Il était Grand-Duc de Luxembourg et Roi des Pays-Bas. Il n’a pas eu d’héritier mâle et les deux pays ont réagi différemment à ce fait, entraînant deux destinées distinctes. Cela se voit très bien sur les pièces en euros. Le Luxembourg frappera en octobre de cette année une pièce de 2 EUR commémorative qui célébrera les 200 ans de la naissance du Grand-Duc Guillaume III. L’espace occupé par Guillaume III est plus important que l’espace (obligatoire) dévolu au Grand-Duc Henri, dans une proportion de 2/3 – 1/3  qui n’est pas inhabituelle sur les pièces grand-ducales.

Guillaume III (1817-1890) avait eu plusieurs enfants d’une première union avec la Princesse Sophie de Wurtemberg, mais ses fils étaient morts et sans descendance quand le moment était venu de penser à la succession. Et comme je l’ai dit, la situation n’a pas été vécue de la même manière aux Pays-Bas et au Luxembourg.

Aux Pays-Bas, Guillaume III a pris une mesure radicale : il a abrogé la loi salique en 1884. Il a donc imposé comme héritière du trône des Pays-Bas sa fille Wilhelmine, alors âgée de quatre ans. C’était la fille qu’il avait eue avec sa seconde épouse Emma de Waldeck-Pyrmont, de 41 ans sa cadette. Emma sera d’ailleurs la régente du royaume pendant la minorité de Wilhelmine.

Au Grand-Duché, c’était différent. En vertu du traité entre les branches de la Maison de Nassau, Wilhelmine n’était pas successible au trône de Luxembourg, et c’est le Duc Adolphe de Nassau qui en a hérité en 1890, à l’âge de 73 ans.

La numismatique de l’euro reflète parfaitement cette différence de traitement. Sur la pièce néerlandaise de 2013 qui représente toute la dynastie, Guillaume III a tout à fait sa place et figure entre Guillaume II son père et Wilhelmine sa fille. J’ai presque honte de remontrer cette pièce : c’est la troisième fois – je sais. Mais je revendique l’excuse de la polysémie :  cette fois, la pièce ne sert pas à montrer la dynastie des Pays-Bas mais seulement la place qu’y occupe Guillaume III.

Par contre, la pièce luxembourgeoise qui représente en 2015 la dynastie de Nassau commence avec le Grand-Duc Adolphe, le successeur de Guillaume III. Donc, pour représenter l’équivalence de la place de Guillaume III aux Pays-Bas et au Luxembourg, il faudrait deux pièces, et on pourrait dire que, du point de vue de Guillaume III :

Côté people, Guillaume III était un personnage assez peu sympathique : une vie extrêmement dissolue, qui lui valut d’ailleurs d’être traité de « paysan sans éducation » par la Reine Victoria. Les multiples scandales de sa vie privée avaient compliqué les négociations pour un second mariage après la mort de Sophie de Wurtemberg en 1878 : la Princesse Thyra de Danemark et la Grande-Duchesse Élisabeth de Saxe-Weimar s’étaient désistées.

De plus, il avait imposé des réformes très impopulaires. Si la présentation de la pièce n’a pas ému outre mesure la presse luxembourgeoise, le quotidien communiste a quand même tenu à rappeler que Guillaume III avait abrogé la constitution raisonnablement libérale qui prévalait au Luxembourg pour imposer une constitution prussienne particulièrement réactionnaire. Le même quotidien communiste s’est étonné du fait que le Grand-Duc Henri ait accepté d’être représenté aux côtés de cet ancêtre qu’il qualifiait de « putschiste » dans son article. Voilà pour Guillaume III.

Ironie du sort, quand Guillaume IV succède à son père le Grand-Duc Adolphe, il se retrouve dans la même situation que Guillaume III : pas d’héritier mâle avec son épouse Marie-Anne de Bragance, mais six filles. Et il a trouvé le moyen de contourner la loi salique pour imposer sur le trône du Luxembourg sa première fille Marie-Adelaïde.

Guillaume III et Guillaume IV s’y sont pris de manière différente, mais tous deux ont imposé leur fille sur le trône. Et donc sur les pièces en euros, tous deux figurent juste derrière leur fille. (Merci à Sedna pour cet article)