siècle.

 La couronne ne servait d’ailleurs qu’une seule fois, le jour du couronnement. 

Les dynasties successives furent, après les Arpad, les Anjou, dans la descendance d’un frère de Saint-Louis, puis les Luxembourg, par Sigismond, mari de la dernière des Anjou, Marie Ière, puis les Jagellon, les Hunyadi (Mattias Corvin, seul roi hongrois depuis les Arpad) les Habsbourg et les Habsbourg-Lorraine.

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Ce fut le double mariage de Marie de Habsbourg avec Louis II Jagellon, d’une part et Ferdinand de Habsbourg avec Anne Jagellon, soeur de Louis II, qui permit aux Habsbourg de devenir de façon légitime les souverains de la Hongrie et ce jusqu’en 1918. Une des plus glorieuses illustration de “Tu Felix Austria Nubes” ( Toi, Heureuse Autriche, tu te maries). 

Trois femmes durant cette période furent couronnées avec la Sainte Couronne, Marie-Thérèse de Habsbourg, qui fut “roi de Hongrie”, couronnée en 1741, Elisabeth de Wittelsbach, qui fut couronnée avec son mari François-Joseph Ier, en 1867, et Zita de Bourbon-Parme, qui fut couronnée avec son mari Charles IV en 1916. Si Elisabeth et Zita étaient impératrices consorts en Autriche, elles étaient reines de droit en Hongrie. La couronne n’était pas posée sur leur tête à la différence de leur mari, mais sur leur épaule droite.

Symbole de la Nation Hongroise, la Sainte Couronne avait deux gardiens, l’un de confession catholique, l’autre de confession protestante, choisis dans les familles de la plus haute aristocratie hongroise. Seuls les deux gardiens, le Palatin et le Primat de Hongrie avaient le droit de la toucher.

En 1783, la couronne, jusque là gardée à Poszony (Bratislava ou Presbourg) fut transférée à Vienne, sur la décision de Joseph II, au déplaisir des Hongrois qui se voyaient ainsi dépouillés du symbole de leur indépendance au profit d’une monarchie allemande unitaire, ou du moins voulant l’être. Elle fut toutefois rendue au Hongrois lors des couronnements de Léopold II et François Ier. En 1848, après avoir proclamé la déchéance des Habsbourg, et une fois battu, Kossuth s’en saisit et la cacha afin de ne pas permettre aux Habsbourg-Lorraine de la posséder. Mais en 1853, elle retrouva le chemin du Palais Royal de Buda. En 1945, le baron Perenyi, gardien catholique de la Couronne, prit la décision de lui faire quitter le pays, devant l’avancée des troupes soviétiques. Grâce à lui, elle put partir aux Etats-Unis dans les fourgons de l’armée américaine, symbole d’une Hongrie en exil qui n’acceptait pas l’occupation communiste. En 1978, le Président Jimmy Carter prit la décision de la renvoyer en Hongrie, à la fureur des Hongrois qui ne voulaient pas que les communistes se saisissent de ce symbole de leur nation.

En 2000, la Couronne de Saint-Etienne quitta le Palais Royal de Buda pour être déposée au Parlement, situé à Pest. Elle quitta le palais, dans le carrosse du couronnement, entourée d’un régiment de Hussards, recevant ainsi les honneurs dus à un Chef d’Etat et saluée tout au long du parcours par le peuple qui avait enfin retrouvé la liberté. 

Elle a été déposée sous la grande coupole du Parlement de Budapest avec les autres regalia que sont le sceptre, l’orbe et l’épée et le manteau du couronnement, où il est possible de les admirer. Elle continue d’être considéré comme le symbole de la liberté et de la souveraineté du peuple hongrois.

Aucun chef d’état en visite à Budapest ne manque d’aller la saluer, rendant ainsi hommage à toute une nation. (Un grand merci à Cosmo pour cet article – Copyright photos : DR)