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François-Joseph en tenue de grand-maître de l’ordre de la Toison d’or

En tant qu’homme politique, on a souvent dit que François-Joseph avait trop simplifié les problèmes. Ce faisant, on oublie que celui qui regarde les choses d’en haut et avec recul, voit obligatoirement avant tout les grandes lignes, et ne court pas ainsi le risque de se perdre dans les détails.

Du reste, il s’avère toujours que les prises de conscience politiques les plus claires sont toujours les plus simples.

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Tenue d’apparat du grand-maître de l’ordre de la Toison d’or

C’est ainsi donc, que François-Joseph a rempli sa charge pendant près de 68 ans avec la plus grande probité et qu’il a sacrifié sa personne à la fonction impériale. Le français Saint-Aulaire constate qu’il n’a jamais montré la moindre faiblesse dans l’exercice de ses attributions.

Toute sa vie, il s’en est tenu à la semaine des 80 heures et n’a jamais donné la préférence à ses avantages personnels sur ses devoirs.

La probité scrupuleuse avec laquelle il régla les affaires de l’État n’était pas d’ailleurs seulement la condition préalable essentielle pour accomplir une telle somme de travail surhumain. Ce faisant, il donnait lui même à ses serviteurs le meilleur exemple venu d’en haut.

Si l’administration austro-hongroise a bénéficié avec raison d’une réputation de sérieux, d’honnêteté et d’intégrité, ceci était pour une non-moindre part, à mettre au compte de l’exemple vivant que fut l’empereur.

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Carte des nationalités de l’Autriche-Hongrie

C’est dans ces circonstances personnelles, avec ce caractère et cette attitude, que l’empereur François-Joseph a affronté les graves problèmes de son temps.

L’Autriche-Hongrie du XIXe et des premières années du XXe siècle dut avant tout faire face à la question des nationalités. Douze peuples avec douze langues et d’innombrables dialectes occupent tout l’espace danubien.

Tandis que ce fait n’avait pas soulevé dans le passé, de bien grandes difficultés, il devint à ce moment-là un important problème lorsque les larges concepts relatifs à l’idée de communauté sur lesquels était fondé le vieil Empire, se dégradèrent et furent remplacés par des valeurs matérielles.

Dans le passé, les idées religieuses avaient été, avant tout, à la base des structures politiques et occasionnellement le point de départ d’hostilités. La paix de Westphalie avait apporté une solution.

Avec les avancées du matérialisme, les critères de ce dernier devinrent alors prépondérants. En particulier, le sort de l’appartenance nationale, le fait linguistique, celui de la dénomination, prirent alors une valeur qui allait bien au-delà de sa véritable importance. Chaque homme ressent le besoin de croire à quelque chose à quelque chose de supérieur. Aux temps où la religion avait cours, c’étaient des idées transcendantales.

Lorsque celles-ci passèrent à l’arrière-plan, les hommes créèrent leurs propres dieux en absolutisant la plus grande communauté de ce monde : la nation. Mais étant donné que l’être suprême a tout droit, la nation fut de même conçue dans un sens totalitaire, ce qui presque automatiquement devait dégénérer en hostilité envers les voisins.

Cela devait obligatoirement engendrer des difficultés internationales. Mais plus que partout ailleurs, cela devait avoir un effet destructeur, là où beaucoup de nationalités vivaient ensemble sur un espace réduit.

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Le roi de Hongrie

François-Joseph, qui avait connu une autre époque, dut tout particulièrement s’efforcer, après la victoire du nationalisme allemand primaire en 1866, de jeter un pont par dessus les oppositions nationales, l’Empire devant demeurer et non sombrer dans un chaos inextricable pour les petits états, incapables de vivre sur le plan économique.

Dans cette voie, il y avait du reste un deuxième obstacle important. L’époque de François-Joseph était celle aussi de la croyance en l’action salutaire du centralisme démocratique. Pour un Empire composé de plusieurs peuples, ceci est un véritable danger, car alors, une majorité nationale, même faible, peut entraîner trop facilement, d’autres nationalités à devenir durablement des minorités.

Si l’on voulait éviter cela, il était par conséquent essentiel d’élaborer un principe fédératif qui, à côté de l’égalité entre hommes, établisse aussi une égalité de nation à nation. Ceci pour empêcher qu’un groupe numériquement plus important ait, à cause de son nombre, une influence majoritaire sur les groupes plus faibles dans des questions qui sont pour eux vitales.

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Le couple impérial et royal aux célébrations du millénaire de la Hongrie en 1896, toile de Gyla Benczur.

De son vivant, l’empereur a essayé de faire passer cette idée du fédéralisme. Des projets virent sans cesse le jour, particulièrement à l’époque du cabinet Taaffe, projets qui bien trop souvent avortèrent sous la pression de la majorité parlementaire.

On oublie trop facilement qu’à partir de 1867, l’empereur François-Joseph était un souverain constitutionnel dont le pouvoir suffisait certes pour empêcher certains malheurs, mais pas pour faire valoir sa volonté sans l’appui du corps électoral.

Néanmoins, les tentatives fédéralistes ne furent pas sans succès. A la fin de sa vie, le vieil empereur eut la joie de voir une première solution pratique, de très grande portée, avec le compromis sur la Moravie. Grâce à ce dernier, il réussit au moins à réduire les tensions dans un pays de la Couronne.

Ce fut en même temps un exemple qu’il peut y avoir un fédéralisme non seulement sur le plan territorial, mais aussi personnel ; un principe d’une importance primordiale dans l’espace danubien où, en de nombreux endroits, il n’est pas possible de séparer les différentes nationalités selon des critères géographiques. Un autre pays modèle de la monarchie est la Bukovine qui a fait sien l’exemple de la Moravie.

Le travail de François-Joseph visant à l’équilibre, fut facilité par son rôle d’arbitre, se trouvant tout aussi bien au-dessus des partis que des nationalités. On a du reste, de tous côtés, tenu rigueur à l’empereur de cette position. C’est avec raison que Robert Ingrim a remarqué qu’il n’était pas reproché en règle générale, au vieil empereur d’avoir moins bien traité une des nationalités que d’avoir empêché chacune d’opprimer les autres. (Merci à Francky pour cet article)