Le 18 avril 1816, à Paris, était signé le contrat de mariage entre le comte Philippe d’Ornano (ci-dessus) et Marie Łączyńska , comtesse Walewska. Le 7 septembre 1816, le mariage était célébré à Bruxelles. Il avait fallu bien des événement pour en arriver à cet heureux évènement.

Entre 1813 et 1814, l’Empire s’est lentement désagrégé. La Campagne de Russie a pris fin le 14 décembre 1812. Elle aura duré près de six mois. La Grande Armée, composée de 680 000 hommes, dont 440 000 engagés en Russie, est défaite. Le 7 septembre 1812, la bataille de la Moscova ou de Borodino voit l’armée française victorieuse.

Napoléon et ses maréchaux à Borodino par Vassili Verechtchaguine.

Le 14 septembre Napoléon entre dans Moscou. De ce jour au 18 septembre Moscou est en feu. Le 18 octobre Napoléon ordonne la retraite. Du 26 au 29 novembre, c’est la bataille de la Bérézina. Les Français sont expulsés de Russie le 12 décembre 1812. Le sursaut national et l’hiver russes ont eu raison de la plus formidable armée de tous les temps.

La Bérézina par Janvier Suchodolski

« Parce que l’Allemagne était sans initiative et sans voix, parce que les princes obéissaient comme des préfets (…) l’empereur (…) eut le tort de méconnaître ce que le sentiment national, trop peu ménagé, avait amassé de ressentiments secrets dans le cœur des Allemands » (Mémoires de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie) Après la Campagne de Russie, c’est la campagne d’Allemagne.
Les ennemis de Napoléon s’organisent autour de la Russie.

Le 16 mars la Prusse, le 23 mars la Suède, le 11 août l’Autriche, le 14 octobre la Bavière se coalisent contre lui. Les alliés, souvent obligés, de Napoléon le quittent, la Bavière la première, puis la Saxe le 18 octobre, le Wurtemberg le 2 novembre, le Grand-duché de Bade le 20 novembre. Du 16 au 19 octobre 1813, c’est la bataille de Leipzig, dite la Bataille des Nations. Joseph Poniatowski y meurt, Duroc est mort à Bautzen le 22 mai 1813. Ils avenir été tous les deux les principaux acteurs de la rencontre de Napoléon et Marie Walewska.

Sans être totalement vaincu Napoléon est contraint à la retraite. Il a perdu 60 000 hommes, les Alliés en ont perdu 90 000. Il n’est plus le maître de l’Europe.
Marie, inquiète du sort de Napoléon, est à Spa. Elle ne rentre à Paris que lorsque Napoléon y retourne. Il l’appelle à Saint Cloud. Cette fois, il ne s’agit pas d’un rendez-vous amoureux. Il s’agit d’assurer de façon certaine l’avenir de leur enfant. Il augmente le majorat, il fait acheter un hôtel particulier à son nom, 48 rue de la Victoire. Le 8 février 1814, il écrit à Monsieur de La Bouillerie, Trésorier Général de l’Empire « J’ai reçu votre lettre relativement au jeune Walewska ( sic). Je vous laisse les mains libres. Faites ce qu’il faut mais faites-le de suite. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le sort de l’enfant; la mère viendra ensuite. »

Plan de l’hôtel du 48 rue de la Victoire

Napoléon a conscience que la fin approche, même s’il lui reste encore quelques victoires à gagner. Mais les Alliés, Royaume-Uni, Russie, Prusse, Autriche avancent et le 31 mars 1814, ils entrent dans Paris. Napoléon est contraint à l’abdication par ses maréchaux le 3 avril. Le même jour, il est déchu par le Sénat qui appelle les Bourbons. Le 11 avril est signé le Traité de Fontainebleau par lequel il conserve le titre d’Empereur mais ne règne plus que sur l’île d’Elbe.
Marie ne revoit pas l’empereur mais elle suit les nouvelles. « L’empereur est allé prendre le commandement des armées qui vont défendre le territoire envahi. Je n’ai pu lui dire au revoir. L’aura-t-il remarqué ? Moi, je suis bien nerveuse… » Elle assiste, en spectatrice au départ de Marie-Louise et du roi de Rome, qu’elle qualifie de « cher petit ».

