En lisière du village de Tsarkoïe Selo (village du Tsar), à l’extrémité d’une longue allée, cachée au cœur d’une forêt, le visiteur découvre, enserrée au fond d’une immense cour d’honneur en hémicycle, la grandiose façade baroque mêlant les tonalités bleu turquoise, blanc et ocre jaune du palais Catherine.

C’est à l’impératrice Catherine 1ere (1684-1727), épouse de Pierre-le-Grand, que l’on doit, à partir de 1711, la création du premier palais d’été de Tsarkoïe Selo qui fut l’œuvre de l’architecte allemand Johann-Friedrich Braunstein.

Mais c’est Elisabeth 1ere(1709-1761), devenue impératrice de Russie en 1741, qui va décider de remplacer l’ancienne résidence de sa mère par l’imposant palais que nous voyons aujourd’hui.  L’intention de la souveraine est alors d’éclipser la splendeur du palais de Versailles et de la cour de France, alors la plus prestigieuse d’Europe. Elle demande donc à partir de 1752 au grand architecte Bartolomeo Rastrelli, déjà en charge de nombreux chantiers à St Pétersbourg, de lui édifier le plus vaste palais d’Europe dans cet opulent style rococo qui triomphe alors en Russie.

Il faudra plus de 4 ans d’efforts au maitre d’œuvre italien pour achever l’édifice.Longue de près de 300m, la monumentale façade turquoise du palais, scandée par 3 avant-corps,se déploie sur trois étages. Elle est animée par des ornements décoratifs qui viennent richement habiller le pourtour des fenêtres des deux étages supérieurs tandis qu’au rez-de-chausséede puissants atlantes viennent supporter les colonnes blanches coiffées de chapiteaux composites qui soulignent l’étage noble. Enfin, la façade est terminée par deux pavillons : l’un est surmonté des croix de la chapelle, l’autre de l’aigle impérial évoquant ainsi les deux symboles sur lesquels est bâti l’empire russe : l’orthodoxie et l’autocratie.

La vaste cour d’honneur qui précède le palais est fermée par d’imposantes grilles de fer forgé ornées de motifs rocaille dorés à la feuille et surmontées des aigles bicéphales et des monogrammes de l’impératrice Catherine 1ere (photo 5)

L’intérieur ruisselle des dorures rutilantes d’une débauche de chérubins, volutes, cartouches et rinceaux rocailles notamment dans l’éblouissante salle du Trône. D’une surface de 846m², se déployant à l’italienne sur deux étages, elle ouvre à la fois sur le parc et la cour d’honneur par 24 fenêtres séparées par des miroirs portant d’imposants bras de lumière baroques tandis que le plafond présente une immense toile qui évoque le triomphe de la Russie et auquel répond un parquet de marqueterie mêlant rosaces et cubes de bois précieux.

La Salle des Tableaux est typique des palais russes de la première moitié du XVIIIe. C’est Rastrelli qui décide de couvrir la totalité des murs de la pièce d’un ensemble de 130 tableaux des écoles flamande, italienne et française des XVII et XVIIIe siècles provenant des collections impériales.

Mais la pièce la plus exceptionnelle du palais d’Elisabeth est incontestablement le fameux Cabinet d’Ambre. Son décor est fait de panneaux composés d’une exceptionnelle marqueterie de milliers de morceaux d’ambre de couleurs différentes allant de l’ocre au rouge qui recouvrent l’ensemble des murs de la pièce. Lors du voyage qu’il avait fait en Prusse en 1707 à l’invitation du roi Frédéric-Guillaume 1er,le tsar Pierre-le-Grand s’était extasié devant ce cabinet d’ambre qu’il avait remarqué au château de Charlottenburg et l’aurait alors qualifié de « 8e merveille du monde ». Quelques années plus tard, en 1715, le roi de Prusse décide de le lui offrir afin de s’assurer de son alliance dans la guerre contre la Suède. Pierre-le-Grand fait aussitôt monter ce précieux cabinet au palais d’Hiver.  C’est à la demande de l’impératrice Elisabeth qu’en 1754,Rastrelli remonte ce décor dans le nouveau palais qu’il construit à la demande de la souveraine à Tsarkoïe Selo en l’enrichissant de panneaux de mosaïque florentine et l’agrandissant de pilastres ornés de miroirs. Au centre de la pièce, est installée une imposante statue équestre du roi de Prusse sur un piédestal entouré de ses soldats.

Peu de temps après son accession au trône en 1762, l’impératrice Catherine II (1729-1796) décide de faire du palais Catherine sa résidence d’été favorite. Mais la souveraine s’avère peu sensible aux fastes solennels et froids des décors baroque russe de l’impératrice Elisabeth. Elle décide alors de transformer l’aile droite du palais en se faisant aménager des appartements privés aux dimensions plus intimes dans le style du retour à l’antique qui triomphe alors. Elle en confie la réalisation à l’architecte écossais Charles Cameron qui va réaliser un ensemble de décors dans le style pompéien.

En témoigne ce Salon des Arabesques dont le décor alterne pilastres classiques, panneaux à rinceaux et médaillons à l’antique complété par un parquet à l’éblouissante géométrie de bois précieux. Le tout agrémenté par une suite de 28 chaises en bois doré et sculpté spécialement commandée au menuisier parisien Georges Jacob à l’origine pour Grégori Orlov, favori de l’impératrice.

Ou encore cette Salle à Manger verte habillée d’un gracieux décorde stucs en fort relief sur fond vert pistache figurant des vestales, des médaillons, des vases, des consoles et des feuillages dans le goût de l’antique.

Mais Catherine II est également à l’origine de la galerie Cameron qu’elle conçoit comme une somptueuse allégorie gréco-romaine. Accolée au grand palais baroque du côté des jardins, la galerie se présente sous la forme d’une longue construction supportée par44 colonnes de marbre et de jaspe qui abrite une collection de 54 bustes en bronze des héros de l’antiquité.

C’est également Catherine II qui fait aménager l’immense parc paysager de 300 hectares qui entoure le palais sous la conduite de l’architecte italien Antonio Rinaldi assisté du paysagiste anglais John Bush. Elle y fait placer de nombreuses statues et construire de multiples ponts, obélisques et pavillons d’esprit chinois, turc, palladien ou gothique qui viennent compléter les pavillons baroques de Rastrelli.

Au XIXe siècle, le palais Catherine est par deux fois la proie des flammes : en 1820 d’abord, puis, plus gravement en 1863 par un sinistre qui va détruire de nombreux décors intérieurs.

La restauration des façades s’effectuera à l’identique d’abord sous la conduite de l’architecte Vassili Stasov,puis sous celle de l’architecte d’origine suisse Hippolyte Monighetti. Ce qui va occasionner la transformation des appartements privés de l’empereur Alexandre II (1818-1881)dans le goût de l’époque.

En témoigne son cabinet de travail tendu de damas vert, orné d’un confortable mobilier d’acajou et des portraits de l’impératrice Maria Alexandrovna et de leurs enfants. (Merci à Néoclassique pour cette première partie de ce sujet consacré au Palais Catherine)