Chaque année, le 20 avril, le dimanche qui suit la grande Pâque orthodoxe, à la demande de Nicolas II est organisé dans le parc de Livadia la Kermesse de la Fleur Blanche destinée à récolter des fonds afin de porter secours aux tuberculeux, une maladie qui fait alors des ravages dans toute l’Europe.

Ce jour-là, tous les enfants de l’empereur portant fièrement de grandes fleurs blanches de papier crépon (photo 30) vont faire la quête dans la ville de Yalta puis s’en vont tenir des stands dans le parc pendant toute la journée (photo 31).

Le 20 avril 1914 sera celui de la dernière fête à Livadia. En effet, le déclenchement de la guerre, quelques mois plus tard, met un point final aux séjours annuels de la famille impériale. Elle n’y reviendra plus.

Après son abdication en mars 1917, retenu en captivité avec sa famille au palais Alexandre de Tsarkoie Selo, l’empereur demande alors au nouveau gouvernement provisoire de pouvoir résider à Livadia mais se heurte au refus de Kérenski.

En janvier 1918, le domaine est nationalisé par l’arrivée des bolchéviques au pouvoir. Deux ans plus tard, par haine du dernier empereur, ces derniers détruisent, dispersent ou pillent tout le mobilier du palais avant d’en faire un sanatorium pour les commissaires politiques du nouveau pouvoir. A cette occasion, le petit palais « maly » où mourut Alexandre III est entièrement démoli.

C’est au lendemain de la guerre, en février 1945 que le palais de Livadia revient sous les feux de l’actualité. C’est, en effet, à Yalta, épargné par les ravages de la 2e guerre, qu’il est décidé d’organiser la conférence qui va décider du sort de l’Europe de l’après-guerre en réunissant les vainqueurs du 3e Reich.

Et c’est à Livadia qu’ont lieu les séances plénières réunissant les trois grands vainqueurs de l’Allemagne nazie : Joseph Staline, Franklin Roosevelt et Winston Churchill que l’on voit ici photographiés dans le célèbre patio (photo 32).

C’est dans le palais même que seront logés le président Roosevelt et toute la délégation américaine. Ce dernier est d’ailleurs tellement séduit par la beauté du site et du palais qu’à la fin du sommet, il propose à Staline de le racheter !

Après le démantèlement de l’Union Soviétique survenu en 1991, le palais de Livadia a aujourd’hui pleinement renoué avec son histoire en étant transformé en musée.

L’édifice a retrouvé la blancheur immaculée de ses façades (photo 33) et son patio, qui vit tant de réunions de la famille impériale, ses parterres fleuris (photo 34).

Consacré à la conférence de Yalta, le rez-de-chaussée est conservé tel qu’il était avec le grand hall blanc qui abrite toujours la table ronde des plénipotentiaires (photo 35).

Mais le premier étage est dédié, lui, la vie du dernier empereur de Russie dans les anciens appartements privés qu’il occupa de 1911 à 1914. Une évocation qui commence par des mannequins (peu ressemblants il est vrai) de toute la famille impériale (photo 36).

Au cours des dernières années, les ukrainiens, puis les russes se sont en effet efforcés d’évoquer l’atmosphère intime de la vie des derniers souverains russes en récupérant les quelques meubles et tableaux qui ont pu être retrouvés.

Ainsi, l’ancienne chambre impériale a retrouvé son tissu tendu rayé et quelques sièges et gravures pieuses qui y figuraient (photo 37),

le bureau de Nicolas II a retrouvé sa place dans son cabinet de travail(photo 38)

et la salle d’études des grandes duchesses, sa bibliothèque de goût Art Nouveau dans laquelle les princesses rangeaient leur livres de classe (photo 39).

En aout 2013, pour commémorer le 400e anniversaire de l’arrivée des Romanoff sur le trône de Russie, c’est au palais de Livadia que le chef de la maison impériale (contesté par de nombreux monarchistes russes) qu’est la grande duchesse Maria Wladimirovna choisit d’organiser un dîner de gala. Y participèrent nombre de descendants d’anciennes maisons royales (Portugal, Savoie, Egypte, Albanie…) Toutes ensuite prirent la pose pour la photographie dans l’emblématique patio du palais (photo 40).

En 2013, dans le cadre de l’importante vague de piété populaire qui, dans tout le pays, vise à sanctifier tous les lieux où vécut la famille impériale, à l’orée du parc a été construit un oratoire dédié aux Saints Martyrs. A l’intérieur y figure l’icône de la famille impériale dont tous les membres ont été solennellement canonisée par l’église orthodoxe le 14 août 2000 et considérés depuis lors « comme saints martyrs ayant vécu la passion du Christ »(photo 41).

Enfin après l’annexion de la Crimée qu’il a décrétée de manière unilatérale en 2014, le président Poutine, soucieux à la fois d’affirmer sa souveraineté sur cette ancienne province de l’empire russe et de ré-inscrire (de manière calculée ou sincère ?) l’histoire de la dynastie des Romanoff dans le roman national de la Russie, est venu en avril 2017 inaugurer une monumentale statue d’Alexandre III (photo 42). Celle-ci se situe à l’emplacement même du palais « maly » détruit par les soviétiques et où l’empereur Alexandre III appelé aujourd’hui en Russie « le tsar pacificateur » mourut en 1894.

Ainsi le prestigieux palais de Livadia situé au cœur de cette idyllique Riviera russe qu’est la Crimée, permet-il toujours aujourd’hui d’évoquer l’éphémère bonheur familial qu’y connut pendant trois ans seulement le dernier empereur de Russie avant la tragédie qui devait emporter toute sa famille et le régime impérial (photo 43). (Un grand merci à Néoclassique pour ce reportage)