Départ de Marie-Louise par Achille Martinet

Pendant tous les jours que dure la bataille de Paris, elle a du mal à accepter l’idée que son idole court à la catastrophe et qu’il va bientôt être déchu. Philippe d’Ornano, revenu à Paris pour chercher des munitions, la voit mais ne peut lui donner d’informations tant la situation est confuse. Avant l’abdication, elle cherche à le rejoindre à Troyes. Son frère lui montre la folie d’un acte. Comment traverser les lignes de bataille ? Elle accepte l’argument. De plus, Napoléon n’est plus à Troyes, il est à Fontainebleau. Après l’abdication, elle cherche à l’y rejoindre. Il refuse de la voir de suite car il ne veut voir personne. Constant dans ses mémoire raconte : « Son affliction était si vive de voir que l’Empereur ne la faisait pas demander que j’en pris pitié. Je rentrai dans la chambre de l’Empereur pour le prévenir de nouveau. Il ne dormait pas mais il était si profondément absorbé dans ses pensées qu’il ne me fit aucune réponse. Enfin le jour commençant à paraître, la comtesse craignant d’être vue par les gens de la maison, se retira la mort dans le coeur. Elle était partie depuis plus d’une heure quand l’Empereur se rappelant qu’elle attendait, la fit demander. Je dis à Sa Majesté ce qu’il en était; je ne lui cachais point le désespoir de la comtesse au moment de son départ. L’Empereur en fut vivement affecté. »

Elle essaiera de venir le voir à plusieurs reprises mais la présence des troupes ennemies l’en empêchèrent.

Tous, ou presque, ont abandonné l’Empereur, à commencer par son épouse et ceux dont il a fait la fortune et la gloire. Si les maréchaux et les grands serviteurs de l’empire ont dû leur position à leurs valeurs, qui se souviendrait de Marie-Louise, si elle n’avait pas été impératrice des Français. Marie reste fidèle. Elle sait qu’elle doit sa fortune à Napoléon mais plus encore une belle histoire d’amour et un enfant.

Les Adieux de Fontainebleau par Horace Vernet

Le 20 avril, Napoléon quitte Fontainebleau pour l’île d’Elbe. Elle tente de le voir à nouveau. Ce même jour, elle a à débrouiller ses affaires personnelles, et surtout celle de son fils, que l’abdication de Napoléon a compliquées. Comment assurer l’avenir du majorat constitué à son profit, comment éviter la confiscation des biens situés dans le Royaume de Naples, qui semble être dans l’esprit de Murat. Elle décide de partir en Italie pour demander l’intervention de la reine de Naples, Caroline, avec laquelle elle a toujours eu de bons rapports. Bien entendu, elle voyage en grand équipage avec sa soeur et son frère Théodore. Elle va à Bologne pour rencontrer Elisa Bonaparte, ex-princesse de Lucques et Piombino, ex-grande-duchesse de Toscane. Elle passe si près de l’île d’Elbe qu’elle ne peut pas ne pas aller voir Napoléon. Le maître de l’Europe est désormais le maître d’une petite île méditerranéenne. Tout y est modeste voire mesquin, mais il y reste Majesté Impériale, avec le cérémonial qui va avec, ou presque.

Arrivée de Napoléon à l’île d’Elbe

De sa Grande Armée, il ne lui reste que six cent sept grenadiers, sous les ordres de Cambronne. La rente annuelle de deux millions de francs que Louis XVIII doit le verser, bien entendu n’arriva jamais. Mais malgré tout, il fait trembler encore ses ennemis.

De tout son entourage familial et amical, seules sa mère, sa soeur la princesse Borghèse et Marie Walewska vinrent le voir. Malgré ses déclarations de son intention de venir le voir, Marie-Louise ne vint pas. Ce n’étaient que mensonges, l’impératrice des Français était alors sous le charme du général comte Neipperg.

Le 4 août 1814, Theodore débarque à l’île d’Elbe porteur d’une lettre de sa soeur. Elle est à Florence et attend l’autorisation de venir le voir. Napoléon en est ému et le 9 août, il lui répond : « Marie, j’ai reçu votre lettre. J’ai parlé à votre frère. Allez à Naples arranger vos affaires ; en allant ou en revenant, je vous verrai avec l’intérêt que vous m’avez toujours inspiré et le petit dont on me dit tant de bien que j’en ai une véritable joie et me fait fort de l’embrasser – Adieu Marie, cent choses tendres. » Il l’attend donc, mais elle ne peut venir qu’incognito car Napoléon ménage la susceptibilité de son épouse. Si Marie arrivait de façon officielle, celai serait immédiatement rapporté des toutes les Cours et Marie-Louise l’apprendrait. Il est peu probable qu’elle en serait affectée.

