S’il existe à Toronto une demeure dont l’allure n’a vraiment rien de remarquable à offrir au regard de quiconque, qu’il soit amateur d’architecture ou simple promeneur, c’est bien le 716 de la Gerrard Street East. Petite bâtisse des plus ordinaires en briques noirâtres de la fin du XIXè siècle, on lui adjoignit après guerre un salon de coiffure au rez-de-chaussée, une de ces boutiques sans âme ni style à stricte vocation fonctionnelle, comme il en s’en voit des milliers de par le monde dans les métropoles trop rapidement urbanisées.

Pourtant, entre les murs de cet édifice si commun, un fait majeur pour qui aime la Russie et son Histoire eut lieu le mardi 24 novembre 1960 car ce jour-là, en cet endroit si impersonnel dont le délabrement s’est inexorablement poursuivi depuis lors, une Grande-Duchesse, sœur du dernier Tsar de toutes les Russies, dont la naissance fut saluée soixante-dix-huit ans plus tôt par cent et une salves d’artillerie tirées depuis la forteresse Saint-Pierre et Paul de Saint-Pétersbourg, rendit paisiblement son âme à Dieu.

Née porfirorodny , (c’est-à-dire « dans la pourpre », lors du règne de son père) le 13 juin 1882 à Peterhof, la Grande-Duchesse Olga Alexandrovna, dernière fille du Tsar Alexandre III et de Maria Feodorovna, cousinait avec la plupart des familles royales européennes. Son prénom rend hommage à l’une de ses marraines : la Reine Olga de Wurtemberg, sa grand-tante.

Dernière d’une fratrie de six enfants (dont cinq survécurent), elle grandit dans l’environnement si particulier de Gatchina que le Tsar avait voulu à la fois humble et grandiose : « Quels amusements nous avons eus là ! La galerie chinoise (de Gatchina) était idéale pour des parties de cache-cache. Nous nous dissimulions derrière un énorme vase … Il y en avait tellement et de tailles parfois deux fois supérieures à la nôtre. Je suppose que leur valeur était immense, mais je ne me rappelle pas que l’un de nous en ait un jour endommagé. »

 

Les tuteurs des enfants impériaux lui dispensent une éducation soignée et complète : cours de géographie, mathématiques, russe, français, danois, anglais, mais aussi des leçons d’équitation, de danse et de violon.

Ses professeurs lui permettent de tracer, au gré de ses envies, quelques croquis dans les marges de ses cahiers d’écolière car, déjà vraiment douée pour le dessin, elle prétend que ces esquisses l’aident à mémoriser ses leçons . Les arabesques et motifs floraux joliment exécutés par sa main enfantine laissent en effet augurer des plus heureuses dispositions artistiques.

En été, la famille impériale a pour coutume de prolonger les traditionnelles vacances au Danemark par quelques semaines passées tantôt dans le pavillon de chasse du Tsar à Spala en Pologne, tantôt dans le chalet de pêche de Langinkosky, le long des côtes finlandaises. En hiver, les séjours à Livadia en Crimée permettent à Olga d’épanouir son indéniable talent d’artiste qui s’exprimera par le pinceau dans de charmantes toiles pleines de couleurs et de vie.

Les talents de peintre et d’aquarelliste qu’elle manifeste dès l’enfance s’éveilleront au contact de Konstantin Makovsky et Sergei Vinogradov. Son style s’inspirera du mouvement « Peredvizhniki » (ou Itinérants) né dans les années 1870 en réaction aux restrictions académistes. Les paysages d’Olga voisinent avec ceux d’Ivan Shishkin et son imaginaire pictural rappelle celui d’Ilya Repin.

Le Tsar qui partageait avec elle ce profond amour des espaces sauvages, de la vie simple et des choses vraies meurt en 1894. La tristesse d’Olga, alors âgée de douze ans, est immense : « Mon père était tout pour moi. Submergé par le travail comme il était, il a toujours partagé avec moi une demi-heure quotidienne … un jour il m’a montré un album très ancien rempli de dessins à l’encre de Chine représentant une cité imaginaire appelée « Mopsopolis », habitée par les « Mopses ». Il m’a montré cela en cachette et j’ai été si flattée de partager avec lui les secrets de sa propre enfance… Mon père avait une force d’Hercule, mais il s’abstenait de le montrer en présence de tiers. Il nous disait qu’il pouvait aisément plier des fers à cheval et des couverts, mais il ne le faisait jamais car ma mère aurait été furieuse. Un jour tout de même il a plié puis redressé un tisonnier tout en gardant un œil inquiet sur la porte de son bureau au cas où quelqu’un entrerait ! »

