Sébastien Gabriel de Bourbon et Bragance, Infant d’Espagne et de Portugal est né le 4 Novembre 1811 au Palais de Sao Cristovao à Rio de Janeiro, unique enfant de Pierre Charles de Bourbon et Bragance, Infant d’Espagne et de Portugal et de sa cousine germaine Thérèse de Bragance, Infante de Portugal (Princesse de Beira jusqu’à la naissance de son frère Antoine). Son père l’Infant Pierre Charles (1786-1812) était le fils de l’Infant Gabriel de Bourbon et de Saxe (1752-1788, quatrième fils de Charles III d’Espagne) et de sa cousine Marianne Victoire de Bragance ( 1768-1788), elle-même fille du Roi Joseph I de Portugal et de Marianne Victoire de Bourbon, (ancienne fiancée de Louis XV de France).

L’infant Pierre Charles, Amiral de la couronne portugaise, avait été élevé au sein de sa famille maternelle au Portugal après la mort de ses parents. Il était à la fois Infant d’Espagne et de Portugal par faveur spéciale de son grand-père paternel Charles III d’Espagne et de sa grand-mère maternelle Marie Ière de Portugal. Il mourut malheureusement de la tuberculose en 1812 au bout de deux années d’un mariage heureux, laissant Sébastien orphelin de père à 7 mois et une veuve de 19 ans.

La mère de Sébastien, l’Infante Thérèse (1793-1874), était la fille aînée des Princes Régents de Portugal (depuis Rois) Jean VI de Bragance (fils de Marie Ière de Portugal et de son oncle le Roi-consort Pierre III) et Charlotte Joachime (fille de Charles IV d’Espagne, frère aîné de l’Infant Gabriel et de son épouse et cousine Marie Louise de Bourbon de Parme). L’Infant Sébastien était par conséquent, comme ses parents, le pur produit d’alliances Bourbon et Bragance répétée sur plusieurs générations.

Au moment de sa naissance, le Portugal étant occupé par les troupes napoléoniennes, la famille royale s’était réfugiée dans sa colonie américaine. L’Infant Sébastien passa donc son enfance dans ce pays tropical. La reine Marie Ière de Portugal, son arrière-grand-mère paternelle et maternelle, souffrant de démence depuis la mort de son mari et de leur fils aîné le prince de Brésil, était incapable de régner et Jean, son unique fils survivant, exerçait la régence. Le 9 Novembre 1811, le Prince-Régent Jean conféra le titre d’Infant de Portugal à son petit-fils Sébastien.

En 1821, Thérèse de Bragance, pensant à l’établissement de son fils, décida d’élire domicile à Madrid auprès de son oncle le Roi Ferdinand VII qui lui confirma la possession du majorat d’Infance (Infantado) constitué par Charles III son grand-père Gabriel. Ce majorat était assis sur le Grand Prieuré de l’Ordre de St-Jean. Plusieurs de ses commanderies assurèrent à l’Infant Sébastien d’importants revenus. Les Infants d’Espagne ne recevaient pas d’apanages assis sur des fiefs comme c’était habituellement le cas en France mais des commanderies des Ordres de Santiago, Alcantara, Calatrava ou St-Jean (San Juan). En 1824, le Roi accorda à son petit-neveu et petit-cousin Sébastien la qualité et les honneurs d’Infant d’Espagne.

Durant le règne de Ferdinand VII, la Cour d’Espagne était divisée au sujet de la succession du Roi qui avait aboli la loi salique au profit de sa fille Isabelle, née de son quatrième mariage avec sa nièce la Princesse des Deux-Siciles, Christine de Bourbon. Avec en arrière-plan, une lutte politique entre conservateurs et libéraux.

D’une part, les partisans de la princesse des Asturies et de la reine Christine, auquel s’était rallié l’Infant François (le plus jeune frère du Roi), son épouse et nièce Louise Charlotte (sœur de la reine), et de l’autre les partisans de l’Infant Charles (Carlos), frère puiné du Roi (appelés donc carlistes), qui aurait succédé au Roi si la loi salique n’avait pas été abolie, son épouse et nièce Françoise de Bragance. Thérèse de Bragance, qui était une dame très conservatrice, rejoignit le camp de son oncle et beau-frère Charles. Un « clan portugais » contre « un clan sicilien » en quelque sorte.