Madame Mère

Madame Mère est aussi présente à l’île d’Elbe. Il est hors de question qu’elle soit mise au courant. La jolie et coquette Madame Bonaparte de l’Ancien Régime à cédé la place à la digne et Auguste Mère d’un empereur, de trois rois, d’une reine et de deux princesses. De plus elle est corse et très attachée au respect que l’on doit à sa famille, femme en premier. Napoléon est un homme marié, il ne peut recevoir sa maîtresse.
Marie débarqua à l’île d’Elbe le 1er septembre 1814. Napoléon est venue l’attendre sur le quai.

Demeure de Napoléon à l’île d’Elbe

 

On peut imaginer l’émotion de leurs retrouvailles. Ils se sont quittés six mois à peine, mais leur monde s’est écroulé autour d’eux. Mais cet écroulement est sans conséquence pour l’amour que Marie lui porte. Ils s’installent, avec la soeur et le frère de Marie, dans une sorte d’ermitage au dessus de la mer. Ils ne partagent pas la même chambre. Ont-ils eu seulement un rapport physique ? Selon Ali le Mameluk qui avait suivi Napoléon, oui.

Marie serait bien restée auprès de lui pour l’aider de son amour à supporter l’amertume de sa situation. Napoléon est heureux avec elle et leur fils, durant la durée de leur séjour.
Dans l’île d’Elbe s’est répandue la nouvelle que l’impératrice et le roi de Rome sont arrivés. Napoléon ne veut pas leur révéler qu’il s’agit de sa maitresse et de son fils adultérin. Il a peur du scandale que cela pourrait provoquer dans cette population catholique. Il faut donc que Marie parte. Son rêve de rester avec lui s’effondre.

Le 3 septembre 1814, Marie rembarque. Le dernier jour, comme pour oublier la détresse du moment, fut joyeux, du moins dans sa forme. Napoléon donna un dîner auquel il convia les officiers polonais de sa garde que Marie connaissait. On dansa. Le lendemain après une ultime promenade, il fallut se séparer. Marie a accepté cela comme elle a accepté le reste. Mais elle reste une femme humiliée. L’homme qu’elle aime l’a sacrifiée à un femme indifférente, au nom de conventions dont plus personne n’avait à faire dans la tourmente présente. Ils se reverront encore deux fois.
Les affaires du jeune Walewski se sont arrangées à Naples, grâce à l’intervention de Caroline, qui est séduite par son neveu. Durant ce séjour, Marie apprit la mort du comte Walewski, qui, s’il n’est plus son mari à l’état-civil, l’est encore devant Dieu. Cela n’empêche en rien de mener une existence mondaine. Elle séduit toujours. Il semble qu’elle ait pris son parti de sa séparation avec Napoléon. Peut-être a-t-elle commencé de cesser de l’aimer ?

Philippe d’Ornano lui écrit et elle lui répond. Sa fidélité ne peut que la réconforter. Elle doit bien avoir conscience qu’il y a plus que de l’amitié dans celle-ci. Marie est encore à Naples quand elle apprend que Napoléon a quitté l’île d’Elbe. Le rêve va-t-il renaître ? Elle part immédiatement pour Paris où elle arrivera début avril 1815.

Napoléon a fait à travers la France un retour triomphal. Louis XVIII a quitté la capitale, y oubliant ses pantoufles, ce qui l’ennuie beaucoup. Marie espère être appelée aux Tuileries. Elle n’ose y aller de son chef. La reine Hortense est alors l’intermédiaire entre les deux. Le 11 juin 1815, c’est au Palais de l’Elysée qu’elle voit l’Empereur pour la dernière fois. Napoléon se reproche devant elle de l’avoir si mal traitée, mais pouvait-il faire autrement, ajoute-t-il. Marie pleure et c’est en pleurant qu’elle le quitte. Cette fois, leur histoire d’amour est bien finie. Elle sait que même si Napoléon n’a pas accompli tous ses espoirs d’une Pologne libre, ses espoirs secrets de rester toujours près de lui, elle l’a aimé passionnément et il le lui a bien rendu, du moins au début.

