La princesse Frederike, Sophie, Dorothée, Wilhelmine de Bavière, née le 27 janvier 1805 à Munich, était la fille de Maximilien Ier Joseph, roi de Bavière et de Caroline, Frederike, Wilhelmine, princesse de Bade. Le roi de Bavière, duc des Deux-Ponts-Birkenfeld, issu d’une branche cadette de la Maison de Bavière, dut sa couronne royale à deux circonstances exceptionnelles : l’absence de descendance mâle directe dans la ligne aînée de l’Electeur et duc de Bavière et à l’érection du duché de Bavière en royaume en 1806 grâce à Napoléon.

La fratrie de la princesse Sophie se composait de Louis (1786-1868), Augusta-Amélie (1788-1851), Caroline-Auguste (1792-1873), Charles-Théodore (1795-1875), comme issus de la première union de son père avec la princesse Wilhelmine de Hesse-Darmstadt (1765-1796) et de Maximilian (1800-1803), Elisabeth (1801-1873) et sa jumelle Amélie (1801-1877), Marie (1805-1877), jumelle de Sophie et Ludovika (1808-1892) et Maximilaine (1810-1821) issus comme elle de la seconde union.   

Elevée dans une famille francophile et bonapartiste, la princesse Sophie parlait parfaitement le français et admirait Napoléon et les gloires de l’Empire. Sa soeur Augusta avait épousé sur ordre le prince Eugène de Beauharnais, beau-fils de Napoléon et connaissait avec lui un bonheur partagé. Le couple vécut d’ailleurs à Munich à la chute de l’Empire, le prince étant unanimement aimé et respecté tant par la famille royale que par le peuple.

Sophie fut une enfant intelligence et espiègle, faisant la joie de toute sa famille. Comme pour beaucoup de princesses, son destin fit scellé par les autres. Le Congrès de Vienne, en 1814, décida qu’elle devait épouser l’archiduc François-Charles, deuxième fils de l’empereur François Ier d’Autriche, appelé à monter sur le trône en raison de la débilité du fils aîné, l’archiduc Ferdinand.

A la vue du portrait de son futur époux et après l’avoir rencontré, Sophie pleura trois jours dans sa chambre. Il était loin de représenter l’idéal pour une jeune fille romanqtiue comme elle. Sa mère lui ayant fait comprendre qu’elle n’avait pas le choix, Sophie décida d’accepter son sort et le mari qu’on lui destinait et d' »être heureuse malgré tout« . Le 4 novembre 1824, elle épousait François-Charles en la Chapelle des Augustins à Vienne.

Elle retrouva à la Cour sa soeur, Caroline-Augusta, quatrième épouse de l’empereur François, qui devenait ainsi sa belle-mère. Mais les qualités personnelles de Sophie firent d’elle en réalité la Première Dame de la Cour, position que sa soeur ne lui contesta pas et que ne contesta pas non plus plus tard l’épouse de Ferdinand, la princesse puis impératrice Maria-Anna de Savoie. Elle y rencontra celui qu’on appelait « le délicieux Reischstadt », le fils de Napoléon et de Marie Louise. La position ambigüe à la Cour du jeune duc ne l’empêchait pas de jouir de l’affection de son grand-père l’empereur et de toute sa famille Habsbourg qui chérissait l’enfant au destin malheureux.

La romantique Sophie, sans doute émue par la situation du neveu de son mari, peut-être touchée par la beauté du jeune homme, eût avec lui une idylle platonique. La mort du jeune homme le 22 juillet 1832 laissa Sophie, alors enceinte de son deuxième enfant, le futur Maximilien du Mexique, complètement effondrée. Elle l’avait soutenu dans les derniers mois de sa vie et avait communié avec lui lorsqu’il reçut les derniers sacrements. son chagrin fit dire à certains que l’enfant qu’elle portait était du duc de Reischstadt, hypothèse fantaisiste quand on connaît la personnalité de Sophie, trop consciente de sa position et de ses devoirs et la promiscuité dans laquelle vivait la famille impériale. Leur relation au vu et au su de tous, fut d’ailleurs parfaitement admise par le mari de Sophie, François-Charles et par l’ensemble de la famille.

