La princesse Alexandra de Grèce et de Danemark voit le jour le 30 août 1870 sur l’île de Corfou. La princesse est le troisième enfant du roi George I et de la reine Olga de Grèce, née grande-duchesse de Russie. Elle a deux frères aînés : Constantin (qui deviendra roi Constantin I) et George (qui épousera la princesse Marie Bonaparte). La famille s’agrandit avec les naissances de Nicolas en 1872 (père de la princesse Marina de Kent), Maria en 1876, Olga (1880-1880), André (père du duc d’Edimbourg) en 1882 et Christophe en 1888 (père du prince Michel de Grèce). La princesse est prénommée Alexandra en hommage au passé glorieux de la Grèce (Alexandre le Grand) et en vue de contribuer à asseoir la popularité de la nouvelle dynastie.

La princesse grandit entre l’île de Corfou et le domaine royal de Tatoi où la famille royale reçoit de nombreux membres du Gotha. Alexandra était, dit-on, la fille préférée de son père qu’elle accompagnait souvent à la place de sa mère la reine Olga lors des visites du monarque aux quatre coins du pays et principalement lors de ses déplacements vers les iles à bord du bateau royal « Amfitriti ». Les vacances sont aussi l’occasion de revoir la famille au Danemark ou en Russie et d’accueillir les nombreux cousins. Sur la photo ci-dessus, le prince Constantin tenant la main de sa soeur la princesse Marie, au milieu le prince George, assis le prince Nicholas et à droite la princesse Alexandra. Ci-dessous, le tsar Alexandre III (avec la canne) , derrière la reine Olga , la tsarine Marie (née princesse Dagmar de Danemark), de l’autre côté de la reine Olga de Grèce, sa fille la princesse Alexandra . A gauche, le roi George de Grèce.

La vie de la famille royale grecque étant très détendue et peu protocolaire en famille. Alexandra de Grèce vit à une période d’insouciance pour la famille royale grecque. Elle ne connaîtra pas les affres des exils à répétitions et des soubresauts de la monarchie grecque. Grande et mince, à la chevelure blonde et aux yeux bleus, la princesse Alexandra était surnommée « la belle princesse ». Des poètes célèbres à l’époque et même anti-royalistes composèrent des poèmes en son honneur, notamment au moment de ses fiançailles.

La princesse Alexandra est très proche de sa soeur la princesse Marie. Les voici photographiées en 1880. Et ci-dessous, la princesse Alexandra à l’âge de 13 ans. Dotée d’une éducation raffinée, Alexandra parlait couramment grec, français, allemand et anglais. Elle aimait peindre et jouer de la musique. La princesse était aussi une amazone accomplie, partant pour de longues chevauchées dans le domaine de Tatoi, alertant souvent le personnel de la Cour en raison de ses longues absences.

 

Il se dit que dans un premier temps, le cœur de la jeune Alexandra s’est enflammé pour un officier de la marine Pandias Kondostavlos. La princesse Alexandra devient proche du grand-duc Paul de Russie, 8ème enfant de l’empereur Alexandre II et de l’impératrice Marie de Russie, née princesse de Hesse et du Rhin. Le grand-duc de 10 ans son aîné (au centre de la photo ci-dessous avec la famille royale qui l’entoure), passe en effet de longues périodes en Grèce sur recommandation de ses médecins qui y voient un effet bénéfique en raison du climat.

La princesse est décrite comme une jeune femme très affable et cultivée. Le grand-duc a quant à lui une excellente réputation parmi ses hommes à l’armée. Il se montre très accessible et prend à coeur ses missions. Le 20 Mai 1889, la princesse Alexandra de Grèce quitte Athènes en train pour se rendre en Russie. La foule suit son cortège dans les rues de la capitale. Dans une lettre à sa meilleure amie Rina Xatzipetrou, Alexandra revient sur cette effervescence et cette chaleur humaine au moment de quitter son pays. « Aussi longtemps que je serai vivante, je n’oublierai jamais le jour de mon départ…. Trois jours. J’étais tellement faible que je ne pouvais plus manger, ni dormir , ni marcher. Je ne pouvais pas croire que les gens m’aimaient à ce point que lorsque j’ai vu leurs larmes. Cela me rendait malade de chagrin mais aussi de bonheur de les voir. Tout mon coeur, toutes mes pensées, tout mon amour, resteront pour l’éternité dans mon cher pays. Si jamais une autre personne devait prendre ma place dans leurs coeurs , celle-ci aurait la première place dans mon coeur aussi« .