 

A ses côtés, demeurent le Grand-Duc Mikhaïl (son cher Floppy surnom qu’elle lui avait conféré au vu de sa comique propension à s’affaler sur les chaises) et la fidèle Elizabeth Franklin, gouvernante anglaise que Maria Feodorovna s’évertuera à éloigner de sa benjamine, ayant pris ombrage de la grande complicité qui lie Olga à Nana. A son sujet, Olga écrit : « Nana était ma protectrice et conseillère durant toute mon enfance et une fidèle compagne au cours des années suivantes. Je n’ai aucune idée de ce que j’aurais fait sans elle. Elle était capable, courageuse et délicate …son influence s’est même étendue à mes frères et à ma sœur. »

 

La Tsarine ne voyait en sa fille cadette, pourtant dotée d’un extraordinaire regard, qu’un vilain petit canard égaré au milieu de cygnes altiers. La qualité de leurs relations souvent conflictuelles et froides était de surcroît minorée par l’absence de centres d’intérêts communs car, contrairement à sa mère, Olga ne manifestait aucun goût pour les toilettes, les bijoux et encore moins les mondanités. A cette époque, un de ses proches l’avait décrite comme un « gentil, honnête et triste cheval. »

Prévue au cours de l’été 1899, son entrée dans le monde est différée de quelques mois suite au décès de son frère Georges. Sa première apparition officielle, l’année suivante, lui laisse le plus déplaisant souvenir : « Je me sentais comme un animal en cage, exhibé au public pour la première fois. »

 

Le 9 août 1901, Olga épouse à Gatchina le Duc Pierre (Piotr Alexandrovitch) d’Oldenbourg (1868-1924), issu d’une branche cadette de sa maison, de quatorze ans son aîné. Ce prince que l’on dit communément joueur et hypocondriaque est probablement doté de beaucoup plus de qualités que d’aucuns l’ont laissé entendre. Fils unique élevé sans compagnons de son âge à Saint-Pétersbourg au sein d’une famille versée dans les oeuvres philanthropiques et les sciences, il a toujours été sérieux, calme et réfléchi. Il a pour habitude d’écrire des vers et des saynètes célébrant la vie paysanne russe. Son éducation très complète sous la supervision de Ganike, son tuteur et gouverneur, n’a rien à envier à celle dispensée à un Grand-Duc. Elève du violoniste virtuose Skomarovsky qui apprécie son intelligence et ses manières empreintes de tact, il est également féru de littérature. Il rendra visite à Léon Tolstoï et fait la meilleure impression sur l’écrivain pourtant peu prodigue de compliments. Les relations avec l’écrivain seront consolidées par la libération de Maxime Gorki emprisonné pour des raisons politiques que Pierre avait réussi à faire libérer. Quant au Prince Roman Petrovitch qui l’avait bien connu, il voyait en lui de grandes qualités de cœur et d’âme et le décrivait volontiers comme un ami aux vues libérales empli de compassion pour ses pairs.

Le Duc d’Oldenbourg est à la fois un arrière-petit-fils du Tsar Nicolas 1er (sa mère, la Princesse Eugénie de Leuchtenberg, grande amie de Maria Feodorovna, étant fille de la Grande-Duchesse Maria Nikolaïevna) et un arrière-arrière-petit-fils du Tsar Paul 1er (son père le Duc Alexandre d’Oldenbourg étant un petit-fils de la Grande-Duchesse Catharina Pavlovna). Luthérien, il devra embrasser la foi orthodoxe afin d’épouser la sœur du Tsar et renoncer ainsi à ses droits éventuels sur le Grand-Duché d’Oldenbourg.

On ne connaît au juste les raisons de la si hâtive conclusion de ce mariage. D’aucuns soutiennent qu’elle fut le fruit de l’œuvre concertée des mères des époux, d’autres qu’Olga conçut un réel coup de foudre pour son mari, d’autres encore que, souhaitant échapper à l’emprise de la tsarine douairière, la Grande-Duchesse avait accepté une union qui ne la satisfaisait pas, mais lui autorisait une certaine indépendance, l’empêchant ainsi de devenir une sorte de Lady in waiting de sa mère, comme l’était sa cousine Victoria de Grande-Bretagne auprès de la Reine Alexandra. Ces diverses hypothèses ne s’excluent d’ailleurs pas l’une l’autre.

