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Érasme a écrit l’« Éloge de la Folie » il y a 500 ans. Les Pays-Bas célèbrent cet anniversaire par une pièce commémorative où l’humaniste figure aux côtés de celle qui était encore la Reine Beatrix en 2012. Les deux personnages sont représentés selon des canons complètement différents et le résultat est très curieux.

La pièce affiche un rapport assez exact de 1/3 pour la Reine Beatrix (espace correspondant à 8 à 12 sur une montre) et de 2/3 pour Érasme. C’est la première curiosité : la différence d’échelle. Érasme a clairement l’avantage, ce qui est normal étant donné le sujet de la commémoration, mais l’œil est un peu surpris devant cette différence de perspective. Si l’effigie de la Reine Beatrix avait été plus petite (comme celle de la Reine Elizabeth sur les timbres britanniques), elle n’aurait pas gêné la composition de la pièce ; si elle avait été plus grande, elle aurait participé à son équilibre.

Cet avantage donné à Érasme se vérifie dans le traitement graphique, curieux lui aussi : on ne voit que le buste de la Reine Beatrix, sans aucun artifice, alors qu’Érasme est vêtu, coiffé, de toute évidence installé, équipé d’une plume et qu’il s’adonne à l’écriture comme sur la célèbre toile de Holbein qui le représente.

Troisième curiosité, Érasme est de profil alors que la Reine Beatrix est de face. C’est la première fois qu’un membre de la famille royale des Pays-Bas est représenté de face : qu’ils soient reine/roi ou princesse/prince, Beatrix, Willem-Alexander et les autres souverains ont toujours été représentés de profil sur les pièces en euros. Érasme reçoit donc le traitement graphique d’un membre de la famille royale, mais pas la Reine Beatrix.

La légende est la quatrième curiosité. Le texte « Beatrix Koningin der Nederlanden » mord la chevelure de la Reine Beatrix. On peut y voir une volonté de rappeler le dessin des pièces courantes, où des lignes verticales coupent la pièce en deux parties, couvrant ainsi sa chevelure, comme on le voit ci-dessous.

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Cependant, force est d’avouer que c’est beaucoup moins réussi sur la pièce consacrée à Érasme, et que ce qui est du plus bel effet sur les pièces courantes ressemble ici à une erreur ou à une maladresse. Cela est d’autant plus troublant que l’autre élément textuel de la pièce, le titre de l’ouvrage d’Érasme en latin, Laus Stultitiae, a une place tout à fait naturelle sur l’écritoire sur laquelle se penche l’humaniste.

Sur la pièce commémorative, Érasme a les yeux baissés sur son ouvrage. La Reine Beatrix, étant de face, ne peut évidemment pas avoir les yeux baissés. Son regard semble chercher celui d’Érasme, mais Érasme l’ignore. C’est la cinquième curiosité.

Finalement, au risque de paraître brutale, je dirais que ce qui donne leur force aux images de la Reine Beatrix sur les pièces en euros, ce sont deux éléments : la rondeur de son visage et la générosité de sa chevelure. Mais sur la pièce avec Érasme, ces deux éléments sont mis à mal. Le visage est allongé et la chevelure n’a pas l’amplitude qu’elle a en réalité, me semble-t-il . De plus, les traits sont marqués (fatigués ?), ce qui lui enlève cette apparence de sérénité et de bonhomie qu’on lui connaît d’ordinaire. Cela constitue la dernière curiosité. Et la confirmation que c’est bien Érasme qui a la préséance sur cette pièce.

Avant de terminer, une image du double portrait de 2014 ci-dessous, où elle est représentée en tant que Princesse, parce qu’on y retrouve aussi, à mon avis, cette mise à mal des canons de son visage.

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Serais-je la seule à trouver sur ces deux pièces commémoratives une ressemblance croissante de la Reine/Princesse Beatrix avec sa sœur la Princesse Margriet ? (Merci à Sedna pour cet article)