Hasard du calendrier, trois pièces en euros seront  pour la première fois consacrées à des Universités en 2017 : une par la Slovaquie (l’Université Istropolitana) et deux par la Belgique (les Universités de Gand et de Liège).

Le thème de l’Université combiné à la ligne éditoriale de N&R m’a immédiatement remis en mémoire la citation « Et nunc reges intelligite, erudimini qui judicatis terram ». Cet extrait des Psaumes a été rendu célèbre par Bossuet dans son oraison funèbre pour Henriette-Marie de France, et a été repris de manière tout à fait savoureuse dans « Astérix aux Jeux Olympiques ». Traduction française :  « Et maintenant, rois, comprenez ; soyez instruits, vous qui jugez la terre. ».

La tradition des Universités en Europe remonte aux débuts du second millénaire, et notre continent maintient encore en activité certaines de ses Universités historiques, comme Uppsala, Paris, Louvain, Salamanque, St Andrews, Coimbra, Bologne, Padoue, Tübingen, Heidelberg, etc., toutes fondées avant 1500.

Certains princes et princesses ont une formation universitaire.  Je pense, en vrac, à la Reine Letizia d’Espagne (sciences de l’information à l’Universidad Complutense de Madrid), au Prince Kardam de Bulgarie (économie agricole à l’Université d’Etat de Pennsylvanie), au Prince William d’Angleterre (histoire de l’art à l’Université St Andrews), au Prince Frederik de Danemark (sciences politiques à l’Université d’Århus), ainsi qu’à plusieurs membres des familles belge et luxembourgeoise qui ont réussi un brillant cursus, comme l’Archiduc Carl-Christian (époux de la Princesse Marie-Astrid de Luxembourg), l’Archiduc Lorenz (époux de la Princesse Astrid) ou la Grande-Duchesse Héritière Stéphanie de Luxembourg.

D’autres ont suivi un cursus dans des académies militaires prestigieuses, comme Saint-Cyr ou Sandhurst, et d’autres dans des établissements supérieurs, l’essentiel étant d’avoir acquis une formation.

La pièce slovaque qui ouvre cet article est consacrée au 550e anniversaire de l’Université Istropolitana. « Istropolitana » est un vocable savant construit sur le grec « Istro » (Danube) et « polis » (ville), la « ville du Danube » étant dans ce cas Bratislava. Si Bratislava est actuellement la capitale de la Slovaquie, elle était en territoire hongrois lors de la construction de l’Université. Sa fondation en 1467 répondait à un besoin de répandre l’idéal humaniste avec, outre l’enseignement du droit canon et des arts libéraux, l’enseignement de la médecine et de l’astronomie. Mais cette Université n’a duré que jusqu’en 1490, c’est-à-dire jusqu’à la mort de son fondateur, le Roi Matthias Ier de Hongrie (Matthias Corvin), représenté sur le médaillon à gauche de la pièce. Le bâtiment qui l’avait abritée, avec une sorte de loggia sur sa façade, sert de décor à une scène d’apprentissage en légère contreplongée entre un maître et deux élèves. Actuellement, il abrite l’Académie de Musique, ce qui n’est de loin pas la pire des affectations.

Quant à la Belgique, elle frappera cette année une pièce commémorative de 2 EUR consacrée aux 200 ans de l’Université de Gand, ci-dessous

ainsi qu’une pièce commémorative de 2 EUR consacrée aux 200 ans de l’Université de Liège, ci-dessous.

Ce sont les deux premiers exemples d’héraldique universitaire sur des pièces en euros. Les deux pièces suivent une même charte graphique : le blason de l’Université au centre, avec sur le cercle intérieur de la pièce l’indication de l’établissement dans sa langue, c’est-à-dire en néerlandais pour Gand et en français pour Liège, ainsi qu’en anglais dans les deux cas. Puis, sur les deux pièces également, la date de fondation, la date de célébration du 200e anniversaire et l’indication du pays sous sa forme abrégée « BE ».

Cette similitude de commémoration et de design était sans doute obligatoire dans un pays où on marche sur des œufs en matière linguistique.

Pour terminer, j’en reviens à la formation des princes et à Bossuet, qui s’y connaissait dans le domaine puisqu’il avait été le précepteur du Dauphin. Bien sûr, dans sa citation, il ne parlait pas de formation académique, mais du fait de comprendre les desseins supérieurs à la lumière des exemples de la vie.

Henriette-Marie de France, fille d’Henri IV et de Marie de Médicis, est morte en 1669. Elle était la mère d’Henriette d’Angleterre, dont Bossuet devait aussi écrire l’oraison funèbre un an plus tard : « Madame se meurt, Madame est morte ! ».

Lors du décès d’Henriette-Marie de France, je me représente l’église de Sainte-Marie de Chaillot comble, la noblesse, les gens de Cour et la mise en scène dramatique, draps noirs, etc. qui seyait à ce genre d’événement. Et dans ces temps de monarchie absolue, j’imagine qu’il fallait une formidable autorité à l’Aigle de Meaux pour dire à Monsieur dès la première minute, d’une voix que je devine claire et puissante, et avec la gestique appropriée : « Et nunc reges intelligite ».

Il n’y a plus en Europe de monarchie absolue, mais je me demande quand même combien de prédicateurs actuels oseraient se livrer à pareil exercice. (Merci à Sedna)