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Avec réalisme, Maurice de Hirsch passa les années de 1891 à 1896 entre désespoir et euphorie. Il avait conscience que son grand projet ne serait pas ce qu’il avait souhaité mais il réalisait aussi qu’il avait sauvé des dizaines de milliers de vie, peut-être plus de cent mille, de juifs et de non-juifs, venant de Russie, de Roumanie et de l’Empire Ottoman, principalement. Il avait soulevé un grand espoir.

Sur le plan intime, il y avait la douleur de la perte de son fils, Lucien, qui s’il n’était pas un financier, n’en était pas moins un homme d’intelligence et de coeur. Il avait perdu contact avec Lucienne, sa  fille adoptive, qui était aussi sa petite-fille. Ses fils adoptifs ne lui donnaient pas le bonheur qu’il en avait attendu. Heureusement, il y avait à ses côtés, Clara, épousée le 26 juin 1855. Quarante ans de bonheur conjugal, de complicité, de grande entente intellectuelle et morale. Elle était la compagne idéale pour un homme comme lui, acceptant en silence mais sans amertume les infidélités qu’il avait faites.

Les attaques de ses ennemis l’avaient parfois laissé désarmé, parfois l’avaient rendu encore plus combatif. Le dernier avec qui il eut à se confronter n’était pas un ennemi, juste un homme qui ne le comprenait pas et qu’il ne comprenait pas, un homme qui pour toujours couvrit de son ombre la gloire de Maurice de Hirsch et de ses entreprises : Théodore Herzl.

 

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Théodore Herzl (1860-1904)

Théodore Herzl est aujourd’hui l’image emblématique du sionisme, du retour des juifs à la terre de leurs ancêtres, pour le meilleur comme pour le pire.

Mais Théodore Herzl n’avait pas toujours cela. Journaliste envoyé à Paris par la Neue Frei Presse, journal viennois libéral d’avant garde qui comptait parmi ses collaborateurs occasionnels : Hugo von Hofmannsthal, Stefan Zweig, Arthur Schnitzler et bien d’autres intellectuels, il ne voyait pas l’avenir du peuple juif en Terre Sainte. Il le voyait plutôt assimilé, voire converti au christianisme. Sa position rejoignait celle de l’essentiel de la bourgeoisie juive austro-hongroise. Elle n’était pas celle de Maurice de Hirsch qui, athée, n’en était pas moins resté fidèle à sa communauté et souhaitait la sortir de sa misère tout en gardant ses traditions et sa foi.

L’idée de l’émigration en Palestine n’était pas neuve en cette fin de siècle. L’Alya, son nom en hébreu, avait commencé de façon épisodique et incertaine, vers le milieu du siècle – on n’a pas vraiment de date – car en 1881, le recensement fait par l’empire ottoman, sous le protectorat duquel se trouve le territoire, fait état de 16 000 juifs environs. On suppose qu’ils étaient plus nombreux, peut-être 25 000 vivant dans les quatre villes principales. Les pogroms de 1881-1882 firent émigrer environs 10 000 personnes vers la Palestine, essentiellement des jeunes qui créèrent de petites colonies agricoles, en achetant les terres vendues par leurs propriétaires arabes ou ottomans.

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Jérusalem en 1865

Tout cela Maurice de Hirsch le savait mais il savait aussi par les rapports qu’il recevait que les autorités ottomanes n’étaient pas favorable à une émigration massive et que les terres n’étaient pas bonnes, demandant des années de préparation avant d’être mises réellement en culture. Il n’était pas hostile au projet a priori mais l’urgence de la situation en Russie ne permettait pas d’attendre.

 

4-pionniers-juifs-en-galilee-1913Pionniers Juifs en Galilée en 1913

L’Argentine offrait donc de meilleures possibilités et plus rapidement, même si nous avons vu les limites de cette colonisation dues plus à l’incompétence des dirigeants de la JCA qu’au pays lui-même, devenu une véritable terre d’accueil pour tous.

Les autres magnats juifs, y compris les Rothschild, étaient loin d’être enthousiastes pour faire de la Palestine la terre d’accueil du Peuple d’Israël. Théodore Herzl fut bouleversé par le procès puis le spectacle de la dégradation publique du Capitaine Dreyfus, place de l’Ecole militaire, qui crie, une fois dégradé : “Je suis innocent. Vive la France !”.

