Pendant le règne de Nicolas II, la vie de la cour est aussi réduite que possible, les souverains souhaitant avant tout protéger leur bonheur conjugal et familial des mondanités. Toutefois un prestigieux bal a lieu au palais d’Hiver le 11 février 1903 pour commémorer avec faste le bicentenaire de la création de Saint Pétersbourg par Pierre-le-Grand. Tous les invités sont priés de porter ce soir-là des costumes traditionnels de l’ancienne Russie. L’évènement est préparé avec fébrilité pendant plusieurs mois par les quelques 2000 dignitaires de l’Empire qui y sont invités et toutes les modistes de la capitale qui vont venir de France et d’Italie tissus d’or et d’argent, velours, brocarts et soieries qui seront rehaussés des joyaux des commanditaires.

Le jour du bal, l’empereur Nicolas II apparait costumé en Alexis, 2e tsar de Russie, dans un costume pourpre rehaussé de fils d’or et d’argent tandis que l’impératrice Alexandra, en tsarine Maria, épouse d’Alexis, coiffée d’une mitre byzantine, porte une somptueuse robe de brocart d’or rehaussée de fils d’argent et sur laquelle ont été cousus diamants, perles et pierres précieuses provenant du trésor impérial conservé dans le Cabinet des Diamants du palais d’Hiver. Coiffée d’une mitre byzantine, la souveraine porte autour du cou un « collier d’esclave » que lui a réalisé pour l’occasion le joailler Fabergé et à l’extrémité duquel est suspendu un spectaculaire cabochon d’émeraude pesant 250 carats qui éblouit toute l’assemblée.

 

La robe portée par l’impératrice est aujourd’hui encore conservée précieusement sans les joyaux dont elle était rehaussée dans les collections de l’Ermitage.

Cet évènement exceptionnel est immortalisé par des portraits individuels de tous les invités réalisés par les plus grands photographes de la capitale mais également par une exceptionnelle photo qui rassemble toute la famille impériale ainsi que les 300 dignitaires de la Maison impériale et qui est prise dans le théâtre de l’Ermitage.

Après la naissance du tsarévitch Alexis le 12 août 1904 et le dimanche rouge du 22 janvier 1905, Nicolas II décide d’abandonner le palais d’Hiver au profit du palais Alexandre de Tsarkoié-Sélo qui offrait à la famille impériale la tranquillité et la discrétion requises pour cacher l’hémophilie de l’héritier du trône.

L’année 1906 est marqué par l’Ouverture solennelle de la Douma dans la salle du trône du palais d’Hiver, première concession de l’autocratie à la monarchie constitutionnelle.

Toute la cour y assiste en costume d’apparat. L’impératrice porte pour l’occasion une somptueuse robe de cour de soie ivoire rehaussée de broderies d’or ainsi et arbore un imposant diadème de perles et des diamants de style Empire en forme de kokochnik qu’elle a commandé au joaillier de la Cour, Bolin.

Le 2 août 1914, c’est devant une foule de plus de 100 ooo russes animés par un immense élan patriotique, agenouillés et entonnant l’hymne impérial, que, du balcon du palais d’Hiver, Nicolas II proclame l’entrée en guerre de la Russie.

Après l’abdication du tsar en mars 1917, le palais d’hiver devient le siège du gouvernement provisoire de Kérenski jusqu’à la prise du pouvoir par les bolchéviques en octobre 1917. Un épisode qui sera immortalisé de manière lyrique dans le célèbre film « Octobre » d’Eisenstein.

Aménagé dans un premier temps en musée de la révolution d’octobre, après que, sur ordre de Lénine, tous les emblèmes impériaux aient été supprimés et les appartements de Nicolas II détruits dans leur quasi-totalité, en 1920 l’ensemble du palais d’Hiver est ensuite affecté à la présentation des immenses collections du musée de l’Ermitage. Toutefois, entre 1926 et 1928, afin de financer la coûteuse « Nouvelle Economie Politique » voulue par Lénine, ce sont plusieurs milliers de tableaux, meubles, objets d’art et joyaux des collections du musée de l’Ermitage qui seront vendues et partiront rejoindre les plus grand musées et collections à l’étranger.

Sévèrement endommagé par des tirs d’artillerie de la DCA allemande pendant le siège de Léningrad qui va durer 900 jours, entre 1941 et 1944, le palais d’Hiver, devenu désormais musée de l’Ermitage, sera ensuite soigneusement restauré dans les années 50. A cette occasion, les façades sont alors repeintes en « bleu émeraude », les colonnes en blanc et les chapiteaux et autres ornements en ocre faisant ainsi ressortir les détails de l’architecture de Rastrelli.

Depuis 1996, l’ancienne capitale impériale a retrouvé son nom de Saint Pétersbourg et le musée de l’Ermitage retrouvé tous ses emblèmes impériaux.

 

C’est ainsi le cas des grilles d’honneur du palais qui ont retrouvé en 2003 pour le tricentenaire de la ville l’aigle impérial et le monogramme d’Alexandre III ou encore en 2016, l’immense aigle tricéphale qui vient coiffer le lanternon du télégraphe situé sur les toits.

A l’intérieur, le décor de nombreux salons de l’ancien palais d’Hiver a été conservé et est encore parfaitement visible dans les salles du musée de l’Ermitage.

Les grandes salles d’apparat ont, elles, été scrupuleusement conservées et restaurées telles qu’elles étaient jusqu’en 1917. C’est le cas de la salle Nicolas, de celles des Armoiries ou de celle du Trône qui a accueilli l’an dernier une importante exposition évoquant les fastes de l’ancienne cour impériale.

Mais de prestigieuses restaurations ont également été effectuées aux cours des dernières années : ainsi en 2014, c’est le décor baroque créé par Rastrelli de la grande chapelle du palais qui a été entièrement restauré et son iconostase, détruit en 1939, restitué à l’identique d’après d’anciennes photos et qui devraient prochainement retrouver toutes ses peintures.

En 2015, c’est la salle du trône de Pierre-le-Grand qui, après deux ans de travaux, a retrouvé sa splendeur d’origine : retissage du décor mural de velours de soie écarlate rebrodé au fil d’or d’aigles bicéphales, re-dorure du trône et des boiseries, ré-argenture des luminaires et restauration de la marqueterie du parquet.

Ainsi aujourd’hui, le musée de l’Ermitage, un des plus riches musées du monde, fort des trois millions de tableaux, meubles et objets d’art que renferment ses collections, soucieux, après 80 ans d’omerta communiste, de renouer avec son histoire impériale, restitue fidèlement tous les symboles de ce splendide édifice qu’est l’ancien palais d’Hiver de Saint Pétersbourg qui fut pendant plus d’un siècle et demi, la prestigieuse résidence des tsars et empereurs de Russie. (Un grand merci à Neoclassique pour le dernier volet de ce sujet consacré au Palais d’hiver)