 

Les liens entre le Roi et son petit-neveu et petit-cousin se rapprochèrent encore lorsqu’ ils devinrent beaux-frères. En effet, le 26 Mai 1832 l’Infant Sébastien épousa au Palais d’Aranjuez la cousine germaine de sa mère, sa propre petite-cousine, Amélie de Bourbon, Princesse des Deux-Siciles (1818-1857), sœur du Roi Ferdinand II des Deux-Siciles, de Caroline duchesse de Berry, de la reine d’Espagne, de Louise Charlotte et de Thérèse Christine la future Impératrice du Brésil. Le mariage de son protégé fut l’un des derniers évènements heureux du règne de Ferdinand VII. Il était également l’illustration de l’orientation sicilienne de la politique étrangère espagnole durant ces années (au détriment de l’alliance portugaise).

Après la mort du Roi en 1833, débuta le règne d’Isabelle II. Fidèle à sa mémoire, Sébastien soutint sa jeune nièce âgée de trois ans. Mais l’Infant Charles s’était proclamé Roi d’Espagne. Les personnes soutenant sa prétention, comme Thérèse de Bragance furent alors expulsées d’Espagne. Celle-ci, continuant à entretenir une correspondance avec son fils, usa de chantage affectif pour le faire changer de camp.

Sous un faux prétexte, l’Infant Sébastien se rendit à Barcelone puis embarqua pour Naples, à la Cour de son beau-frère. Il rejoint les Infants exilés et organisèrent leur retour en Espagne, par le Pays-Basque pour organiser la guerre civile. L’Infant Sébastien, capitaine général des armées carlistes à partir de 1835, s’illustra dans plusieurs batailles comme Oriamendi en 1837 (Première Guerre carliste), mais il ne parvint pas à prendre Madrid. Le 15 janvier 1837, les Cortes déchurent Sébastien – pour avoir rejoint la rebellion carliste – de ses droits successoraux et de ses titres d’Infant et le privèrent de ses propriétés. Thérèse de Bragance quant à elle épousa en 1838 son oncle et beau-frère, devenant la nouvelle reine d’Espagne aux yeux de ses partisans.

A partir de 1839, l’Infant d’Espagne et de Portugal et son épouse quittèrent Bourges, où demeurait le prétendant carliste et s’installèrent auprès de la Cour de Naples. C’est lors de ce séjour qu’il développa son goût et ses connaissances pour les arts et les sciences, notamment la conservation et la restauration des tableaux, la préparation des vernis, des huiles et la chimie. comme le décrit Robert de Custine dans son ouvrage les Bourbons de Goritz et les Bourbons d’Espagne en 1839.

« L’Infant don Sébastien que j’ai eu occasion de voir souvent pendant mon séjour au quartier royal, est un prince plein d’instruction et d’amabilité. Son éducation a été extrêmement soignée; il parle fort bien Français, et possède, outre de profondes connaissances militaires, et la bravoure que tout le monde lui reconnaît, plusieurs talents qui le distinguent comme homme de goût, et comme homme du monde; il peint à merveille, il est très-bon musicien, il a une voix fort belle, et le goût parfait avec lequel il chante, prouve qu’il a mis à profit son séjour en Italie pour étudier la méthode des grands maîtres. »

L’Infant d’Espagne et de Portugal eut la douleur de perdre son épouse Amélie en 1857, après un quart de siècle de vie commune. Ce mariage était hélas demeuré stérile. Pensant à son avenir et à une descendance, Sébastien décida alors de rentrer en Espagne. Pardonné par sa nièce, il prêta serment de respecter la Constitution, fut réhabilité dans ses titres et retrouva son majorat. Dès lors Sébastien remplit à la Cour les devoirs dévolus à l’Infant d’Espagne chargé de seconder la souveraine et son consort.

Il apparut sur les photographies officielles comme celle de 1859. La famille royale est réunie pour le baptême de l’Infante Maria de las Mercedes d’Orléans, en bas à gauche, dans les bras d’une nounou. On reconnaît à l’arrière l’Infant Antoine d’Orléans, Duc de Montpensier et à droite, l’Infant Sébastien de Bourbon et Bragance. Assis, la Reine Isabelle II, le Roi consort François Ier, l’Infante Isabelle de Bourbon et Bourbon et le Prince Alphonse (futur Alphonse XII) tenu par sa gouvernante.

 

Pour sceller la réconciliation, le Roi François Ier donna en mariage à Sébastien, une de ses jeunes sœurs, l’Infante Christine (1833-1902). L’union fut célébrée au Palais royal de Madrid le 19 Novembre 1860. Christine était de vingt-deux ans la cadette de son époux. Elle était hélas déficiente mentale. Quatre fils naquirent en Espagne dans le foyer de Sébastien et Christine : François (1861-1923), Pierre (1862-1892), Louis (1864-1889), Alphonse (1866-1934), reconnus Infants de Portugal avec le traitement d’Altesses Sérénissimes.