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Dégradation de Dreyfus

Il comprit alors les limites de l’assimilation du peuple juif, en réalité vite atteintes, car dans toutes les couches de la société, les juifs, assimilés ou convertis ne sont en réalité que tolérés, plus ou moins bien. Quelques duchesses, ou princesses, quelques grands financiers, quelques mariages entre enfants d’aristocrates et de banquier ne pouvaient faire illusion. L’Affaire Dreyfus fut le signe même de ces limites. Le juif était un étranger incapable de sentiment patriotique et prêt à trahir. Zola lui-même en écrivant “L’Argent “ ne pensait pas autrement. Il fallut à lui aussi l’Affaire Dreyfus pour le faire changer d’opinion et de camp. Le jour même de la dégradation, Herzl écrivit dans son journal : “ Ne nous berçons pas d’illusions, l’assimilation est une cause perdue.”

Le rêve de conversion des juifs qu’il avait fait était brisé. Il lui en fallait un autre. En février 1896, il publia “L’Etat Juif”. Partant du constat que les juifs sont de moins en moins supportés dans les états européens, quel que soit leur degré de libéralisme ou d’absolutisme et que de ce fait il leur faudra trouver une solution à cette situation, Herzl propose la création d’un état juif moderne, dans le seul endroit où un état juif avait existé, la Palestine. Il élabore un programme détaillé de la création du nouvel état avec toutes ses institutions.

 

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Couverture de la première édition, en allemand de l’”Etat juif”

La solution offerte par Herzl est loin d’être du goût de tous. Les populations juives d’Europe occidentale, en cous d’assimilation, ses compatriotes de Budapest ou de Vienne en tête, y sont farouchement opposés, les populations juives d’Europe orientale y sont favorables. Et cela s’explique tout naturellement car quoi de commun entre un bourgeois juifs vivant dans l’aisance à Paris ou à Londres, un juif pauvre mais libre et sans discrimination vivant dans ces mêmes capitales, et un juif riche ou pauvre, soumis au diktat du Grand Synode de Moscou, d’un tsar faible, d’une église orthodoxe et d’un parlement roumain antisémites.

 

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Famille juive à Jérusalem en 1900

Pour réaliser son projet, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Et seules les grandes familles de banquiers juifs peuvent l’aider, du moins le croit-il. C’est à Maurice de Hirsch qu’il pense en premier. Leurs idées sont identiques, sortir les juifs de la misère par l’immigration, mais le but ultime de l’émigration n’est pas le même. Il décide alors de rencontrer le baron et lui fait une demande d’audience. Ce dernier très occupé et qui ne connait Herzl que de très loin, en sa qualité de journaliste, lui répond d’exposer sa demande par écrit. Mais Herzl vexé de ne pas être reçu tout de suite répond qu’il ne peut sans danger confier son projet à la poste et il ajoute : “ Ce que vous avez entrepris jusqu’à présent est aussi magnanime que mal employé, aussi coûteux qu’inutile. Vous n’avez réussi qu’à être un philanthrope…”

Ce n’était pas la meilleure façon de s’attirer les grâces d’un des hommes les plus riches et des plus influents de la communauté juive mondiale. Il se mit toutefois à rédiger son projet. Maurice, de retour à Paris entre deux voyages, consentit à le recevoir le 2 juin 1895 à 10h 30 du matin.

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Escalier de l’Hôtel de Hirsch

L’entrevue se passa aussi mal que possible. Herzl était impressionné par le luxe de l’Hôtel de l’Avenue Gabriel, et par le nombre de valets qui l’introduisirent. Il n’avait que 35 ans et n’était pas habitué à un tel train de maison. Il venait malgré tout avec un esprit combatif décidé à emporter l’agrément de Maurice de Hirsch à son projet. Il commença à lui lire son projet assorti de remarques comme “…Je considère le principe de la philanthropie comme absolument nuisible…Vous formez des parasites. Il est significatif que nul peuple ne pratique autant la philanthropie et la mendicité que les juifs. La conclusion s’impose qu’il y a certainement un rapport entre ces deux faits.”

Un peu plus tard il ajouta : “Les colons sont motivés par le désir de continuer à vivre en parasites… Avec vos 20 000 juifs argentins vous ne prouvez rien du tout, même si ces gens réussissent. Mais si l’expérience échoue, vous aurez fourni un terrible argument aux antisémites…”

Maurice en colère répliqua : “ Assez de critiques. Que faut-il faire alors ?”. Après ces années de difficultés avec les colonies, et donc de doutes, Herzl l’avait touché au plus profond.

Il proposa à Maurice d’aider les juifs en faisant connaître au monde leurs qualités de bravoure, de sacrifice, de haute moralité, leurs compétences artistiques, scientifiques, et ce en créant des prix visant à récompenser les meilleurs. “Le haut fait récompensé étant inhabituel et glorieux, on en parlera partout. Ainsi les gens apprendront qu’il y a partout de bons juifs”.

