Noblesse et Royautés : En compagnie de Gildas du Halgouet, votre fils, qui est ingénieur, vous prenez possession du relais de chasse de Chkadouache. Qu’en est-il aujourd’hui de la situation à Chkadouache ?

Prince Alain Murat : Je ne vais pas le cacher, nous avons été très très déçus d’avoir perdu le procès. Nous étions abattus. C’est alors qu’entre en scène Gildas, le fils de Véronique, né d’une première union et que j’ai élevé comme mon fils. Ingénieur de formation, Gildas vient nous voir et nous trouve très dépités.

Il se dit qu’il faut faire autrement. A défaut de restitution de biens, on va se les réapproprier. Le bien qui semble le plus facile à reprendre est l’ancien relais de chasse de Chkadouache où Achille Murat s’était suicidé.

Princesse Véronique Murat : En mai 2015, nous débarquons avec auto, remorque, matériel nécessaire au chantier, des lits, une gazinière,…

Les lieux sont squattés par des réfugiés abkhazes et des animaux. Nous poussons les vaches et les poules dehors, prenant possession de deux pièces. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ! Cela sentait atrocement le purin. Cela n’a pas été facile au cours de premiers mois au niveau du confort. Heureusement que nous avions notre maison à Zougdidi pour cela.

Prince Alain Murat : Nous avons embauché des gens du village pour le chantier. Gildas a tout coordonné des plans au toit qui a été entièrement refait avec un bois spécial en acacia. Gildas que j’ai élevé comme mon fils car la princesse Véronique était seule avec ses trois enfants lorsque je l’ai rencontrée, voulait me faire ce cadeau pour tout ce que j’avais fait pour lui auparavant.

Nous avons acheté des terres voisines et un chalet. Les réfugiés sont désormais partis. Cela a nécessité deux années de travaux.

Noblesse et Royautés : Vous avez développé des chambres d’hôtes à Ckhadouache

Princesse Véronique Murat : Nous pouvons désormais proposer cinq chambres d’hôtes. Nous sommes très fiers de notre belle salle à manger. Le reste suivra petit à petit.

Prince Alain Murat : Parmi les villageois, certains ont des parents qui ont connu mon père. J’ai bon espoir avec le nouveau gouverneur de Zougdidi. C’est un homme d’affaires à la base.

Noblesse et Royautés : La Géorgie n’a pas été épargnée depuis son indépendance en 1991 par les conflits. Quelles répercussions ont eu la sécession de l’Abkhazie puis la guerre avec la Russie en 2009. Quelle est la situation des réfugiés ?

Princesse Véronique Murat : La guerre qui a mené à la sécession de l’Abkhazie (le domaine de Chkadouache est près de la frontière avec l’Abkhazie) a frappé durement le jeune état indépendant. Il y a eu un flot de réfugiés estimés à 500.000, ce qui est plus de 15-20% de la population. Ils avaient un statut spécial avec des primes octroyées par le gouvernement, ce qui a vite suscité des rivalités avec les autres Géorgiens.

Noblesse et Royautés : Comment avez-vous l’évolution économique du pays ?

Prince Alain Murat : Depuis notre arrivée, la Géorgie a beaucoup changé. Tbilissi est devenue une ville très sûre. Il n’y a plus de bandes organisées pour vous dévaliser.

Princesse Véronique Murat : Le pays s’est bien consolidé économiquement. Je me souviens qu’au début, j’achetais de l’électricité par heure notamment lorsque je faisais des travaux avec ma machine à coudre pour mes rideaux !

Noblesse et Royautés : A Zougdidi, vous avez fondé une école Prince Murat qui accueille plus de 200 enfants et qui permet au final un accès aux universitaires françaises, vous avez même reçu la distinction de meilleure école de Géorgie. Comment est née cette idée et qui vous a soutenu dans ce projet ?

Prince Alain Murat : Nous avons fondé en 2002 l’école Prince Murat à Zougdidi. Nous partions du postulat que pour permettre au pays d’aller de l’avant, il fallait miser sur l’éducation. Notre école dispense des cours de 9h à 16h alors que les autres écoles géorgiennes ne reçoivent les élèves qu’une demi-journée.

Le président Saakachvili a lancé le prix de la meilleure école de Géorgie et nous l’avons obtenu ! Nous avons eu droit à la visite de toutes les autorités ! L’école compte à ce jour 30 professeurs et dispense une instruction de l’école primaire à l’école secondaire.

Princesse Véronique Murat : Lors de la guerre en 2008 avec la Russie, le gouverneur, le maire, le chef de la police,… tout le monde avait déserté Zougdidi. Il y a eu des pillages. L’école a été durement touchée. Nous avons pu repartir à nouveau grâce à la générosité de nos connaissances en France. Nous nous étions regroupés avec d’autres qui avaient aussi subi les pillages comme l’usine Ferrero (les noisettes viennent de Géorgie) mais nous n’avons obtenu aucun dédommagement.

Noblesse et Royautés : Pouvez-vous nous parler de votre engagement humanitaire ?

Princesse Véronique Murat : Jusqu’en 2010, il n’y avait pas de droits de douane sur les conteneurs avec de l’aide humanitaire. Les nouvelles règles mises en place par le président Saakachvili ne permettaient plus pour nous de faire venir cette aide. De grandes associations comme l’UNICEF peuvent faire face à ses dépenses mais pas nous.

Je me suis un jour invitée lors d’une grève pour expliquer la situation et menacer de jeter le contenu des conteneurs à la mer si on nous faisait payer des taxes. C’était du matériel pour les hôpitaux, les pompiers et les personnes pauvres. Nous avons eu gain de cause !

Je me rappelle de dons de la gendarmerie nationale française de pulls très chauds. Nous avons passé des heures à retirer les insignes ou encore de vestes de pompiers offertes aux pompiers géorgiens que j’avais ensuite pris en photo pour les montrer à leurs collègues français. 

 

 

Noblesse et Royautés : Madame, vous avez fondé SOS Enfants de Géorgie qui vient en appui financier aux jeunes femmes pour mener à bien leur grossesse. Pouvez-vous nous en parler ?

Princesse Véronique Murat : Avorter ne coûte pour ainsi dire rien, c’est presque le moyen de contraception si on veut… mais évidemment avec tout ce que cela comporte comme risques pour les jeunes femmes. J’ai été soutenue par l’Ordre de Malté, le Rotary et l’Ordre de Saint Lazare. Cela concerne environ 40 enfants par an.

Avoir accès aux soins de santé si vous n’avez pas les moyens financiers, n’est pas chose aisée en Géorgie. Combien de fois n’y a-t-il pas eu des accouchements dans des autos devant l’hôpital ! Je me souviens aussi de ce jeune enfant qui devait être opéré et dont les parents n’avaient pas d’argent. C’était le week-end et les banques étaient fermées. J’ai alors mis au clou comme on dit ma bague, que j’ai fort heureusement récupérée le lendemain ! (à suivre)