A l’occasion de la parution de la biographie de la princesse Dora de Saxe-Cobourg-Gotha, fille du prince Philip de Saxe-Cobourg-Gotha et de la princesse Louise de Belgique, petite-fille du roi Léopold II par l’historien Olivier Defrance, « Noblesse et Royautés » a souhaité s’entretenir avec l’auteur. (Merci à Christophe pour son entremise – Copyright photo : Olivier Defrance)

« La fortune de Dora. Une petite-fille de Léopold II chez les nazis », Olivier Defrance & Joseph Van Loon, Editions Racine, 2013, 284 p.

Vous avez déjà écrit de précédents ouvrages sur le roi Léopold I et le clan Cobourg, sur la princesse Clémentine d’Orléans devenue princesse de Saxe-Cobourg par mariage et la princesse Louise de Belgique, mariée au prince Philipp de Saxe-Cobourg. Y a-t-il une raison particulière qui explique votre intérêt plus marqué pour les Saxe-Cobourg à cette période-là de l’Histoire ? 

Olivier Defrance : La raison de cet intérêt porté aux Cobourg – et donc des sujets de mes livres – est assez simple : en préparant un livre, on découvre des informations qui sont « annexes » mais qui donnent envie d’en savoir plus et qui annoncent, en quelque sorte, le sujet du livre à venir. Le point de départ de mes recherches est mon mémoire de fins d’études sur la politique matrimoniale de Léopold Ier, défendu à l’ULB (NDLR : Université libre de Bruxelles)

Comment est né le projet de cette nouvelle biographie consacrée à la princesse Dora de Saxe-Cobourg, fille du prince Philipp de Saxe-Cobourg-Gotha et de la princesse Louise de Belgique ? Etait-ce dans le prolongement de vos précédentes biographies qui ont traité de sa mère ou encore de sa grand-mère paternelle ?

Olivier Defrance : Mon ami et co-auteur, Joseph van Loon, et moi-même avions amassé au fil des ans une masse de documents et d’informations à son sujet. Mais le projet de livre a mis pas mal de temps à mûrir. Certaines sources étaient parfois difficilement exploitables. Le livre est d’ailleurs assez différent des précédents, je pense. Plus qu’une héroïne, Dora est en quelque sorte le « fil rouge » dans le récit.

Est-ce un sujet pour lequel vous avez eu plus de difficultés de recherches que pour vos biographies précédentes, tenant compte du fait que la princesse Dora est moins connue du grand public ?

Olivier Defrance : Le problème pour rédiger une biographie ne porte pas sur le fait que le sujet soit connu ou non, mais bien sur les sources disponibles. Des personnages connus en laissent parfois peu ou pas, des moins connus peuvent avoir conservé tous leurs papiers qui sont entre les mains de la famille, par exemple. Ici, la complexité est apparue très tôt : tous les papiers personnels de la princesse ont disparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a fallu parfois entreprendre un véritable travail de détective, en Belgique, en Allemagne, en Espagne ou encore en Autriche. Mais nous avons eu la chance de bénéficier de l’aide de personnes qui nous ont apporté leurs témoignages, souvent très instructifs.

A quelles archives avez-vous pu avoir accès pour l’élaboration de ce livre ? Avez-vous effectué des déplacements à l’étranger pour les besoins de votre livre ? Avez-vous eu des contacts avec des membres de sa famille ?

Olivier Defrance : Nous avons consulté de multiples sources, des Archives du Palais royal de Bruxelles aux Papiers Cobourg, conservés aux Archives de l’Etat à Vienne (non classés qu’il a d’abord fallu inventorier !), en passant par les Papiers von Esmarch, conservés à Kiel. Nous avons pu obtenir des témoignages de membres des familles Cobourg et Holstein. Certains ont préféré garder l’anonymat, le sujet central du livre – les relations des Cobourg avec le nazisme – étant toujours très sensible.

La princesse Dora de Saxe-Cobourg est une inconnue pour la grande majorité. Son prénom figure pourtant en bonne place sur l’arbre généalogique détaillé de la famille royale de Belgique, étant l’un des petits-enfants du roi Léopold II. A quoi attribuez-vous cette certaine forme d’oubli de la princesse dans l’Histoire ?

Olivier Defrance : La Première Guerre mondiale a divisé les familles royales et apparentées en deux camps distincts durant très longtemps. Ceci a joué dans le cas de Dora. En outre, les déboires de sa mère, des questions d’argent et la personnalité peu amène du roi Léopold II n’ont pas favorisé les relations familiales. Cependant, et on le découvre en lisant le livre, des relations entre Dora et sa parenté belge ont bel et bien existé jusque dans les années trente. Mais tout cela est resté dans le domaine privé et était donc inconnu du public.

Votre ouvrage écrit en collaboration avec Joseph Van Loon s’intitule « La fortune de Dora. Une petite-fille de Léopold II chez les nazis ». Pourquoi ce titre ? Surtout sa deuxième partie. Considérant que la princesse est décédée en 1967, la période pendant laquelle l’Allemagne était sous le joug nazi a-t-elle été si déterminante dans la vie de la princesse ?

Olivier Defrance : A l’évidence, la période nazie est la plus intéressante de notre récit. On y découvre beaucoup de choses totalement inconnues et qui – nous le pensons – surprendront ! Cette période de l’histoire constitue un véritable tournant dans la vie de Dora. Avec notre éditeur, nous avons voulu mettre l’accent sur cela dans le sous-titre. Mais je préfère ne pas en dire plus pour ne pas déflorer notre sujet !

A qui ressemblait au point de vue du caractère la princesse Dora ? Etait-elle plus proche de son père le prince Philipp ou de sa mère la princesse Louise ? Comment pourriez-vous décrire la princesse Dora ?

Olivier Defrance : La personnalité de Dora demeure très atypique et mystérieuse. Détestée (et même sujet de moquerie) par les uns, elle est adorée par d’autres. Elle ne laisse en tout cas pas indifférent. Femme qui peut sembler discrète aux côtés de son époux, elle étonne par son dynamisme une fois devenue veuve. Elle était très proche de son père et très différente de sa mère.

Peut-on comparer ses difficultés financières avec celles de sa mère la princesse Louise de Belgique ?

Olivier Defrance : Alors que sa mère était très dépensière et a souvent été à l’origine de ses propres déboires, Dora a surtout été la victime de la crise financière des années trente. Mais il est possible que, comme Louise de Belgique, Dora fût aussi la victime de personnes pas très honnêtes… Nous l’évoquons à plusieurs reprises dans notre ouvrage.

Apparentée à la famille royale de Belgique, à la Cour impériale allemande, la princesse Dora était-elle l’une des princesses en vue de son époque ?

Olivier Defrance : Les étranges circonstances de son mariage ont été abondamment commentées dans la presse internationale de l’époque. Dans les années qui ont suivi, on parle moins d’elle, mais ses ennuis financiers vont à nouveau la mettre sous « les feux des projecteurs » (si je puis dire) à partir des années vingt.

La princesse Dora est décédée en 1967 dans le Wurtemberg. Où est-elle inhumée ?

Olivier Defrance : Son corps a été déposé dans la crypte familiale de l’église catholique Saint-Augustin de Cobourg. Elle est d’ailleurs le dernier membre de sa famille à y avoir été inhumée.

Cette nouvelle biographie vous a-t-elle déjà donné l’envie de traiter dans le futur de l’histoire d’un autre membre de la famille de Saxe-Cobourg ?

Olivier Defrance : Un nouveau projet – que je prépare seul – est déjà en cours. Mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment, à part qu’il sera plus belge !