Maurice répliqua violemment : “Non, non et non ! Je ne veux pas élever le niveau général des juifs. Nos malheurs viennent de ce que les juifs veulent grimper trop haut. Nous avons trop d’intellectuels. Mon intention est d’empêcher les juifs de trop se pousser en avant…Toute la haine des juifs provient de là.”

Herzl dit : “ …Je réalise maintenant qu’il est inutile de continuer de vous présenter mes idées.”

Pour le baron Herzl est un homme intelligent mais ses idées chimériques. Il lui affirme alors que l’émigration est la seule solution, ce à qui Herzl réplique “ Qui vous dit que je suis opposé à l’émigration ? C’est écrit dans mes notes.” “ Et où prendrez-vous l’argent ? Rothschild souscrira 500 francs”. Herzl dit alors : “ L’argent ? Je vais lancer un emprunt national juif de dix milliards de marks”. “Illusion, ricana Hirsch, les juifs riches ne donneront rien. Les riches sont méchants, ils ne s’intéressent pas aux souffrances des pauvres”.

C’en était fini de l’entretien. Herzl n’avait rien obtenu et sortit frustré. Le soir même il commença la rédaction de son livre qu’il comptait appeler “ Discours aux Rothschild” et qu’il appela “L’Etat juif”.

Le changement de nom s’explique. Il reconnut plus tard que son appel aux Rothschild avait encore été moins bien reçu que chez Hirsch. Seul de tous les Rothschild, le baron Edmond, de la branche française, était investi dans un projet d’installation de colonie juives en Palestine, depuis 1882, en achetant des dizaines de milliers d’hectares pour y accueillir les juifs russes victimes des pogroms. Il faisait en Israël, à une plus petite échelle, ce que faisait Maurice en Argentine. Mais aucun des deux ne partageait l’idée d’un état juif.

 

9-juifs-a-hebron-1895Juifs à Hebron en 1895

Les deux barons voulaient aider les juifs à sortir de la misère, ils n’envisageaient pas une solution  radicale. Herzl pensait en termes de sionisme politique. A ce jour, il semble avoir eu raison mais il a fallu bien des évènements dramatiques pour arriver à la constitution de l’Etat d’Israël. Mais ceci est une autre histoire. La Jewish Colonisation Association intervint toutefois en Israël de façon directe en finançant écoles et entreprises, création et exploitation de colonies agricoles, secours aux juifs nécessiteux de Jérusalem etc…

Herzl à la publication de son livre, en envoya un exemplaire à tous les juifs influents mais pas à Maurice de Hirsch, tant il avait été blessé par la réception qu’il lui avait faite. Chaque année, toutefois, la date anniversaire de la mort du baron était jour de deuil pour lui car il avait ressenti de l’affection pour lui et il se souvenait que le sionisme devait son existence à un livre né de leur incompréhension mutuelle.

L’idée su sionisme mit du temps à prendre dans l’esprit des populations juives d’Europe qui préférant de loin l’intégration avec une égalité totale de droits dans les pays où ils étaient nés à l’aventure d’une émigration vers un état nouveau, fût-il juif et religieux, ou peut-être parce qu’il était juif et religieux. Seule l’extermination systématique et à grande échelle du peuple juif durant la seconde guerre mondiale a pu permettre la création de l’Etat d’Israël et la justifier.

Maurice de Hirsch est décédé, probablement d’un arrêt cardiaque, le 21 avril 1896, dans sa soixante cinquième année. Il semblait se porter bien, mais un matin son valet de chambre l’a trouvé mort dans son lit. Il était alors en Hongrie à Ogyalla, chez des amis. Il était venu pour voir l’avancement des travaux de sa nouvelle propriété qu’il avait nommé Gereuth, justifiant ainsi son nom Hrisch Auf Gereuth.

Ses obsèques furent suivies, comme il a été vu au début, par une foule titrée et influente, digne de celles d’un chef d’état. Sa mort provoqua un émoi considérable dans la communauté juive en Europe ou en Amérique. Des deuils furent décrétés partout et la peine était profonde doublée d’une inquiétude pour l’avenir pour la plupart d’entre eux. Des hommages officiels furent rendus à Londres, à New York, à Montréal, à Buenos Aires, dans un internationalisme cher à son coeur.

Le testament de Maurice de Hirsch ne contenait pas de dispositions particulières concernant l’ensemble de ses fondations, rien pour le Baron de Hirsch Fund, rien pour la JCA. En réalité, il laissait à Clara, sa légataire universelle, le soin de gérer cette immense entreprise et de continuer à soutenir les oeuvres charitables comme elle le jugerait. Il avait totalement en confiance en elle car depuis le début, elle avait non seulement partagé ses vues, mais les avait souvent inspirées.

