Quelques jours après l’assassinat de roi Carlos I de Portugal et de son fils Luis Felipe, le 1er février 1908 à Lisbonne, son second fils Manoël est proclamé roi par les Cortes. Lors de la même séance, Afonso duc d’Oporto (Porto), oncle du nouveau roi, est désigné prince héritier.
Afonso est né le 31 juillet 1865 à Lisbonne second fils du roi Luis I de Portugal et de Maria Pia de Savoie.
Jusqu’au régicide, la vie d’Afonso s’écoule entre le palais d’Abuja à Lisbonne et celui de Vila Viçosa dans l’Alentejo. Nommé à sa naissance « Connétable » (chef de l’armée portugaise), ce titre bien que purement honorifique lui permet de porter l’uniforme car « en civil il avait l’air d’un gros bourgeois ».
Pour occuper Alfonso, on l’envoie au loin pour représenter la couronne portugaise. D’un voyage aux Indes portugaises (Goa) il revint vice-roi, il en sera le dernier.
Il assistait aux événements familiaux des dynasties Saxe Cobourg Gotha (qui régnait aussi au Portugal) tant au Royaume Uni qu’en Allemagne, ou chez ses parents Saxe et Hohenzollern Sigmaringen.
Peu doté financièrement il « grattait sur ses frais de voyage et sur l’objet à acheter » pour s’offrir le seul voyage qui comptait pour lui, celui de Paris de ses fêtes et de ses plaisirs.
On songea, à défaut qu’il y songe lui-même, à marier Afonso. L’hypothèse d’une union avec Maria, fille du tsar Alexandre II et veuve d’Alfred duc de Saxe Cobourg Gotha fut évoquée. Le projet n’aboutit pas et Afonso n’eut pas l’heur de s’en plaindre.
Avec l’invention de l’automobile il se découvre une nouvelle passion : la vitesse. Abandonnant son « phaéton attelé de cinq mules », il devint féru d’automobile à tel point qu’il gagna le surnom de Arreda que l’on traduira (en restant poli ) par « faites place » qu’il criait en dévalant les rues de Lisbonne dans sa voiture ou au volant d’une voiture de pompier.
Lorsque survinrent les événements insurrectionnels de 1910, il commandait la forteresse de Cascais Devant le risque de bombardement de la citadelle et afin que le sang ne coule pas, il préféra quitter le Portugal et embarqua avec toute la famille royale.
Tandis que Manoël partait à Twickenham, que la reine mère Amélie rentrait en France, Afonso s’installe en Italie avec « sa mère qu’il adorait ».
Maria Pia brisée à la fois par les assassinats de ses fils et petit-fils et par la révolution s’éteignit un an plus tard. Après sa mort, Afonso s’enfonce dans la dépression.
Son cousin germain le roi d’Italie Victor Emmanuel III lui envoie son médecin personnel « le prince souffre de syphilis à un état très avancé. Il n’y a rien à d’autre à faire que de lui permettre de vivre confortablement car sa fin n’est pas loin ».
En 1917, Afonso rencontre une américaine Nevada Stoody Hayes qu’il épouse civilement à Rome puis religieusement (mais aussi à nouveau civilement ) à Madrid la même année. Trois ans plus tard Afonso meurt à Naples.
En 1921, celle qui se faisait désormais appeler la duchesse de Bragance se rend aux États-Unis afin de faire fabriquer un cercueil en argent sur socle en bronze d’une demi tonne pour transporter le corps de son défunt mari de Naples au monastère de São Vicente de Fora à Lisbonne où il repose désormais près de son frère assassiné . (Merci à Jean-Pierre – (Sources : Mémoires de la princesse Gikha dite Liane de Pougy pour laquelle Alfonso était « son ami sincère et dévoué », et de la biographie de Nancy Hayes par Ana Anjos Mantua)
21 juillet 2025 @ 04:00
Il reste à comprendre comment une Américaine a bien pu épouser quelqu’un, tout prince qu’il fut, de vingt ans son cadet et surtout atteint de « syphilis à un état très avancé » !
