En 1881, après la tragique disparition de son père, l’empereur Alexandre II assassiné par les révolutionnaires, le grand-duc héritier Alexandre Alexandrovitch devient empereur et prend le nom d’Alexandre III. Il choisit alors de délaisser l’imposant palais d’Hiver et de faire du palais de Gatchina sa résidence favorite, l’édifice lui proposant à la fois plus d’intimité pour lui qui n’apprécie pas la vie de cour mais offrant surtout toute la sécurité qu’il convient d’assurer au souverain dans un pays alors gangréné par les révolutionnaires.

Le nouvel empereur, à la taille de colosse, a épousé en 1866 la princesse Dagmar de Danemark qui, après sa conversion à l’orthodoxie, a pris le nom de Maria Fedorovna (photo 20).

C’est à Gatchina qu’Alexandre III va passer le plus clair de son temps, vivant d’une manière paisible et patriarcale dans les appartements que ses parents avaient choisi et dont la distribution sera alors répartie entre les différents membres de la famille impériale (photo 21).

Le décor des salons sera conservé comme en témoigne cette photo du salon de l’impératrice qui a conservé tout son décor (photo 22).

Celui des appartements privés est en revanche simplifié dans un goût confortable et bourgeois fait de meubles d’acajou et de fauteuils crapauds capitonnés tandis que les arabesques dorées des plafonds ont disparu (photo 23).

Le palais est si vaste que les enfants de l’empereur préfèrent parcourir à vélo les interminables couloirs et galeries du palais comme en témoigne cette photo de la grande-duchesse Olga photographiée en haut de l’escalier d’honneur, sa bicyclette posée contre la rampe (photo 24).

Quant au grand hall d’entrée, il reflète les exploits cynégétiques de l’empereur par les nombreux bois de cervidés suspendus sur les piliers tandis qu’une balançoire en forme de nacelle témoigne des jeux des enfants (photo 25).

Mais c’est d’un modeste bureau situé sous les combles du palais qu’Alexandre III va gouverner le vaste empire de Russie (photo 26).

Cependant l’empereur sait aussi prendre le temps de se promener longuement avec son épouse ses six enfants (photo 27).

Il s’adonne parfois même parfois au plaisir du canotage sur l’immense lac appelé lac blanc car doit sa couleur au fait que le fond a été recouvert d’une argile bleutée qui donne au lac des reflets argent (photo 28).

Sur cet immense lac, l’empereur fait également installer deux voiliers qui servent à la fois à l’instruction militaire et aux distractions des grands ducs (photo 29).

En 1894, après la mort d’Alexandre III, Gatchina est totalement délaissé par son fils l’empereur Nicolas II qui lui préfère la dimension plus intime et plus proche de St Pétersbourg du palais Alexandre de Tsarkoie Sélo. Mais Gatchina demeure toutefois une des résidences préférées de l’impératrice douairière Maria Fedorovna à laquelle son fils offre pour les fêtes de Pâques de 1901 un œuf de Fabergé dans lequel a été incluse une réplique du palais en vermeil (photo 30).

Après l’abdication de Nicolas II en mars 1917, le palais, inhabité depuis 1894 et resté tel que depuis lors, devient musée sur décision du gouvernement provisoire de Kérensky.

Mais, pendant la 2e guerre mondiale, comme les autres palais impériaux, Gatchina n’échappera pas à la barbarie des nazis. Dès août 1941, le palais, qui a pu au préalable être vidé de la plupart de son mobilier, est atteint par les premières bombes aériennes. Un mois plus tard, il est occupé par la Wehrmacht.

Occupé par les nazis pendant 3 ans, Gatchina est vandalisé par la soldatesque allemande. Au moment de la débâcle, janvier 1944, l’occupant met le feu au palais. C’est un palais de Gatchina ravagé que découvrent les soviétiques (photo 31).

L’édifice n’est plus qu’une carcasse vide. Toits et planchers se sont effondrés et les murs ouvrent sur le ciel (photo 32).

Après la guerre, Gatchina ne fait pas partie des priorités de restauration des soviétiques. Il faudra attendre le début des années 60 pour que le palais connaisse la restauration de ses façades et de ses toitures (photo 33).

Dans sa politique active de restauration des anciens palais impériaux qui constituent un capital touristique unique au monde, la fédération de Russie, née après la chute du pouvoir soviétique, alloue en priorité ses subventions à Tsarkoié-Sélo, Pavlovsk et Peterhof. Moins prestigieux qu’eux, Gatchina va en pâtir.

Ce n’est que dans les années 1970 et 1980 que commencent les travaux de restauration des intérieurs. Les premières salles sont ouvertes au public le 9 mai 1985, pour le quarantième anniversaire de la victoire sur les nazis. Une longue et patiente restauration permettra alors progressivement de restituer les stucs, les faux marbres et la marqueterie de parquets. Mais c’est une restauration qui restera souvent marquée par les vols et les stigmates de la guerre. Ainsi du salon de l’impératrice qui a perdu neuf de ses douze fauteuils de Jacob et l’une de ses tapisseries des Gobelins (photo 34).

Et une restauration qui se fait hélas toujours attendre pour les deux remarquables galeries en hémicycle qui joignent le corps de logis central avec les deux pavillons carrés (photo 35).

En revanche, la chambre de l’impératrice a pu retrouver son prestigieux lit dont le baldaquin est couronné de l’aigle impériale en bois doré et son « meuble » textile bleu céleste à décor de médaillons, guirlandes et volutes d’argent retissé à Lyon à l’identique (photo 36).

De même la salle blanche dont le décor de pilastres, volutes et rosaces de stucs ainsi que l’éblouissante marqueterie de son parquet qui réunit douze essences de bois différentes ont pu être restitués (photo 37).

Mais à ce jour, seules 25% des pièces de cet immense palais sont restaurées. Cependant, par le caractère singulier de son architecture, par la beauté de son vaste parc paysager, par la qualité tantôt remarquable, tantôt intime de ses décors intérieurs, le palais de Gatchina est sûrement une des plus mal connues mais une des plus intéressantes des anciennes résidences des empereurs de Russie (photo 38). (Merci à Néoclassique pour cet article)