De son vivant elle dépensa des millions en faveur des employés des chemins de fer et les maîtres d’école de Galicie et de Bukovine. Elle fit construire un immeuble à New York, dans un quartier résidentiel, 63ème rue, près de Central Park et de Park Avenue, pour accueillir cinq cents jeunes filles nécessiteuses, de toute confession, afin de leur éviter la promiscuité des quartiers pauvres et mal famés.

Le Foyer Clara de Hirsch resta en activité jusqu’en 1960, puis trop vétuste, fut détruit et reconstruit, devenant une résidence universitaire comprenant deux cents chambres sur huit étages, et un centre culturel de loisir. Il existe toujours.

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Foyer Clara de Hirsch à New York- la salle à manger

Clara de Hirsch aimait les enfants, les siens et ceux des autres. La mort de son fils avait été un drame et elle reporta son amour maternel sur ses fils adoptifs en premier, et ensuite sur tous les enfants connus ou inconnus auxquels, elle pouvait faire du bien.

Elle mourut à Paris le 1er avril 1899 en laissant des centaines de millions aux différentes oeuvres créées par elle et son mari, après avoir dépensé quinze millions de dollars en charité, dont huit cent mille seulement pour le foyer de jeunes filles de New York.

Il serait fastidieux de décrire le testament de la baronne de Hirsch tant les legs sont nombreux et divers. L’un d’entre eux est la constitution de 25 rentes viagères de 3000 Francs chacune destinées à “des femmes du monde réduites à la misère par des revers de fortune”, un autre 2 millions de francs pour l’Institut Pasteur ou 20 millions de francs pour les Ecoles Normales d’Orient etc…Les hôpitaux, les écoles etc… n’ont pas été oubliés en Allemagne, en Angleterre, en Turquie, aux Etats-Unis etc…

Elle fit aussi des legs importants pour les membres de leurs familles, neveux, nièces, parents éloignés qu’elle savaient dans la gêne.

Elle laissa également vingt millions à Arnold de Forest et quinze millions à Raymond de Forest, ses fils adoptifs. A la mort de ce dernier Arnold se vit à la tête de 35 millions de francs. Né Deforest, il fut après son adoption Maurice Arnold de Forest-Bischoffsheim, puis Maurice Arnold de Forest-Bischoffsheim, Baron de Forest, puis Maurice Arnold de Forest et enfin Maurice Arnold de Forest, Comte de Bendern. Cette longue suite de noms montre l’ingratitude de cet homme, tiré de la misère par deux généreuses personnes, qui assurèrent son avenir matériel et lui donnèrent une position sociale de premier ordre en Europe et qui en furent remercier par la honte qu’il avait de l’origine juive de sa fortune au point de laisser tomber le nom de Bischoffsheim, pourtant si honorable à la fois par la réussite de cette famille dans les affaires et par sa contribution à la philanthropie. La descendance de Maurice Arnold existe toujours et certains d’entre eux continuent de vivre sans travailler grâce à l’argent laissé par Maurice et Clara de Hirsch. Ils appartiennent pour la plupart à l’aristocratie britannique. L’une d’entre eux, Caroline de Bendern fut toutefois la “Marianne de Mai 68” après avoir été photographiée le 13 mai 1968 dans une manifestation à Paris, agitant un drapeau vietnamien, ce qui lui valut d’être déshéritée par son grand-père.

L’oeuvre de Maurice et Clara survécut tant bien que mal. La JCA n’a pas perduré au-delà de cinquante ans après sa fondation. Cependant elle n’en aida pas moins de 20 000 familles, soit environ 120 000 personnes, bien loin des objectifs de Maurice de Hirsch. Mais le mouvement migratoire vers l’Argentine était créé et dans les années 50 on comptait environ 500 000 juifs en Argentine. Ce nombré décrut jusqu’à 300 000 aujourd’hui du fait d’une émigration massive vers le nouvel état d’Israël.

Six cent mille hectares de terre furent acquises tant en Argentine, foyer principal, qu’au Brésil, en Uruguay, au Paraguay et au Chili. Les contrats qui furent signés furent plus souples et le possibilités de remboursement plus longues. La JCA continuer d’assurer les services culturels, sanitaires ou sociaux. Elle mit en place un système de colonisation en deux temps. Dans un premier temps, les colons se voyaient attribuer de petites parcelles de 10 à 25 hectares destinées à l’apprentissage de l’activité agricole. Puis venait l’attribution d’un lot de 50 hectares qui pouvait être porté jusqu’à 100 hectares dans certains cas, avec une plus grande liberté de choix des cultures ou de l’élevage. Mais pas tous les colons ne s’adaptaient au travail de la terre et partaient chercher du travail en ville abandonnant leur ferme. Ceux qui ont persisté ont réussi à trouver une véritable indépendance et ont connu le succès, suscitant en retour l’envie et la jalousie des non juifs, alimentant à nouveau l’antisémitisme.