A moins que ce ne fût calculé par elle pour devenir rapidement une veuve célèbre avec un titre ronflant…
21 juillet 2025 @ 12:21
Il me semble plus probable qu’il s’agisse d’un accord consensuel entre deux adultes. De plus, il n’était pas rare, au début des années 1900, que de riches Américaines épousent des aristocrates européens.
https://www.liseantunessimoes.com/des-heritieres-americaines-en-europe-les-dollar-princesses/
22 juillet 2025 @ 06:31
Quelqu’un de vingt ans son AINÉ, évidemment…
21 juillet 2025 @ 05:37
Interessant!
Merci!
21 juillet 2025 @ 07:06
Finalement les riches épouses américaines, ça sert à tout le monde. Ici, cela a permis au défunt un cercueil en argent et son transport dans un monastère huppé à l’étranger. Tout le monde n’a pas cette chance.
Et si ce prince est mort de la syphillis, en se mariant il l’avait déjà, et la dame devait vraiment désirer se faire appeler duchesse pour longtemps pour passer sur ce détail . Je doute que ce fût le charme du gros Manoel qui amena la dame devant l’autel. Le snobisme des riches héritières m’étonnera toujours.
21 juillet 2025 @ 08:27
Quel roman! Il y eut au XIX e siecle dans les familles royales européennes bon nombre de marginaux ainsi…un cin d’œil pour les » marginaux » contemporains, type Harry d’ Angleterre.
21 juillet 2025 @ 10:11
L’américaine savait que la fin du prince était proche , le titre, l’argent. , les Américaines qui flirtaient dans cette société , cherchaient le pigeon , bonne pioche pour elle, pour wallis, et plus tard pour Meghan, etc etc
21 juillet 2025 @ 16:54
Harry n’est pas un marginal c’est un sot seulement.
21 juillet 2025 @ 10:57
Alfonso n’était pas aussi gros que son frère Carlos !
21 juillet 2025 @ 15:21
C’est tout à fait ça, accéder à un titre de duchesse ou princesse.
Nous en avons encore des exemples de nos jours , dont un particulièrement brûlant .
21 juillet 2025 @ 16:53
Si elles servent à offrir une sépulture digne de son rang à un prince malade, rien à redire.
Il me semble que l’une d’elles a transmis sa fortune à son veuf et il a pu se remarier avec une princesse comme il se doit.
Des dames comme il en faut.
21 juillet 2025 @ 17:10
C’était le prince Afonso et non Manoel
21 juillet 2025 @ 18:01
Je crois que passé un certain stade, un syphilitique n’est plus contagieux.
21 juillet 2025 @ 07:07
Non, je me suis trompé, ce n’est pas Manoel, mais Afonso. Désolé.
21 juillet 2025 @ 10:46
Qui est devenu prince héritier après la mort d’Afonso.
Ps très beau reportage….
21 juillet 2025 @ 12:00
L’infant Alphonse, duc do Porto, fut le quatrième mari de Nevada Stoody !
21 juillet 2025 @ 13:17
Ce genre de comportement illustre la dégénérescence du concept monarchique au XIXe siècle en Europe.
Il en reste aujourd’hui quelques erzats.
21 juillet 2025 @ 15:16
Le décès d’Afonso en 1920 laissait le roi Manoel II sans héritier. Ceci entraîna de nouvelles négociations entre le roi en exil et l’infante Aldegonde, fille du roi Miguel, qui venait d’être désignée par son frère régente de son neveu Duarte Nuno.
21 juillet 2025 @ 17:02
Merci à Jean-Pierre pour ce récit, qui m’a fait découvrir un prince que je ne connaissais pas.
Comment se fait il qu’il était peu doté financièrement ? Il était quand même, fils, frère et oncle de roi et même prince héritier.
Si je comprends bien il n’a pas eu de descendance avec son épouse.
22 juillet 2025 @ 06:39
Il fait penser à ces princes héritiers tels Le prince de Galles, futur Édouard VII, ou Rodolphe d’Autriche et plus encore aux cadets de ces familles régnantes aux mariages et à la carrière militaire imposés . Syphilitiques d’avoir trop fréquentés les filles de joies avant une vie maritale sans joie, sauf exception. Mais l’article nous trace aussi le portrait d’un homme de bonne composition face à ce destin tout tracé.