Le 17 juin 1889, la princesse Alexandra de Grèce épouse à Saint Petersbourg le grand-duc Paul de Russie et devient la grande-duchesse Alexandra Georgievna de Russie. La mariée a demandé qu’on lui envoie des fleurs cueillies au domaine de Tatoi. Elle les porte dans ses cheveux, les préférant aux diamants de la famille Romanov. Alexandra se sentait isolée et seule à la Cour de Russie. Son époux était souvent absent, retenu par ses obligations militaires. La haute aristocratie russe la surnommait « la pauvre malheureuse princesse grecque ». Le 18 avril 1890, la grande-duchesse Alexandra donne naissance à son premier enfant la grande-duchesse Marie qui voit le jour à Saint Petersbourg.

Sur les photos suivantes, Alexandra avec son bébe et sa mère la reine Olga de Grèce. Puis une photo réunissant 4 générations : la grande-duchesse Alexandra et sa fille Marie, sa mère la reine Olga de Grèce et sa grand-mère maternelle la princesse Alexandra de Saxe-Altenburg.

Alors qu’elle est enceinte de son deuxième enfant, la grande-duchesse Alexandra se promène avec des amis le long de Moskva. En montant à bord d’une barque, elle fait une chute à laquelle elle ne donne pas d’importance mais le soir lors d’une fête, elle commence à ressentir de vives douleurs qui provoquent un accouchement prématuré à sept mois de grossesse. Ramenée au domaine de Ilyinskoe, elle donne naissance au grand-duc Dimitri le 18 septembre 1891 et sombre dans le coma. Ses parents le roi George et la reine Olga sont à ce moment-là en voyage en Allemagne et s’empressent d’accourir au chevet de leur fille. La grande-duchesse s’éteint le 24 septembre sans avoir repris connaissance. Elle venait de fêter ses 21 ans.

Son décès inopiné est très durement ressenti par sa famille et en particulier par son époux le grand-duc Paul qui retrouve veuf avec deux bébés. Alexandra est inhumée en la cathédrale Pierre et Paul de Saint-Petersbourg. On raconte que le grand-duc Paul ravagé de chagrin, tenta de se jeter dans la tombe où reposait le cercueil de son épouse. Le tsar Alexandre III en larmes déclare lors des funérailles « Pourquoi cet ange a dû partir loin de ceux qui l’aiment et nous plus âgés sommes restés ? »

Dans ses mémoires sa fille la grande duchesse Maria Pavlovna, écrit « Sa mort consterna tous les siens et elle fut pleurée par la Russie entière ». En Grèce, le chagrin est immense. Personne ne peut croire à la fin tragique de la princesse Alexandra. Sa mère la reine Olga tenait toujours auprès d’elle la photo de sa fille bien-aimée.

 Ses enfants Marie et Dimitri sont pris en charge par le grand-duc Serge (l’un des frères du grand-duc Paul) et son épouse la princesse Elisabeth de Hesse et du Rhin (soeur de la tsarine Alexandra Feodorovna, ici à ses côtés) qui était très intime avec la défunte.

Marie épousera plus tard le prince Guillaume de Suède avec qui elle aura un fils Lennart auprès duquel elle a fini ses jours sur l’île de Mainau. Le grand-duc Dimitri est décédé en 1942 à Davos.

De son côté, le grand-duc Paul retrouvera quelques années plus tard le bonheur auprès de Olga Karnovitch, titrée princesse Paley avec qui il aura trois enfants. Au cours de la révolution russe, il fut exécuté en 1919.

En 1939 suite à la demande de la famille royale grecque, la dépouille de la grande-duchesse Alexandra est rapatriée de Saint Petersbourg vers Athènes pour être inhumée au cimetière de Tatoi auprès des autres membres de la famille royale grecque. Une stèle a ensuite été installée en sa mémoire dans la cathédrale Saint Paul et Pierre de Saint Petersbourg. L’un des grands hôpitaux de la capitale grecque et qui accueille une maternité a été baptisé en sa mémoire et était dans les années 50 à la point des recherches en ce qui concerne le décès en couches.

La Grèce n’est plus une monarchie et la princesse Alexandra, grande-duchesse de Russie s’est éteinte il y a 120 ans. Peu de Grecs connaissent encore sa destinée tragique. Peu de gens qui traversent tous les jours l’artère « avenue Alexandra » d’Athènes ne s’imaginent pas qu’il s’agit en fait d’un hommage à la princesse, puisqu’il n’est fait mention que d’ « Alexandra » et pas de son titre. Mais pour ceux qui connaissent l’histoire de la famille royale grecque , Alexandra même sans son titre, règne sur sa ville natale, silencieuse et immortelle. « Mon amour sera éternel », écrivait-elle à son amie d’enfance. Ceux qui connaissent son destin et qui empruntent l’avenue pour rendre visite à un nouveau-né, lui murmurent en signe de remerciement « notre amour sera éternel ». (Un très grand merci à Tepi pour ses recherches, ses traductions et son aide précieuse pour la rédaction de ce portrait- Copyright photos : Tepi & DR)