Le 18 juin, c’est la bataille de Waterloo. Le 21 juin, Napoléon la reçoit encore une fois avec leur fils. Le 28 juin, c’est à La Malmaison qu’ils se voient pour la dernière fois. Joséphine est morte, Marie est vivante. Marie est prête à le suivre mais l’empereur ne change rien à son destin. Il avait épousé Joséphine par amour, il avait aimé Marie sans l’épouser, il avait épousé Marie-Louise par devoir mais tout était fini. Il se remettait en confiance dans les mains de ses ennemis et ne voulait entraîner Marie vers un avenir dont ils ignoraient tout. De ses deux fils, Alexandre Walewski fut le dernier sur lequel il posa les yeux.

La bataille de Waterloo par William Sadler

Marie fut malade pendant des semaines après cette entrevue. Une fois rétablie, elle alla en Hollande placer une partie des fonds de son fils, suivant la recommandation que lui avait fait Napoléon. Elle intervint aussi en faveur de Madame Mère et de Caroline Murat, ex-reine de Naples. Elle n’hésite pas à se compromettre aux yeux de la police du nouveau monarque pour celles qui auraient pu être sa belle-mère et sa belle-soeur. La grandeur d’âme de Marie transparait derrière ces gestes auxquels rien ne l’obligeait.

Recluse, elle refuse sa porte à Philippe d’Ornano, toujours constant voire encore plus amoureux. Quand il la voit enfin, il lui demande sa main. Elle refuse. Car si elle n’a plus aucun espoir de vivre avec Napoléon, envoyé à Sainte-Hélène, elle n’est pas prête à le remplacer dans son coeur. Mais Philippe d’Ornano n’était pas homme à s’avouer vaincu.

Philippe Antoine d’Ornano est né à Ajaccio le 17 janvier 1784. Sa mère était une Bonaparte et son père le descendant d’une des familles les plus illustres de Corse. Aide de camp de Berthier, il s’illustre à Ulm et à Iéna où il est officier d’ordonnance de l’empereur.

Il est fait comte de l’Empire en 1808 et prend part aux campagnes de la guerre d’Espagne. Il est un des plus jeunes généraux de brigade de l’Empire, à 27 ans. Commandant la 16e brigade de cavalerie légère au début de la campagne de Russie, il est fait général de division le 8 septembre 1812, après la bataille de la Moskowa et prend la tête de la division légère du 4e corps. Blessé et laissé pour mort à la bataille de Krasnoï, le 18 novembre 1812, il est retrouvé vivant par son aide de camp le lendemain et rentre en France. Après une convalescence rapide, il combat en Allemagne et prend le commandement de la cavalerie de la Vieille Garde après la mort du maréchal Bessières.

Lors de la campagne de France, il participe notamment à la bataille de Paris où il commande les unités de la Garde impériale stationnée dans la capitale. Après l’abdication de Fontainebleau, il accompagne Napoléon jusqu’à son embarquement pour l’île d’Elbe. Cousin de Napoléon, qui a fait de ce cavalier brillant l’un des généraux les plus dotés de l’Empire, il accepte le commandement des dragons de France sous la Première Restauration mais s’empresse de proposer ses services à l’Empereur lors de son retour aux Tuileries. Grièvement blessé à la poitrine au cours d’un duel avec le général Bonet, il n’exerce pas de commandement effectif lors de la campagne de Belgique. Il ne participera pas à la bataille de Waterloo. Arrêté le 20 novembre 1815 pour avoir pris en public la défense de Ney – « si j’avais cent hommes sûrs avec moi, j’irais délivrer le maréchal Ney dans sa prison » avait-il dit – il est libéré un mois plus tard et part en exil en Angleterre puis en Belgique. ( Sources : Wikipédia)

Marie est bouleversée par la nouvelle de son arrestation. Elle intervient auprès de Fouché et de Talleyrand, qui pour faire oublier leur passé, préfèrent rester neutres. Elle va trouver le duc Decazes, nouveau ministre de la Police et favori de Louis XVIII, qui lui accorde la libération d’Ornano.

Cette fois, les sentiments de Marie ont changé. Elle accepte la demande en mariage mais ils doivent se séparer car il est exilé. Elle devra le rejoindre en Belgique, où il a acheté une propriété à Liège.

