hetzendorfTout le monde connait Schönbrunn, pour l’avoir visité ou pour en avoir entendu parler. Mais il est un petit château, à l’orée du parc, pas très loin, beaucoup moins connu pares que presque jamais visité. Il s’agit du château d’Hetzendorf, en allemand “Schloss Hetzendorf”.

Son histoire commence à la fin du XVIIème siècle, quand le comte Sigismund von Thun and Hohenstein, après avoir acheté le terrain, en 1690, décide de faire construire un pavillon de chasse. En 1696, l’empereur Léopold Ier faisait débuter la construction de Schönbrunn, sur les plans et sous la direction du grand architecte viennois Johann Bernhard Fischer von Erlach(1656-1723), sur un terrain acheté par l’empereur Maximilien II en 1569.

Cour d'honneurDepuis 1682, Louis XIV habitait Versailles et l’ empereur se devait d’avoir une résidence du même genre. Les autres souverains et l’aristocratie européenne se devaient d’imiter les souverains français et autrichiens. Bon nombre de palais eut châteaux furent construits sur le modèle de Versailles et de Schönbrunn. La liste en serait fastidieuse, de Potsdam à St Petersbourg. Pour ne citer que les plus célèbres encore en mains privées, Chatsworth en Angleterre et Eisenstadt en Autriche.

Façade JardinLe comte von Thun and Hohenstein, lui, avait la chance d’avoir un terrain tout près du château impérial et il décida de faire appel au même architecte pour avoir son petit Schönbrunn. En 1694, comme Louis XIII à Versailles bien plus tôt, il fait édifier un pavillon de chasse. Mais il ne put achever son oeuvre. Après la mort de son oncle en 1709, l’héritière, la comtesse Eléonore von Thun and Hohenstein, épouse du prince Anton-Florian von und zu Liechtenstein, Grand Maître de la Cour et Premier Ministre de l’Empereur Charles VI, décida en 1712 de faire appel à Johann Lucas von Hildebrandt (1668-1745) pour transformer le pavillon de chasse en un château digne de ce nom.

Avec Johann Bernhard Fischer von Erlach et Johann Lucas von Hildebrandt, il était difficile de ne pas placer la nouvelle construction sous le signe du baroque le plus pur.

En 1715, elle fait construire la chapelle et en 1719, elle agrandit la propriété et fait aménager le parc à la française.

La princesse mourut en 1723 et en 1742 ses héritiers vendirent Hetzendorf à l’impératrice Marie-Thérèse. Montée sur le trône en 1740, à la mort de son père, Charles VI, elle se trouvait “encombrée” d’une mère, Élisabeth-Christine princesse de Brunswick-Wolfenbüttel, désormais impératrice douairière, au caractère pas très facile.

Portrait d’Élisabeth-Christine, princesse de Brunswick-Wolfenbüttel, impératrice douairière

Petite GalerieLes médecins de la cour eurent la bonne idée de trouver que l’air d’Hetzendorf était excellent et qu’il conviendrait parfaitement à la santé d’Elisabeth Christine. Il convenait également à la tranquillité du nouveau couple, pas encore impérial, François-Etienne ne sera empereur qu’en 1745, pris dans les tourments de la Guerre de Succession d’Autriche. Marie-Thérèse aimait sa mère qui le lui rendait bien, mais de préférence avec un peu de distance.

Sphinge

En 1745, l’impératrice fit appel à l’architecte autrichien, d’origine italienne, Nicolò Pacassi (1716-1790) pour agrandir le château. Pacassi a également travaillé pour la Cour à Schönbrunn, Budapest et Prague, dans l’extension et l’embellissement des châteaux.

Après la mort d’Elisabeth Christine, le château resta vide, malgré une occupation temporaire en 1762, par les enfants ayant été inoculés contre la variole, et leurs familles, mis en quarantaine.

Grande salleEn 1789, Joseph II en fit également sa résidence provisoire, ses autres résidences ayant été inondées. Il s’y plut et voulut en faire une résidence permanente trouvant, lui aussi, l’air bon pour sa santé. Il agrandit le château de deux ailes de communs, créant ainsi cent cinquante chambres nouvelles pour loger famille et domestiques. Il faut se rappeler qu’à Vienne, à la différence de la Cour de France, seule la famille impériale résidait dans ses châteaux et palais. L’aristocratie ne vivait en aucun cas dans l’intimité de la famille impériale à l’exception de ceux qui y étaient momentanément en service.

Plafond grande salleLa mort de Joseph II en 1790 mit fin à ces projets. Le château ne fut désormais habité qu’épisodiquement.

