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Les doubles portraits constituent plus de 10 % de la totalité des pièces commémoratives en euros. Dans l’actualité récente, il y a eu en Espagne les Rois Juan Carlos et Felipe, au Luxembourg les Grands-Ducs Jean et Henri et aux Pays-Bas deux fois la Reine/Princesse Beatrix et le Prince/Roi Willem-Alexander. Mais cet article s’arrêtera sur trois duos un peu plus insolites : ils représentent le suffrage universel, les carabiniers et une mise à mort.

Le premier de ces duos figure sur la pièce commémorative finlandaise de 2006 émise à l’occasion du 100e anniversaire du suffrage universel. En 1906, la Finlande appartenait à la Russie et avait donc comme souverain le tsar Nicolas II. Ce n’est pas lui qui a instauré le suffrage universel : de multiples actions de séparatisme avaient abouti à la création d’un parlement finlandais et c’est ce parlement qui a décidé de donner le droit de vote aux femmes.

Sur la pièce, deux visages sont représentés tête-bêche, une femme et un homme, séparés par une ligne qui est ondulée sous le visage de la femme et simplement courbe sous le visage de l’homme. La différence de traits entre les deux est à la limite du perceptible. C’est une manière très épurée d’affirmer la légitimité d’un système de vote qui ne fait pas de différence entre hommes et femmes.

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La seconde pièce est italienne et rend hommage aux carabiniers. Cette armée, puisque c’en est une, s’appelait à l’origine « Carabiniers du Roi » et avait été fondée en 1814 par Victor-Emmanuel Ier , Roi de Sardaigne. La pièce commémorative célèbre donc son 200e anniversaire, en revisitant une sculpture de 1973.

Deux carabiniers fortement inclinés vers l’avant affrontent une météo de toute évidence inamicale – dureté du travail, sens du devoir. De plus, le même pas, le même drapé des uniformes, la même position du visage dans l’écharpe et une certaine similitude de traits peuvent évoquer la proximité et l’esprit de corps qui règnent entre ces deux carabiniers, et cela rend ce duo particulièrement émouvant.

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La troisième pièce a été frappée par Saint-Marin en 2011 à l’occasion du 500e anniversaire de la naissance du peintre toscan Giorgio Vasari. Elle représente sa toile « Judith et Holopherne », et plus précisément la seconde qui précède la mise à mort du roi assyrien par la jeune veuve israélite.

Sur la toile de Giorgio Vasari figurait en plus une servante qui tenait le sac dans lequel la tête d’Holopherne serait emmenée. On voit également cette servante sur les toiles du Caravage, du Titien et de Michel-Ange qui représentent la même scène. Le personnage n’a pas été repris sur la pièce de Saint-Marin, de toute évidence par manque de place, et on n’y voit donc que le duo Judith et Holopherne.

Bien sûr, c’est une œuvre d’art qui figure sur la pièce. Ceci dit, j’imagine que les pièces de monnaie qui représentent des scènes de meurtre sont assez rares à travers le monde, œuvres d’art ou non. Il fallait un pays farouchement indépendant comme Saint-Marin pour oser ce thème sur une pièce en euros, l’adoucir de manière à en faire oublier la violence et finalement l’imposer comme une réussite. (Merci à Sedna pour cet article)