Le Duc d’Oldenbourg l’accompagnait fréquemment au théâtre et à l’opéra depuis plusieurs mois déjà, mais Olga – alors à peine âgée de dix-neuf ans – fera part de sa plus totale surprise lorsque ”Petya”, que sa famille et ses amis les plus proches ne croyaient aucunement intéressé par les femmes, demanda sa main : «j’étais tellement abasourdie que je pus juste lui répondre : « merci » … Peut-être duplice, la Tsarine douairière écrit alors à son fils le Tsar Nicolas II : « Je suis sûre que tu ne croiras pas ce qui est arrivé. Olga est fiancée à Petya ! Tous deux sont très heureux. J’ai dû y consentir, mais tout cela s’est passé si vite et de manière si inattendue que j’ai de la peine à y croire … Petya est charmant, je l’aime bien et si Dieu le veut ils seront heureux. Ne parle de cela à personne hormis à Alix bien sûr. Signé : Your agitated Mama. »

Usant des mêmes hyperboles que son agitée ” Mama ”, Nicolas lui répond : « Je ne peux pas croire qu’Olga est réellement fiancée à Petya. Ils étaient probablement pris de boisson … Que pense Micha ?Et comment Nana prend-elle tout cela ? Alix et moi avons tant ri de cette nouvelle que nous n’en sommes pas encore remis. »

Dès leur « nuit de noces » qu’Olga passera seule au palais Oldenbourg car le Prince a quitté la résidence pour se rendre dans un établissement de jeux, elle mesure tout le tragique de sa situation. Ce ne seront pas les somptueuses parures (dont une tiare de rubis que Napoléon offrit à Joséphine) que lui offrira sa belle-mère (elle la surnomme « Princess Gangrene »)qui la consoleront, elle qui n’aime pas les bijoux. Quelques semaines plus tard, alors que le couple séjourne à Biarritz, leur hôtel est détruit par un violent incendie : l’intégralité de la garde-robe du Prince est réduite en cendres, ainsi que ses ordres militaires – dont l’Ordre danois de l’Eléphant spécialement créé par Fabergé.

Après deux années d’une union qui ne fut jamais consommée, au bord de la dépression nerveuse, elle demandera le divorce. Pierre et elle devront cependant vivre officiellement ensemble durant quinze années dans des ailes séparées du palais de la Rue Sergeivskaya à Saint-Pétersbourg, demeure de deux cents pièces offerte par le Tsar à sa sœur. L’année de son mariage signe également la prise de responsabilités nouvelles pour la Grande-Duchesse nommée Colonel en Chef honoraire du prestigieux 12è Régiment des Akhtyrsky Hussards qui vainquirent Napoléon 1er à la bataille de Kulm en 1813 en Bohème et qui ont depuis lors acquis le privilège d’endosser en permanence leur magnifique dolman marron.

A la recherche d’un mode de vie plus simple et plus conforme à ses aspirations personnelles, Olga s’est fait construire, dans l’oblast de Voronej, non loin de la frontière ukrainienne, près de la résidence de Ramon que possédaient ses beaux-parents, une imposante datcha baptisée ” Olgino ”, en référence à la localité la plus proche, où elle peut mener d’efficaces actions caritatives en conformité avec sa foi orthodoxe, rencontrer les paysans et, bien entendu, continuer à peindre. Sincèrement soucieuse du bien être des moujiks, elle promouvra la construction d’une école et d’un hôpital dans le village où elle résidait. Instruite de quelques bases de pharmacologie, elle prodiguait elle-même les remèdes aux malades et avait acquis de grandes compétences en matière de soins infirmiers.