L’archiduc François-Maximilien d’Autriche, frère de Marie-Antoinette, Grand Maître de l’Ordre Teutonique, évêque de Munster et archevêque de Cologne, y résida quelques temps. La reine Marie-Caroline de Naples, née archiduchesse d’Autriche et également soeur de Marie-Antoinette, y mourut le 8 septembre 1814.

Grande salle 2L’empereur François Ier y fit donner quelques fêtes et sous François-Joseph, Hetzendorf ne servit plus que de résidence pour les hôtes de la famille impériale. En 1873, lors de l’exposition universelle de Vienne, le Shah de Perse, la reine Victoria, l’empereur d’Allemagne y eurent leur résidence.

Un événement tragique y survint le 18 juin 1867, soit quelques jours après le couronnement de François-Joseph à Budapest. L’archiduchesse Mathilde, à l’âge de 21, lors d’un bal, voulant fumer une cigarette en cachette de ses parents mit feu à sa crinoline en tulle et fut brûlée vive. Le lendemain, le 19 juin, Maximilien d’Autriche, empereur du Mexique, était fusillé à Queretaro.

En 1911, le château retrouva sa fonction de résidence permanente. En effet, à l’occasion du mariage de son petit-neveu, et présomptif héritier en second, l’archiduc Charles, avec la princesse Zita de Bourbon-Parme, François-Joseph l’offrit comme résidence au jeune couple.

Charles et Zita fiancés

Il l’avait fait restaurer car le château avait subi d’importants dommages, faute d’une occupation régulière.

unnamed21Selon l’impératrice Zita, il était impossible d’en bouger un meuble sans risquer de faire s’effondrer le plancher. Pour chauffer la grande demeure, le chauffage central a été installé et pour ne pas défigurer les pièces de réception par d’horribles radiateurs en fonte, Zita avait eu l’idée de les faire installer dans les cheminées, dissimulés derrière des grilles en bronze artistiquement ouvragées.

Salle aux laquesL’appartement de la jeune archiduchesse était au premier étage, au-dessus de celui de l’archiduc, au rez-de-chaussée. Pour pouvoir rejoindre son épouse sans avoir à passer par le grand escalier d’honneur ou l’escalier de service, Charles avait fait installer un escalier privé, dissimulé dans le fond de sa garde-robe, permettant de joindre les deux chambres, en toute intimité. Cet escalier existe encore.

Les enfants, l’archiduc Otto et l’archiduchesse Adélaïde, étaient installés au premier étage dans l’aile gauche du château.

La chapelle retrouva son usage permanent également, le jeune couple étant très pieux. La veille de la Nativité, en 1913, la jeune archiduchesse, enceinte, était seule à Hetzendorf. Charles n’était pas là. Il avait fallu un volontaire pour le service de caserne. Charles s’était proposé. En acceptant de servir ainsi, Charles avait permis à un autre officier de rester ce soir-là en famille.

Après avoir traversé la galerie, où les glaces dorées se renvoyaient sa silhouette, le salon aux vieux laques et la nursery, Zita était entrée dans la chambre d’Otto pour l’embrasser. Puis elle avait Zita prit l’escalier de pierre descendant directement vers le petit hall, au rez-de-chaussée de l’aile gauche du château, où se trouvait la chapelle baroque. En entrant pour entendre la messe de minuit, quelle ne fut pas sa surprise de voir une chorale dans le chœur. Elle, qui s’attendait à une messe basse, put entendre chanter des Noëls français et parmesans pour célébrer la venue au monde de Notre-Seigneur, les Noëls de son enfance. C’était le cadeau de son mari, loin d’elle ce soir-là.

Sallee de marbre

1914 fut la dernière année de vraie vie au château d’Hetzendorf. Le 28 juin 1914 mit fin à la douceur de vivre dans l’Empire d’Autriche-Hongrie et emporta, avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, tout un monde dans la tourmente, dont il ne releva pas.

Saisi comme tous les biens de la famille impériale en 1919, le château, désormais propriété de la république autrichienne, perdit tout son lustre. Un sculpteur, un violoniste entr’autres y habitèrent dans des conditions bien éloignées des fastes d’antan.

Il subit des bombardements en 1945, qui heureusement n’abîmèrent pas l’habitation principale.

unnamed1Hetzendorf abrite aujourd’hui, et ce depuis 1946, l’école de la mode à Vienne “Modeschule Wien im Schloss Hetzendorf”, qui après l’avoir loué de la Ville de Vienne, l’acheta en 1987.

De résidence impériale à laboratoire de mode, des archiduchesses aux cousettes, la chute est grande mais l’essentiel est que Hetzendorf soit toujours debout. Le temps de la splendeur est passé, même si le merveilleux décor baroque subsiste. Est venu le temps de l’efficacité ! (Un grand merci à Cosmo pour cet article – Copyright photos : DR – Article dédié à Michèle)