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La monarchie belge est souvent perçue comme le ciment entre les différentes communautés linguistiques du pays, comme en témoigne entre autres l’activité actuelle du Roi Philippe . Sur les pièces belges en euros, la diversité linguistique est telle que, à côté des trois langues officielles (néerlandais, français et allemand), on trouve aussi l’anglais et le latin.

C’est une exigence de la Commission européenne depuis 2005 : les États membres doivent faire figurer l’indication du pays sur la face nationale de leurs pièces en euros. Ils ont le choix entre l’expression du pays in extenso ou son abréviation. Nous parlons de la Belgique, c’est donc soit « België – Belgique – Belgien » ou « Belgique – België – Belgien », ce qui est assez long, soit « BE », qui a le mérite d’exiger un minimum d’encombrement. Le graveur fait son choix en fonction de la place dont il dispose sur le champ de la pièce, c’est assez simple.

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Par contre, l’autre information écrite sur une pièce, la légende, prendrait parfois trop de place si elle devait figurer dans les trois langues officielles. C’est pourquoi il arrive qu’elle soit écrite en anglais quand le sujet concerne un événement de portée internationale. Entre autres exemples, la pièce qui ouvre ce billet, commémorant les 60 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 2008, et la pièce ci-dessus, qui célèbre la présidence belge du Conseil de l’Union européenne en 2010. Dans les deux cas, il y a quatre langues sur une même pièce – et dans les deux cas, je préfère m’abstenir de commentaires sur le graphisme.

Mais le problème du multilinguisme se pose de manière beaucoup plus complexe quand le design de la pièce a été prédéfini et imposé par la Commission européenne, comme dans le cas de la pièce commémorative commune émise en 2007 à l’occasion des 50 ans du Traité de Rome. Les 13 États membres ont reçu la maquette, qui représente le document fondateur de l’Union européenne avec en arrière-plan la place du Campidoglio à Rome. Ils ont également reçu comme consigne d’écrire le nom du pays et les trois mentions « Traité de Rome », « 50 ans » et « Europe » dans leur langue officielle. Ci-dessous, à titre d’exemples, les pièces française, espagnole, allemande et irlandaise.

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Dans le cas de la Belgique, c’était faisable pour le nom du pays au bas de la pièce, même in extenso. Mais c’était impossible pour la traduction dans les trois langues de « Traité de Rome » et de « 50 ans » pour une raison évidente : le manque de place. Que faire ? Recourir à l’anglais ? Non. Dans la mesure où le seul État membre anglophone de la zone euro en 2007, l’Irlande, a fait figurer ces trois mentions en gaélique, il aurait été impensable et ridicule que la Belgique soit le seul pays à les écrire en anglais.

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Elle a trouvé la solution en écrivant le message en latin : « Traité de Rome » a été traduit « Pactum Romanum ». Par cohérence, la mention « 50 ans » qui se trouve en chiffres arabes sur toutes les autres pièces se lit « Quinquagenarium » sur les pièces belges. Et pour être parfaitement en règle avec les sensibilités linguistiques du pays, le mot « Europe » a même vu sa dernière lettre coupée en deux : un « A » au-dessus et en « E » en-dessous. Tout cela en fait une pièce très particulière.

En numismatique aussi, le multilinguisme est un casse-tête et une richesse. (Merci à Sedna pour cet article)