Les séjours à Ramon constituent d’heureuses parenthèses dans l’existence morose d’Olga. La sérénité des lieux influence favorablement l’humeur de son mari qui l’emmène chasser le loup et lui permet de peindre les scènes qu’elle affectionne, tandis que lui se consacre à l’écriture d’un livre d’Histoire russe en images destine aux enfants et aux personnes illettrées et à des recherches archéologiques. Afin d’amuser Olga, Pierre l’emmène fréquemment à la ménagerie que la Duchesse Eugénie a créée sur l’autre rive de la Voronka car il sait que là Olga sourira enfin …

En avril 1903, au cours d’une parade militaire au palais de Pavlovsk, Olga remarque Nikolaï Kulikovsky, cuirassier bleu du régiment de la cavalerie impériale dont le Grand-Duc Mikhaïl est colonel. A la demande de sa sœur, Micha organise une entrevue avec le militaire dont elle s’est immédiatement éprise. Quelques semaines après, Olga demande le divorce à son mari qui refuse cette éventualité et la prie de reconsidérer sa proposition « dans sept (sic) ans » !

Bien des années plus tard, Olga rappellera leur rencontre dans une lettre datée du 8 mai 1915 : « Demain ce sera le jour de notre anniversaire – le jour où nous nous sommes déclaré notre amour avec les yeux pour la première fois – t’en souviens-tu ? Au fameux petit-déjeuner ? »

Issu d’une famille de militaires ukrainiens, Nikolaï Kulikovsky , éduqué au Collège de Gurevich à Saint-Pétersbourg et expert en cavalerie, est nommé aide de camp du Grand-Duc Pierre. Bientôt la Grande-Duchesse et lui prennent l’habitude de se voir régulièrement et de braver l’opinion publique, n’hésitant pas à traverser la ville dans la même calèche découverte.

Ils devront cependant attendre treize ans avant que le premier mariage d’Olga soit officiellement annulé par le Tsar pour convoler à leur tour le 16 novembre 1916 à Kiev où la Grande-Duchesse, alors infirmière de la Croix-Rouge à l’hôpital de Rovno près de la frontière austro-polonaise, avait obtenu le transfert de son nouvel époux près de l’établissement où elle exerçait l’art de soigner dès le début des hostilités. C’est dans cet hôpital qu’il inspectait à l’automne 1916 que le Tsar lui avait remis une lettre manuscrite scellant le divorce qu’elle appelait de ses vœux depuis si longtemps. Ce sera également la dernière fois qu’elle verra son frère. Après l’abdication de Nicolas II et, à la faveur du statut social de Nikolaï considéré comme un simple citoyen russe, ils échappent aux arrestations menées par les bolcheviks que subirent tant d’autres membres de la famille impériale.

Ils se réfugient en Crimée, région encore épargnée par la présence des bolcheviks, où Tikhon, le premier fils de la Grande-Duchesse Olga et du Colonel Kulikovsky, naît à Aï-Todor le 25 août 1917. Olga et son mari refuseront de quitter la Russie à bord du navire mis à leur disposition par la flotte britannique. Ils restent donc dans le village cosaque de Novo-Minsk, sous la protection de Timofei Yatchik, fidèle garde du corps de l’Impératrice douairière, où naît leur second fils Guri le 23 avril 1919.

 

A Novo-Minsk, Olga organise rapidement un mode de vie familiale simple avec l’aide de Xenia Moshaeva « Ava », la nurse de ses deux fils, et de la servante Emilia Tenso dite « Mimka ». Elle décrit sa nouvelle existence à sa sœur Xenia (26 mars 1919) : « Nous avons planté des légumes et maintenant j’attends avec impatience les signes de leur croissance. J’aime être près de la terre ! ».

Quelques mois plus tard, la menace que fait peser l’Armée Rouge progressant vers leur refuge les incite à demander l’asile au Consul du Danemark qui leur permettra de quitter la Crimée pour naviguer vers un camp de réfugiés, où durant deux semaines ils partageront trois pièces avec onze autres adultes, dans l’île de Buyukada située dans la mer de Marmara près du détroit des Dardanelles, non loin d’Istanbul. De là, les exilés feront étape à Belgrade, où ils rencontrent Alexandre Karageorgevitch qui leur propose de s’établir dans l’un des états de l’ancien Empire austro-hongrois mais sur les conseils avisés de l’Impératrice douairière, ils préfèrent la rejoindre à Copenhague le 2 avril 1920 dans les appartements qu’elle occupe temporairement au palais d’Amalienborg.