Très aimé des souverains, l’Infant d’Espagne et de Portugal fut choisi en 1861 comme parrain au baptême de l’Infante Maria del Pilar Berenguela de Bourbon et Bourbon et en 1868, il fut le témoin de l’Infant Gaétan de Bourbon-Deux-Siciles lors de son mariage civil avec la jeune Infante Isabelle de Bourbon et Bourbon.

L’Infant d’Espagne et de Portugal était populaire aussi bien à la Cour qu’à la ville. Défenseur des idées d’Henri Dunant de secours aux soldats sur les champs de bataille, et admirateur des réalisations du Prince Charles de Prusse, lui-aussi Maître de l’Ordre de St-Jean dans son pays, il demanda à la reine l’autorisation de créer un comité espagnol de la Croix-Rouge. Cet engagement de l’Infant fut salué par le gouvernement du pays.

Sébastien qui résidait dans un palais dans la Rue d’Alcala à Madrid, ouvrait chaque jour sa galerie de peinture, pour que le public puisse profiter de sa collection de 590 tableaux, parmi lesquels de nombreux Greco, Goya, tableaux des écoles française, flamandes et hollandaise, et des Murillo. La Gazette des Beaux-Arts française lui consacra un article en 1863. Dans celui-ci on apprend que l’Infant d’Espagne et de Portugal aimait restaurer les tableaux qu’il acquérait, dans l’atelier qu’il avait aménagé dans la chambre haute de son palais, jouxtant son laboratoire.

« L’Infant don Sébastien de Bourbon, qui nous a fait part à Madrid de ses savantes recherches et de ses nombreuses expériences sur les vernis et les huiles servant à la peinture, propose d’y mêler, dans une petite proportion, une dissolution de gomme élastique clarifiée au soleil, qui, en laissant aux huiles et aux vernis la faculté de sécher, les empêche de perdre, pendant ce temps, leur continuité glutineuse et de s’écailler. Cette combinaison a encore l’avantage de préserver les peintures de l’humidité et de garantir les couleurs de l’action de l’oxygène. L’Infant don Sébastien a communiqué à la Gazette des Beaux-Arts le résultat de ses travaux, dans un article inséré au tome XVe de ce recueil. On y trouvera aussi un moyen d’arrêter la vermoulure du bois, qui a causé la perte de tant de peintures. »

Parmi les pionniers en Espagne, l’Infant d’Espagne et de Portugal s’intéressa à la photographie, comme le montre ce portrait, son genre favori, de son beau-frère et de sa belle-sœur. Sébastien de Bourbon et Bragance était également membre de la société photographique française. Membre de l’Académie des Beaux Arts de Saint-Ferdinand, l’Infant d’Espagne et de Portugal distribuait une partie de ses revenus en pensions pour les études de jeunes artistes.

Suite au Pronunciamento de 1868, il dut reprendre le chemin de l’exil avec la reine Isabelle, le roi François, leur fils le prince des Asturies (futur Alphonse XII) et les Infantes. Tous furent accueillis en France. L’empereur Napoléon III les installa au château de Pau. En 1869, Christine donna naissance à leur cinquième et dernier fils, Gabriel, qui était malheureusement né sourd-muet.

Le 14 Février 1875, s’éteignit à Pau ce prince capétien, qui avait eu le privilège de se sentir partout chez lui, au Brésil, en Espagne, au Portugal, à Naples et en France, patrie de ses aïeux Henri IV et Louis XIV. Il fut inhumé dans le panthéon des Infants du Palais-Monastère de l’Escorial.

Arrière-petit-fils, petit-fils de souverains, il réussit à devenir à deux reprises le beau-frère du souverain espagnol, du père puis de la fille. Il devint également le beau-frère de plusieurs autres cousins, comme le Roi des Deux-Siciles et l’Empereur du Brésil ou le Roi d’Espagne des carlistes. Il était en outre l’oncle d’Henri V de France et de Navarre (le Comte de Chambord). Malgré sa proximité de plusieurs trônes, il semble qu’il n’ait jamais eu l’ambition de ceindre quelque couronne, préférant une vie tranquille aux côtés de ses aînés.

Ses fils orphelins furent les protégés de la famille royale espagnole mais ne purent contracter d’alliances prestigieuses. Alphonse XII puis sa veuve la Reine régente créèrent les trois premiers respectivement ducs de Marchena, Durcal et Ansola. Alphonse, le quatrième fils déclina l’offre, succéda à son père comme Président de la Croix-Rouge espagnole. Les aînés étaient devenus officiers dans l’armée. Gabriel, le cadet, mourut à l’âge de vingt ans. (Un très grand merci à Jul pour toutes ses recherches, cet article et les illustrations)