A la mort de l’empereur François Ier en 1835, le Chancelier Metternich imposa de ne pas modifier l’ordre successoral, contrairement à la volonté de l’empereur et permit l’accession au trône de l’archiduc Ferdinand (1793-1875), incapable de régner. Le Chancelier conservait ainsi la haute main sur la politique de l’Autriche et de l’Europe. L’archiduchesse Sophie n’approuva pas cette décision qui privait son mari, à peine plus capable que son frère, du trône et ne lui permettait pas à elle de jouer le rôle politique qu’elle envisageait. En effet, la jeune femme romantique, mère de cinq enfants : François-Joséph né en 1830, Maximilien né en 1832, Charles-Louis né en 1833, Marie Caroline née en 1835 et décédée en 1840 et enfin Louis-Victor né en 1842, avait laissé la place à la femme politique.

Considérée selon les critères de l’époque comme une très belle femme -son frère le roi Louis Ier de Bavière mit son portrait dans sa Galerie des cent plus belles femmes de l’Europe- elle dut se contenter d’être officieusement la Première Dame de l’Empire, tenant le salon le plus brillant de Vienne et tant d’autres, admirée de tous. Johan Strauss lui dédia une valse. Vienne et l’Europe se pressaient aux portres de son salon. On donna son nom à une salle de bal la « Sophiensaal » ainsi qu’à un établissement de bains.

Le « printemps des peuples » en 1848 emporta ce monde né du Congrès de Vienne et avec lui le Chancelier Metternich. Il risquait aussi d’emporter la monarchie des Habsbourg. L’archiduchesse Sophie ne l’entendait pas ainsi. Elle s’était mariée par devoir, il était aussi de son devoir de sauver sa nouvelle famille. Les trois premières dames de l’empire, l’impératrice douairière, Caroline-Augusta, sa soeur et belle-mère; l’impératrice Maria Anna, sa belle-soeur et Sophie elle-même décidèrent -ce fut « le complot des dames » – que l’empereur Ferdinand devait abdiquer et l’archiduc François-Charles à sa suite renoncer au trône en faveur de son fils François-Joseph, âgé de dix-huit ans.

L’archiduchesse Sophie renonçait donc à être impératrice au profit de son fils car elle avait conscience que la Monarchie des Habsbourg avait besoin d’un sang jeune. Il n’était bien sûr pas question qu’elle renonçât à jouer un rôle. Par son caractère et sa fermeté, et avec l’appui de l’Eglise, elle assit les débuts du règne de son fils aîné sur un régime absolutiste et autoritaire.

Bien que quatre de ses soeurs fussent souveraines, Amélie et Marie toutes deux successivement reines de Saxe et Elisabeth reine de Prusse, Carolina-Augusta impératrice d’Autriche et que son neveu Maximilien fut roi de Bavière, Sophie était la véritable tête de la famille. Les Viennois l’appelaient d’ailleurs avec affection « Unsere Kaiserin »notre impératrice.

La dynastie à nouveau assise, il convenait à l’empereur de perpétuer la descendance. Sophie décida donc que François-Joseph devait épouser une princesse non pas de son choix à lui, amoureux d’une de ses cousines Habsourg, Elisabeth de la branche palatine de Hongrie mais de son choix à elle dans la Maison de Bavière. Et elle choisit sa nièce la belle et sage Hélène, fille du duc Max en Bavière et de la duchesse Ludovica. Mais François-Joseph tomba éperdument amoureux de l’autre soeur, Elisabeth. Bien que contrariée dans son projet, Sophie n’en accepta pas moins Elisabeth de bon coeur et fut disposée à l’aimer.

L’incompréhension qui se révéla tout de suite entre les deux femmes rendit la vie familiale intenable à François-Joseph obligé de choisir en permanence entre sa mère qu’il admirait et sa femme qu’il adorait. L’histoire des rapports entre les deux femmes est bien connue. L’archiduchesse Sophie n’était pas la méchante et tyrannique belle-mère présentée parfois. Elle voulait la grandeur de l’Autriche et de sa Maison souveraine. Bien que manquant de tact et de patience envers sa belle-fille qui se montrait fantasque et incapable de remplir correctement les devoirs de sa charge, elle fut une excellente mère pour ses quatre fils et une excellente garnd-mère, proche de tous ses petits-enfants.