Peu après, Olga, son mari, ses fils et sa mère s’installeront à Hvidore dans la spacieuse villa de style Renaissance Italienne que l’Impératrice douairière possédait sur la Côte danoise (en co-propriété avec sa sœur la Reine Alexandra de Grande-Bretagne depuis le décès de leur père le Roi Christian IX en 1906). C’est dans cette résidence d’été que Maria Feodorovna s’éteindra en 1928. Pour Olga, tant éprise de liberté, la présence très dirigiste de sa mère et surtout ses critiques incessantes pèsent parfois sur l’atmosphère du nouveau foyer qu’elle était – après tant d’années d’attente et d’espérances – enfin parvenue à créer. En 1921, Mimka arrive à Hvidore avec un présent de taille : elle a en effet réussi à ramener de Saint-Pétersbourg les bijoux d’Olga qu’elle a cousus dans la doublure de ses vêtements !

En octobre 1925, Olga se rend à Berlin afin de rencontrer une femme qui prétend être la Grande-Duchesse Anastasia Nicolaïevna, la plus jeune de ses nièces – et sa favorite – . Olga ne reconnaîtra pas Anna Anderson – car c’est bien d’elle qu’il s’agit – mais compatira sincèrement à son état de santé déplorable. Bien des années plus tard, la réalisation de tests ADN confirmera définitivement l’opinion d’Olga.

Hvidore est vendue le 9 avril 1929, l’année suivant le décès de la tsarine douairière et, après avoir été reconvertie en hôpital pour patients diabétiques, elle est aujourd’hui devenue un centre de conférences appartenant au groupe pharmaceutique Novo Nordisk. Après avoir logé durant quelques mois à Rygaard, Olga achète en 1930 une ferme entourée de vastes terres à Ballerup, non loin de Copenhague. Sa propriété de Knudsminde devient rapidement le lieu privilégié où se rencontrent les monarchistes russes émigrés au Danemark. Cette période de vie à la campagne correspond à une activité artistique intense et à la rencontre déterminante avec le maître danois Peder Monsted. Elle peint alors avec un plaisir renouvelé que traduit l’intensité accrue de sa palette régénérée et plus chamarrée que jamais.

Elle a souvent offert ses œuvres aussi bien à ses proches qu’aux membres des autres familles royales européennes. Ainsi aujourd’hui encore, lorsqu’elle séjourne à Sandringham, la reine Elizabeth II déjeune sous le regard de neuf peintures d’Olga. D’autres tableaux sont actuellement entre les mains de la Reine Margrethe de Danemark et du Roi Harald de Norvège.

A partir de 1934, le marchand d’art Richard Pederson devient son « agent artistique » et expose des toiles réalisées par Olga dans sa galerie de Copenhague où elles reçoivent un accueil des plus enthousiastes. En 1936, le travail d’Olga est exposé à Londres et des personnalités comme la Reine Mary, la Reine Maud de Norvège, le Baron Rothschild, la famille Churchill ou encore Cecil Beaton acquièrent les cinquante peintures présentées dans la capitale en deux jours à peine.

La famille Kulikovsky s’est très bien intégrée au Danemark : Nikolaï et Olga aident les émigrés russes, tandis que leurs deux fils servent sous les armes danoises en qualité d’officiers et se marient avec des jeunes filles de Copenhague (Tikhon avec Agnete Petersen en 1942 et Guri avec Ruth Schwartz en 1940). Au foyer de Guri, deux enfants viennent au monde à Ballerup durant la guerre : Ksenia en 1941, suivie de Leonid en 1943.

Après la seconde guerre mondiale, la propagande stalinienne fait état d’une conspiration qu’Olga aurait menée avec l’Allemagne contre la Russie. Suite à la défaite allemande, les troupes russes sont désormais plus proches de la frontière danoise et occupent même l’île de Bornholm dans la mer Baltique. D’autre part, le régime soviétique exige le retour en URSS de tous les émigrés russes. La Grande-Duchesse craint alors qu’elle et sa famille soient contraintes de retourner en Russie comme « prisonniers impériaux ». Le Roi Frédéric IX ne garantissant plus sa sécurité, elle décide de quitter l’Europe.

Le 2 juin 1948, grâce aux démarches fructueuses effectuées par le Roi George VI de Grande-Bretagne qui s’est enquis d’un nouvel asile pour sa cousine, Olga , âgée de soixante-six ans, embarque, après un séjour de trois semaines à Hampton Court, à Liverpool à bord du « Empress of Canada » qui la mène avec les siens (son mari, leurs deux fils et belles-filles, ses deux petits-enfants, ainsi que la dévouée Mimka) vers le Canada où elle vivra définitivement.

