Alexandre III(1845-1894) n’habitera pas le palais Catherine lui préférant celui de Gatchina comme résidence d’été. Pendant le règne de l’empereur Nicolas II(1868-1918), ce dernier ayant fixé sa résidence au palais Alexandre tout proche, le palais Catherine n’est que brièvement occupé. Protégés par des stores les appartements de la famille impériale se situent à l’extrême droite de la façade.

Mais le palais Catherine est souvent le cadre de grandes parades militaires qui ont lieu dans l’immense cour d’honneur. Des parades qu’affectionne particulièrement Nicolas II et auxquelles il assiste à cheval, avant de rejoindre le tsarévitch et les grandes duchesses qui regardent le spectacle sur le perron du palais.

Après la chute de l’empire en mars 1917, comme toutes les autres résidences impériales, le palais Catherine est ouvert au public pour montrer le style de vie « décadent » de l’empereur et de la famille impériale. De nombreux meubles provenant du palais Alexandre voisin dont les intérieurs ont été détruits sur ordre de Lénine y sont alors rapatriés.

Pendant la seconde guerre mondiale, à l’approche de l’armée allemande en juin 1941, les conservateurs prennent la décision d’évacuer vers la Sibérie dans d’immenses caisses les meubles, tableaux et objets les plus précieux du palais. Mais en août 1941, la progression fulgurante des nazis empêche l’aboutissement du travail. Seules 400 caisses peuvent être envoyées à St Pétersbourg devenue Léningrad pour y être cachées dans les sous-sols de la cathédrale St Isaac.

Occupé par les allemands à partir de septembre 1941, le palais Catherine va alors faire l’objet d’un pillage systématique et organisé sous le contrôle du célèbre nazi Alfred Rosenberg chargé de confisquer toutes les œuvres d’art que les soviétiques n’avaient pas eu le temps d’évacuer.

Quelques jours à peine après leur arrivée, les nazis mettent en place une véritable noria de camions qui va emporter tout ce que contenait encore le palais : mobilier, miroirs, peintures, tapisseries, porcelaines, lustres….

Tous les 100m² de panneaux de marqueterie du Cabinet d’Ambre sont alors  soigneusement démontés, emballés et mis dans 24 énormes caisses en l’espace de 2 jours, les nazis estimant que ce chef-d’œuvre unique au monde réalisé par des artisans allemands devait aussitôt regagner la mère patrie. Et le fabuleux trésor est aussitôt expédié par train en Allemagne pour être stocké dans les caves du château de Königsberg.

Faute de pouvoir être transportées en raison de leurs dimensions, les immenses toiles du XVIIIe qui couvrent les murs aussi bien que les panneaux de soie de Lyon ou de Chine du XVIIIe sont découpés à l’aide de lames de rasoirs et roulés, les précieux parquets de marqueterie sont sauvagement arrachés tout comme les icônes et les boiseries de la chapelle de Rastrelli.Et, par trains entiers, ce prestigieux butin prend le chemin de l’Allemagne.

Le peu qui reste des décors baroques et néoclassiques sera ensuite vandalisé ou détruit par la soldatesque nazie.

Lors de la retraite de l’armée allemande en janvier 1944, les occupants incendient méthodiquement la totalité du palais, occasionnant l’effondrement de la toiture et des planchers.


C’est une immense carcasse vide aux murs calcinés et aux plafonds effondrés, aux décors détruits ou vandalisés que les soviétiques découvrent avec lamentation le 27 janvier 1944 après le départ des armées allemandes. Le fastueux palais Catherine semble alors définitivement perdu mais c’est sans compter sur l’énergie farouche du peuple russe et des conservateurs du domaine à sauvegarder cet exceptionnel patrimoine historique.

C’est en 1956 que débutent les travaux de restauration du palais avec l’ambition de le reconstruire à l’identique. Après une longue et soigneuse réfection de la couverture, des façades et le rétablissement des étages, commence la restauration des appartements. Pendant plus de 20 ans, menuisiers, sculpteurs, ébénistes, marbriers, doreurs et stucateurs vont procéder à une restauration patiente et méticuleuse des appartements impériaux afin de permettre la réouverture du palais au public .