Le contrat de mariage donne une idée de la disparité de fortune entre les époux, mais il permet surtout de savoir ce que possédait Marie et comment elle vivait. Outre ses effets personnels, le futur époux apporte 200 000 francs en argent comptant. La future épouse, outre ses effets personnels, bijoux, argenterie, meubles meublants, voitures estimés à 121 102 francs, elle apporte 750 000 Francs en argent comptant et rentes. La différence de fortune est considérable. Mis à part 100 000 florins polonais, recueillis dans la succession de son mari et 200 000 francs de dettes du comte Walewski qu’elle a acquittées. L’actif total est donc près de 700 000 Francs, auxquels il faut ajouter des rentes et des actions plus la jouissance de l’hôtel particulier 48 rue de la Victoire acheté par Napoléon pour son fils. Cet hôtel comprend un boudoir, une chambre à coucher, un petit salon bleu, au rez-de-chaussée, un salon vert, une salle à manger, diverses chambres et pièces de service, plus une écurie. Le contrat de mariage donne la description exacte de tous les meubles meublants, de toute l’argenterie, de tous ses bijoux, de tout le linge. Il est extraordinaire à lire car il donne une idée de l’ameublement aristocratique sous l’Empire.

Les premières pages du contrat de mariage

Philippe d’Ornano ne fait donc pas une mauvaise affaire mais ce n’est pas pour cela qu’il l’épouse. C’est par amour. Il est un homme bien comme toute sa vie l’a prouvé jusque là et le prouvera par la suite.

Dernière page du contrat de mariage avec la signature de Marie

Ils se marièrent donc à Bruxelles le 7 septembre 1816. Elle a trente ans, il en a trente-deux. Quand il apprit la nouvelle du mariage, Napoléon, déjà à Sainte-Hélène, semble y avoir été indifférent. De toutes façons, que pouvait-il faire ? Pleurer, se lamenter ? Ce n’était pas dans son caractère ni dans la conscience qu’il avait de sa dignité. On peut même penser qu’il en a été heureux pour elle.

Dans le contrat de mariage, il était prévu qu’ils vivent dans son hôtel à elle et qu’elles supporte la quasi totalité des frais du ménage. Mais le mari était exilé à la suite de sa défense de Ney, ils choisissent de s’installer à Liège, après leur voyage de noces passé à Spa car la santé de Marie était chancelante. C’est après son mariage avec Philippe d’Ornano qu’elle commença à rédiger ses mémoires, dont de nombreux passages sont relatés dans cet article. C’est un témoignage précieux sur sa personnalité.

Bien qu’enceinte, elle entreprend de se rendre sans son mari à Walewice. Il y va peut-être pour finir de régler la succession du comte Walewski. Toujours est-il que Philippe lui manque. Elle le lui écrit, à peine arrivée, le 24 janvier 1817: « Notre séparation me pèse d’un poids très lourd mais ce fardeau disparaît quand je réalise à quel point nous sommes unis…Mon mari à moi, si loin que tu sois, tu es toujours près de moi…Je ne peux pas te cacher que je me sens un peu faible. J’ai par moment des pressentiments qu’il m’arrivera quelque chose que je redoute… »

Le destin de Marie Łączyńska, comtesse Walewska, comtesse d’Ornano va bientôt être brisé. Elle reste encore quelques temps à Varsovie mais elle souffre dans sa grossesse. A son retour en Belgique, Philippe est effrayé de voir le changement survenu en elle. Elle a maigri, elle est pâle. La vie semble se retirer au moment même où elle connait le bonheur d’un amour accompli et partagé. Les médecins appelés par Philippe lui conseille le repos. Elle continue la rédaction de son journal dans lequel elle tente d’expliquer qu’elle a été victime des évènements qui l’ont conduite à être la maîtresse de Napoléon puis de finir par l’aimer. Elle a été patriote, nul ne peut en douter, elle a aimé Napoléon, nul ne peut en douter également. Elle aime Philippe d’Ornano qui lui a non seulement rendu l’honneur d’être une épouse respectée mais aussi l’entoure d’un amour immense.

Le 9 juin 1817, elle met au monde un garçon prénommé Rodolphe-Auguste, qu’elle décide d’allaiter. Cela l’épuise et la mène doucement vers sa fin. La sentant proche, elle demande à son mari de la ramener à Paris où ils arrivent début novembre 1817.

Le 11 décembre, elle meurt, probablement victime d’une néphrite que l’on ne savait pas soigner à l’époque. Elle avait trente et un ans. Selon sa demande, elle fut enterrée dans la caveau familial de Kiernozia.

Acte de décès reconstitué après l’incendie de l’Hôtel de Ville de Paris en 1871

Le fils de Marie raconte dans ses Mémoires : « Toute la maison fut plongée dans le désespoir mais la douleur du général d’Ornano dépassait tout ce qu’on peut imaginer. Ma mère était une des meilleures personnes ayant existé au monde. »  On le croit aisément à la lecture des événements de sa vie.