Arrivés à Montréal le 10 juin 1948, les voyageurs se rendent à Toronto avant de s’établir dans la vaste ferme « Nassaguja » entourée de quatre-vingts hectares de terres qu’ils acquièrent près de Campbellville en Ontario. Dès leur installation, Olga et sa famille deviennent les membres actifs de la paroisse de l’église orthodoxe russe de Toronto et assistent régulièrement aux offices avec une grande ferveur. Grâce à son inoubliable gentillesse et sa grande simplicité, Olga est très rapidement acceptée par ses nouveaux voisins qui lui rendront plus tard hommage en baptisant l’école paroissiale de son nom.

Dans ce nouveau cadre de vie, Olga continue à peindre (on lui doit au total plus de deux mille œuvres) et envoie régulièrement ses toiles à la galerie Pedersen et dans d’autres salles d’exposition européennes. En 1952, après le départ de leurs fils de la maison familiale, Olga et Nikolaï dont la santé décline, vendent leur ferme et se retirent dans une petite maison plus proche de Toronto, au faubourg de Cooksville (actuellement intégré à la ville de Mississauga).

Dans leur villa de briques rouges au 2130 de la Camilla Road, des visiteurs souvent modestes, mais aussi parfois illustres se succèdent afin de saluer la sœur du dernier Tsar de Russie, tels la Princesse Marina de Kent, le Prince Vassili Alexandrovitch ou encore Lord Louis et Lady Edwina Mountbatten.

Le Colonel Nikolaï Kulikovsky décède le 11 août 1958, quatre ans après Mimka qu’Olga a soignée avec beaucoup de dévouement. En juin 1959, la Reine Elizabeth II et le Duc d’Edimbourg, en voyage officiel au Canada, invitent Olga à se joindre à eux pour déjeuner à bord du Yacht Britannia amarré au port de Toronto.

En avril 1960, suite à son hospitalisation au General Hospital de Toronto, Olga, devenue infirme, loge chez les Martemianoff, des amis russes émigrés comme elle, qui habitent une modeste maison de la Gerrard Street. C’est dans leur appartement qu’elle passera ses derniers mois. Le 24 novembre 1960, trois jours après être entrée dans le coma, Olga s’éteint à l’âge de soixante-dix-huit ans. Elle ignorait que sept mois auparavant sa sœur Xenia avait rendu son dernier soupir à Londres et qu’elle était ainsi devenue l’ultime témoin direct des années heureuses et glorieuses de la cour de Russie. Olga Alexandrovna sera inhumée auprès de son mari au York Cemetery à plus de sept mille verstes du Palais de Peterhof. (Merci beaucoup à Damien B. pour ce portrait dédié amicalement de sa part à Charlanges)

Voici les légendes des illustrations :

1. Olga, portrait officiel (vers 1905)

2. Olga à Fredensborg (1885)

3. Olga et sa famille à Livadia (1885)

4. Olga (vers 1887)

5. Michel, Xenia et Olga (vers 1887)

6. Olga et Maria Feodorovna (vers 1890)

7. Michel et Olga (vers 1890)

8. Olga (1892)

9. Michel et Olga (vers 1892)

10. Olga dans la galerie chinoise de Gatchina (vers 1895)

11. Michel, Maria Feodorovna et Olga (1896)

12. Olga et Michel (vers 1898)

13. Olga et Michel (vers 1900)

14. Dessin d’Olga.

15. Olga et son premier mari Pierre d’Oldenbourg (1901)

16. Olga infirmière (1915)

17. Olga et son second mari le colonel Nikolaï Kulikovski (1916)

18. Olga, Nikolaï Kulikoski, et leurs fils (vers 1926)

19. Olga et ses fils (vers 1930)

20. Olga à son chevalet (vers 1930)

21. Tikhon, fils d’Olga peint par sa mère (vers 1940)

22. Peinture d’Olga

23. Olga et ses fils (vers 1945)

24. Olga à son chevalet (vers 1950)

25. Xenia, Maria-Feodorovna et Olga (vers 1925)

26. Olga (vers 1955)

27. Maison où mourut Olga à Toronto