Chypre vient enfin (enfin !) d’annoncer sa première pièce commémorative de 2 EUR, après neuf années de circulation de la monnaie unique. La pièce représente l’amphithéâtre de la ville de Paphos, qui est Capitale européenne de la Culture en 2017. La pièce représente la vue aérienne d’un petit amphithéâtre construit au IIe siècle de notre ère dans la ville de Paphos, important centre commercial et culturel sur la côte ouest de l’île. Ce site sera la scène d’un grand nombre d’événements théâtraux, musicaux et culturels dans la Capitale européenne de la Culture 2017.

C’est un privilège que Paphos partage cette année avec Aarhus au Danemark. Le concept de Ville de la Culture avait été lancé par Melina Mercouri en 1983. Athènes avait été la première ville à recevoir ce titre et depuis, plus de 50 villes ont été honorées. On y trouve des villes de l’Union européenne, bien sûr, comme Bruxelles, Florence, Luxembourg, Essen, Stockholm, Gênes, Turku, Dublin, Vilnius ou Liverpool, mais également des villes de pays candidats à l’adhésion, comme Istanbul, Bergen ou Reykjavik.

Seules deux de ces villes ont été mises à l’honneur par leur pays sur des pièces commémoratives de 2 EUR : Guimarães en 2012, avec la pièce ci-dessous, qui représente le premier roi de Portugal, Afonso Henriques et le château de la ville en arrière-plan,

et Riga, en 2014, avec cette pièce représentant son centre historique.

Il est intéressant de constater que ces trois villes, Guimarães, Riga et Paphos, sont des villes ultrapériphériques de l’Union européenne. Aucune ville plus centrale n’a cru bon de valoriser ce fait sur une pièce commémorative.

Mais penchons-nous sur le cas de Chypre. Le pays a curieusement attendu cette occasion pour frapper une pièce commémorative. Cette longue attente interpelle, parce que la culture et l’histoire du pays sont extrêmement riches, et c’est peu de le dire, au carrefour entre l’Occident, l’Orient et l’Afrique du nord. En fait, le petit nombre de pièces chypriotes est inversement proportionnel à la richesse du pays.

On ne peut pas dire que la pièce dédiée à Paphos soit fulgurante d’originalité mais elle est sobre, équilibrée et je la trouve esthétique. Et, à part cette pièce et les pièces commémoratives obligatoires, les pièces de Chypre ne font figurer que trois visuels, chaque fois sur un champ où figure le nom du pays en grec (Κύπρος) et en turc (Kıbrıs).

Celui des pièces de 1 EUR et de 2 EUR représente l’idole de Pomos, datant de la période chalcolithique, j’en ai déjà parlé dans un précédent article.

Celui des pièces de 10 c à 50 c représente un bateau datant du IVe siècle avant J.-C., dont l’épave a été retrouvée remarquablement bien conservée au large de la ville de Kyrenia, sur la côte nord de l’île. Ce bateau avait probablement navigué du temps d’Alexandre le Grand. C’est un hommage à la tradition maritime du pays, qui a largement contribué à sa postérité.

Quant au visuel des petites pièces de 1 c à 5 c, il nous présente deux mouflons, espèce caractéristique de la faune du pays.

Les mouflons sont certes des animaux très sympathiques et personnellement j’aime beaucoup les pièces qui font honneur à la nature. Mais ma lecture de l’histoire de Chypre m’aurait fait choisir d’autres visuels et, surtout, m’aurait fait frapper beaucoup plus tôt des pièces commémoratives. J’aurais surfé sur la vague mythologique (à part la pièce sur Paphos, Chypre a carrément fait l’impasse sur le thème d’Aphrodite), historique (l’Empire byzantin, les Rois de Chypre de la Maison de Lusignan, la période vénitienne), architecturale, même touristique.

La lecture de l’histoire de Chypre par les Chypriotes sur les pièces en euros est autre. J’ai du mal à la comprendre et surtout à comprendre sa modestie. Comme beaucoup de collectionneurs, je respecte ce choix mais je reste sur ma faim en ce qui concerne les pièces en euros de ce beau pays. (Merci à Sedna pour cet article)