Parallèlement, les autorités soviétiques se mettent activement à la recherche de tous les trésors artistiques (mobilier, tableaux, objets d’art….) pillés par les nazis afin de reconstituer l’atmosphère des salons du temps d’Elisabeth 1ere ou de Catherine II. En témoigne ainsi la restauration exemplaire du Salon des Arabesques qui retrouvera son décor mural, une partie de son mobilier de Jacob et la somptueuse marqueterie géométrique de son parquet.

Mais la reconstitution la plus extraordinaire est celle du Cabinet d’Ambre. En effet, toutes les patientes recherches qui vont durer plus de 30 ans pour retrouver les inestimables panneaux de marqueterie d’ambre vont s’avérer vaines car il est probable qu’ils ont brûlés lors des bombardements du château de Königsberg, l’ambre étant un matériau putrescible. Dès lors, les conservateurs vont prendre en 1979 la décision de reconstituer à l’identique le Cabinet d’Ambre d’après les très nombreuses photographies existantes.

Ce travail titanesque sera entrepris à partir de1976 et il va mobiliser une équipe de 20 artisans russes spécialistes de la marqueterie de pierre qui vont utiliser 6 tonnes d’ambre de couleurs différentes allant de l’ocre au rouge.

L’opération sera financée par l’état fédéral allemand et un consortium de généreux mécènes allemands. Ce travail de reconstitution monumental va durer 27 ans, de  1976 à 2003, pour un coût total estimé à 100 millions de dollars.

Cette patiente et méticuleuse reconstitution restituera toute la subtile délicatesse voulue par les artisans allemands du XVIIe. Ainsi des bordures des moulures à décor de dauphins soutenus par Neptune ou des blasons couronnés du roi Frédéric-Guillaume 1erqui retrouveront leurs places dans les bas lambris de ce prestigieux décor.

Le Cabinet d’Ambre intégralement restauré sera solennellement inauguré le 31 mai 2003 à l’occasion du tricentenaire de la fondation de St Pétersbourg par le président Poutine et le chancelier Schröder.

Autre restauration d’envergure actuellement en cours, celle du Salon des Lyons(par allusion aux soieries de Lyon dont les murs étaient autrefois tendus). Voulue par Catherine II en 1781, cette pièce était une des plus remarquables du palais non seulement par la qualité de son parquet dont la marqueterie incorporait de la nacre mais surtout par le les bas lambris et le contour de ses portes qui étaient faits d’une marqueterie de lapis-lazuli du Baïkal sertie dans des frises de bronze doré. Cet exceptionnel ensemble, qui avait nécessité lors de sa création 3,5 tonnes de lapis-lazuli, a intégralement disparu pendant la seconde guerre mondiale.

Il fait actuellement l’objet d’une reconstitution complète qui devrait s’étaler sur 10 ans.Mais la première de ses portes vient en mars dernier de retrouver son décor de rosaces et entrelacs de bronze doré sur fond de lapis-lazuli.

Enfin, un autre chantier considérable est en cours. Il s’agit de l’église du palais qui comme toutes les autres, avait vu son iconostase pillé par les nazis, puis détruit par les bolchéviques.  Elle est le fruit d’une importante opération de mécénat conduite par le fournisseur de gaz russe Gazprom. Ses cinq bulbes viennent récemment de retrouver leur rutilante dorure à la feuille.

Quant au somptueux iconostase baroque qui développait autrefois ses icônes sur 6 niveaux sur un fond de peinture bleu lapis-lazuli rehaussé de sculptures de bois doré comme on le voit sur cette aquarelle du XIXe, il fait actuellement l’objet d’une rigoureuse et patiente reconstitution qui devrait être achevée d’ici la fin 2018.

Tout récemment, l’immense salle du Trône du palais Catherine a fait l’objet d’une exposition des fastueux costumes du film très controversé « Mathilde »qui évoque la relation que le futur empereur Nicolas II, alors tsarévitch et célibataire, a entretenu en 1890, avec la prima ballerina du théâtre Marinski Mathilde Kschessinska

Ainsi, tel le phenix, ressuscité de ses cendres à force de passion et de détermination, le palais Catherine témoigne aujourd’hui avec éloquence du faste et du prestige des empereurs aussi bien que du savoir- faire et du génie des artistes et artisans qui firent la grandeur de la Russie. (Merci à Néoclassique pour cette deuxième et dernière partie. Suite le mois prochain avec un autre palais)