L’archiduchesse Sophie ne comprenait pas que sa belle-fille préférat sa vie privée à sa vie officielle. Elle ne comprenait pas non plus ses longues absences, dont elle, Sophie portait une part de responsabilité. Femme du siècle passé, elle ne pouvait comprendre Elisabeth, femme su siècle futur qui considérait la monarchie comme anachronique mais dont elle vivait fastueusement et avec fort peu de contraintes.

Sophie conserva son influence politique sur son fils jusqu’à la succession de défaites en Italie, face à la France et au Piémont, avec la bataille de Solférino, puis en Bohême face à la Prusse à Sadowa, qui impliquaient le retrait de l’Autriche d’Italie et d’Allemagne. Elles lui firent comprendre que son temps était passé.

Deux événements majeurs atteignirent Sophie au plus profond d’elle-même, en 1867, la signature du compromis austro-hongrois mettant la Hongrie qu’elle n’aimait pas beaucoup à parité avec l’Autriche, perçu comme une victoire de l’impératrice Elisabeth et surtout la mort de l’empereur Maximilien, son fils préféré au Mexique. Elle refusa de recevoir l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie en visite officielle en Autriche à l’été 1867. Elle les jugeait avec raison responsables de l’aventure mexicaine.

L’archiduchesse Sophie ne fut dès lors qu’une bonne grand-mère. Parmi ses petits-enfants, Giselle, Marie-Valérie, François-Ferdinand, Otto et Ferdinand, Rodolphe , l’espoir de la dynastie fut son préféré. Ferdinand par suite d’un mariage inégal, fut exclu de la famille, Gisèle et Marie Valérie mariées l’une en Bavière avec un cousin Wittelsbach et l’autre en Autriche avec un cousin Habsbourg-Toscane, Otto marié avec une princesse de Saxe, eurent une descendance prolifique et dynaste tant en Autriche qu’en Bavière.

L’archiduchesse Sophie mourut à Vienne le 28 mai 1872. Sa belle-fille Elisabeth l’accompagna dans ses derniers moments. Nul ne sait ce qu’elles se dirent mais Elisabeth en sortit apaisée. Son époux François Charles mourut en 1878. Ils avaient formé malgré leurs différences de caractère et d’intelligence un bon couple.

En conclusion, il est possible de dire que l’archiduchesse Sophie fut loin d’être la caricature  autoritaire dont on se souvient par films interposés. Femme de devoir-elle avait accepté son mariage avec résignation en se promettant d’être heureuse malgré tout- elle avait renoncé au titre impérial pour la sauvegarde de la dynastie Habsourg-Lorraine- elle était également une femme politique dont les idées conservatrices, liées à la supranationalité de la Maison d’Autriche, ne convenaient plus en une période où la souveraineté nationale devenait nouvelle source de pouvoir. Sophie ne pouvait pas comprendre -elle dont le mariage avait été arrangé au Congrès de Vienne- que l’Europe de la Sainte Alliance avait vécu.

Il est intéressant de voir la parenté immédiate de celle qui fut au coeur de ce que l’on appelerait aujourd’hui un « network royal ». Fille de roi, elle fut également belle-fille d’empereur, nièce d’une impératrice consort, de deux reines consorts, d’un grand-duc souverain et d’une grande-duchesse souveraine consort; soeur d’un roi, d’une impératrice consort et de trois reines consorts; belle-soeur d’un empereur et d’une impératrice consort; mère de deux empereurs; tante de trois rois, deux impératrices consorts, d’un roi consort et de deux reines consorts, d’une grand duchesse souveraien consort; cousine germaine d’une impératrice consort, d’un grand-duc souverain, d’une grande-duchesse souveraine consort. (Merci beaucoup à Cosmo pour cet article, ses recherches et les illustrations)