C’est bien sûr François Ier, en la représentant à de très nombreuses reprises, qui va participer au retentissement dont jouit encore actuellement la salamandre. Ceci dit, elle était déjà populaire avant, ailleurs et autrement. Mais elle n’a jamais eu sa chance dans la numismatique de l’euro. Je reviendrai plus tard à François Ier.

Le visuel d’ouverture de cet article représente ce qui aurait pu être la pièce commémorative slovène de 2 EUR de 2018 : le Proteus Anguinus, dit aussi « protée anguillard », « salamandre blanche » ou « salamandre des grottes ». C’est une sorte de salamandre albinos et  totalement aveugle qui vit en milieu cavernicole et parvient à vivre 70 ans en moyenne dans un environnement d’où la lumière est absente. La pièce slovène aurait commémoré le 250e anniversaire de sa description scientifique par le naturaliste autrichien Josephus Nicolaus Laurenti – nous avons déjà vu que la numismatique de l’euro rendait la frontière austro-slovène particulièrement poreuse.

L’habitat de ce type de salamandre avait déjà fait l’objet d’une pièce commémorative slovène de 2 EUR : le pays avait représenté en 2013 le 800e anniversaire de la première visite à la grotte de Postojna.

La grotte de Postojna est vieille de plusieurs millions d’années. C’est un réseau de quelque 20 kilomètres de galeries, de passages et de salles, de stalactites et de stalagmites, qui a commencé à être visité au XIIIe siècle. C’est actuellement le premier site touristique slovène.

Le site web qui lui est dédié affirme avec une belle assurance que « Toute personne qui veut être quelqu’un se doit de la visiter ». Et de lister les personnes prestigieuses qui y sont passées, comme le Roi Maximilien II de Bavière (en 1835), l’Empereur François-Joseph (en 1857), l’Empereur Pedro II du Brésil (en 1871), Victor-Emmanuel III, Mussolini (mais fallait-il le préciser ?), le Roi Paul Ier de Grèce, la Reine Margrethe de Danemark, le Prince Albert II de Monaco, le Prince Akishino du Japon, etc.

Le graphisme de la pièce a déplu à nombre de collectionneurs, mais personnellement j’aime assez son côté dépouillé. Plus intéressant, la pièce représentant la salamandre aurait été cohérente avec la pièce de 2013 qui existait déjà, et cela aurait été pour moi une raison suffisante d’en conserver le concept.

Mais quelques mois après l’annonce de cette pièce « salamandre », la Slovénie a décidé de revenir sur sa proposition pour annoncer une autre pièce commémorative de 2 EUR pour 2018, qui célébrerait le centenaire de la fin du premier conflit mondial.

C’est clair, 2018 aurait été une année de choix pour ce type de commémoration, mais finalement très peu de pays y auront recours, pensant sans doute qu’il vaut mieux célébrer d’autres thèmes que de rappeler un conflit vieux d’un siècle dans une Union européenne qui a toujours besoin de se construire.

La Slovénie, comme d’autres pays européens, a donc aussi  abandonné ce second projet et c’est finalement le troisième projet qui a vu le jour : celui qui met à l’honneur les abeilles, et dont j’ai parlé il y a peu.

 

Maintenant, revenons à François Ier. Il ne lui était pas inconnu que la salamandre avait la réputation, depuis la Rome antique, de nourrir une affinité particulière avec le feu, et donc de posséder un caractère magique. Parfois maléfique (en tombant dans un puits, elle pourrait en contaminer toute l’eau), parfois connue pour sa peau incorruptible, parfois trop terrifiante pour être nommée par son nom, parfois supposée ne respirer qu’une fois par jour, la salamandre a fasciné des générations. Très présente dans les bestiaires du Moyen Âge, elle sera représentée à foison sous François Ier, presque toujours assise au milieu des flammes.

J’avais présenté en 2015 la pièce française qui aurait dû célébrer le 500e anniversaire de la bataille de Marignan, s’il n’y avait eu un véto de certains États membres.

 

On y voyait la salamandre dans le bas de la pièce, sous l’inscription inversée « 1515 » qui représentait un heaume.

Cette pièce n’ayant pas vu le jour, à sa place, la Monnaie de Paris a mis en vente la médaille ci-dessous.

C’est donc une médaille, même si elle est rectangulaire, c’est-à-dire un produit numismatique sans valeur faciale. La salamandre y occupe presque autant de place que François Ier et c’est elle qui semble couronnée. Même si je ne collectionne pas les médailles, c’est à mon sens un très bel objet – même si j’aurais préféré que le « 1 » de l’ordinal soit écrit « I », chiffre romain, comme le prescrit le code typographique.

Et je rappelle en conclusion que la salamandre ne figure encore sur aucune pièce en euros. (Merci à Sedna pour ce 98ème article de numismatique)