Ici repose Marie Laczinska, comtesse Walewska puis comtesse d’Ornano

L’amour de Napoléon et de Marie fut certainement un des épisodes les plus attachants de la vie de l’Empereur. Elle lui valut, à elle la gloire, une gloire qu’elle a chèrement payé car malgré son amour pour lui, elle portait sans cesse le remords d’avoir rompu les voeux de son premier mariage, elle se reprochait peut-être aussi ne pas avoir été capable de porter le destin de la Pologne comme cela lui avait été fait miroiter.

De ses deux amours, Marie eut deux enfants mais elle n’oublia pas son aîné, issu de sa première union.

Le général comte d’Ornano ne se remaria pas. Il reprend du service en 1828 comme commandant des 2e et 3e divisions militaires puis au jury du concours de Saint-Cyr Sous la monarchie de Juillet, il prend part à la répression en Vendée en 1832 et est fait pair de France. À la retraite pour raison de santé, il est élu député d’Indre-et-Loire le 7 janvier 1849 (il fut propriétaire du château de la Branchoire à Chambray-lès-Tours). Partisan de la politique du président de la République Louis-Napoléon Bonaparte et soutien du gouvernement dans l’affaire de l’expédition de Rome, il est réélu lors des élections de 1849. Grand-croix de la Légion d’honneur en 1850, il approuve le coup d’État du 2 décembre 1851. Membre de la commission consultative, il est couvert d’honneur, fait sénateur dès 1852, grand chancelier de la Légion d’honneur puis gouverneur des Invalides. Napoléon III le fait maréchal de France le 2 avril 1861, dernier des généraux de la Révolution et de l’Empire à accéder à cette distinction. Il meurt à Paris le 13 octobre 1863 et est enterré aux Invalides. Son nom figure sur l’arc de triomphe de l’Étoile, à Paris. ( Sources Wikipédia)

Comte Alexandre Colonna-Walewski

Alexandre Colonna-Walewski, comte de l’Empire, indéniablement reconnu comme fils de l’Empereur par un test ADN, eût une brillante carrière. A la mort de sa mère, la tutelle fut confiée à son oncle Teodor Michał Łączyński, dont elle avait toujours été proche. Il était un honnête homme et Alexandre n’eut qu’à se féliciter de son tuteur qui sut bien gérer sa fortune. Il entretint aussi toujours d’excellents rapports avec Philippe d’Ornano, son beau-père. Militaire, diplomate, homme politique, sa carrière se fit sous la Monarchie de Juillet et sous l’Empire à la tête duquel était son cousin germain, Napoléon III. Il fut marié deux fois. Sa première épouse était Lady Catherine Montagu, fille du comte Sandwich. Veuf, il se remaria avec Marie-Anne de Ricci, dont la mère était une princesse Poniatowska.

Comte Colonna-Walewski en 1865
La ressemblance avec Napoléon est frappante

De sa liaison avec la comédienne Rachel, il eut un fils naturel Alexandre-Antoine-Jean Colonna-Walewski, reconnu à sa naissance en 1844 et adopté par lui en 1860. Il mourut en 1868.

La comédienne Rachel

Son petit-fils André Colonna Walewski fondateur des taxis G7 à Paris fut le gendre de Léon Molinos un industriel important. La descendance masculine et féminine d’André Colonna Walewski est nombreuse de nos jours. Le Comte Alexandre Colonna Walewski est aujourd’hui le chef de famille.

Rodolphe-Louis d’Ornano, le dernier fils de Marie et unique fils de Philippe, né en 1817 est mort en 1865. Il a été Chambellan et Premier maître des cérémonies de l’Empereur Napoléon III, Préfet, député et Vice président du conseil général de l’Yonne. Il est l’ancêtre de Michel d’Ornano maire et député de Deauville.

Le fils aîné de Marie, le comte Antoine Colonna Walewski, mort à 30 ans, n’eut que des filles. Le nom des Walewski est perpétué en Pologne probablement par la descendance des fils des premiers mariages du comte.

Mais s’il est aujourd’hui universellement connu, c’est par Marie Walewska.

L’auteur remercie le comte Colonna-Walewski pour son aide précieuse lors de la rédaction de ces articles. Ces articles sont dédiés à une fervente admiratrice de Walewska, ma mère.

La légende de Marie Walewska illustrée au cinéma. (Merci à Patrick Germain pour ses articles sur la vie de Marie Walewska)