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Plan d’une colonie au Brésil

Avant la guerre, les propriétés abandonnées en Amérique du Sud ont été attribués à ceux qui fuyaient l’Allemagne nazie, puis après la guerre, celles abandonnées en Nouvelle Angleterre, au Connecticut et au Canada furent attribués aux survivants de l’Holocauste.

Beaucoup d’immeubles, écoles, hôpitaux construits par eux en Galicie et en Bukovine furent pris après la deuxième guerre mondiale par les gouvernements polonais et roumains.

Les noms de Maurice et Clara de Hirsch sont aujourd’hui presque inconnus du grand public, à la différence de Rothschild ou Herzl, pour les raisons évoquées. C’est injuste car comme l’a écrit Hippolyte Prague dans les Archives Israélites le 30 avril 1896, “ Il pouvait à l’exemple de tant de ses confrères en opulence de toute race et confession jouir en prodigue des biens considérables que son intelligence hardie et industrieuse, l’audace de son coup d’oeil, un sens merveilleux des affaires servi admirablement par les circonstances avait réuni en ses mains. Il pouvait grâce aux ressources de sa fortune s’abandonner tout entier à la joie de vivre toute sa vie, un rêve des mille et une nuits. Le baron…considérait la fortune non comme le but de l’existence mais comme un des plus puissants moyens de réparer les injustices sociales…Le caractère original de sa philanthropie, qui sort des sentiers battus, fait de lui un innovateur…Il n’était attaché au judaïsme que par les liens de la solidarité, une profonde pitié pour les souffrances de ceux de sa race…”

Cette vision juste de Maurice de Hirsch ne doit toutefois pas faire oublier qu’il aimait profondément les plaisirs de la vie que procure une immense fortune, qu’il aimait aussi fréquenter les puissants du monde et tous les signes extérieurs de richesse. Clara était bien différente. Le luxe l’indisposait et elle vivait en ascète au milieu de ces richesses, n’acceptant de paraître que pour faire plaisir à son mari.

Dans l’hommage qui lui a été rendu par l’Alliance Israélite Universelle, on peut lire : “comme elle fuyait la publicité, ce serait trahir sa mémoire que de publier les bienfaits que son admirable délicatesse voulait tenir secrets. Encore moins est-il permis de dire combien de famille elle a aidées, relevées, sauvées. Elle ne résistait à aucune sollicitation intéressante ; répondait à tous les appels, se préoccupait de toutes les infortune qui lui étaient signalées, s’ingéniait à ménager les susceptibilités des malheureux….”

Peu avant sa mort Clara de Hirsch avait décidé de faire construire une école à Paris à laquelle elle avait décidé de donner le nom de son fils, Lucien. Cette école était destinée à permettre aux enfants juifs, des deux sexes, arrivant en France de s’adapter rapidement à la culture de leur nouveau pays. L’école fut inaugurée en 1901.

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Salle de classe à l’origine

Elle était prévue pour accueillir une centaine d’enfants, dans les meilleures conditions. Elle connut un développement rapide. Le 17 août 1944, cent dix enfants de l’école furent déportés à Auschwitz-Birkenau. Quelques-uns en reviendront. L’école survécut à la Shoah et fut même agrandie, grâce au baron Alain de Rothschild. En 1962, elle accueillit les enfants juifs d’Algérie. Les matières religieuses et l’histoire juive y sont enseignées mais aussi toutes les matières qui permettent d’obtenir le baccalauréat. Elle accueille aujourd’hui 1200 élèves.

 

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L’école Lucien de Hirsch aujourd’hui

Mais les deux, avant comme après la mort de leur fils, ont aussi et beaucoup pensé aux autres avec lesquels ils ont su partager cette immense richesse, pour les sortir de la misère et de la peur. Ils n’ont certes pas régler le problème de l’antisémitisme, ils ont simplement tenté de réparer ses conséquences terribles pour des centaines de milliers d’entre eux. (Un grand merci à Patrick Germain pour cette longue fresque historique consacrée à la famille des barons de Hirsch et en particulier à l’histoire du baron Maurice de Hirsch)

 

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Clara de Hirsch