C’est dans la nuit du 31 juillet au 1 août 1993 que la Belgique a appris le décès du roi Baudouin à Motril en Espagne. Le choc fut immense. Baudouin I régnait sur le pays depuis 1951 et la plupart des Belges n’a connu que son règne. Les derniers mois de sa vie, bien qu’affaibli au niveau de sa santé, le roi Baudouin avait multiplié les visites sur le terrain : rencontre avec des personnes défavorisées dans un « resto du coeur », son combat contre la prostitution et la traite des êtres humains, visite des éboueurs à Bruxelles-Propreté ou encore un trajet en métro à Bruxelles. Autant d’apparitions où il s’était montré plus proche, plus accessible que jamais. Toujours à l’écoute, toujours avec un geste pour son interlocuteur.

Les personnes qui ont eu l’opportunité de rencontrer le roi Baudouin et d’échanger quelques mots avec lui, sont unanimes. On n’oublie jamais un tel instant et surtout le regard si pétillant du souverain qui faisait que vous vous sentiez au centre de ses préoccupations et de son attention.

Ce décès intervenu quelques jours après la Fête Nationale du 21 juillet plonge le pays dans un état de choc total. Malgré le fait que ce soit la période estivale, la foule afflue très rapidement devant les grilles du Palais royal de Bruxelles et apporte des fleurs en quantité y compris au château de Laeken ou au château de Ciergnon dans les Ardennes. Des drapeaux belges sont installés un peu partout, fait suffisamment rare que pour être souligné.

Le retour de la dépouille du souverain par avion à l’aéroport de Melsbrouck dans la nuit du 1 au 2 août 1993 se passe en présence d’une foule compacte tout le long du trajet entre Melsbrouck et le château de Laeken. La translation de la dépouille du souverain entre le château de Laeken et la Palais royal de Bruxelles avec une halte au Monument du Soldat inconnu est un moment d’intense émotion. Les Belges veulent être là et montrer tout leur soutien à la reine Fabiola. Quelqu’un criera même « Courage Madame la Reine », déclenchant une vague d’applaudissements.

La dépouille du Roi sera ensuite installée au Palais Royal de Bruxelles où les autorités défilèrent avant de laisser les citoyens se recueillir à leur tour. Des files d’une attente parfois de 10 heures se forment rapidement. La vue aux abords du palais est spectaculaire : une véritable marée humaine. Les services de secours seront mis à grande contribution en raison de la chaleur.

Comme l’indiquera le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Louis Tobback face à cette déferlante populaire : « On fait ce que l’on peut mais si toute la Belgique est ici, c’est vrai que cela devient difficile ».

Jour et nuit, les Belges resteront devant le Palais. La reine Fabiola fera quelques apparitions à l’une des fenêtres afin de remercier cet élan de soutien.

La veille des funérailles, des centaines de personnes campent devant le Palais royal afin d’être en bonne place pour le dernier adieu au roi. Un » B » comme Baudouin a été composé à partir des fleurs déposées par le public et est installé sur le perron du Palais.

Vêtue de blanc, couleur de l’espérance, la reine Fabiola entourée par son beau-frère Albert et sa belle-soeur Joséphine-Charlotte, préside le cortège funèbre. A pied, la famille royale et les invités royaux (les souverains espagnols, l’empereur et l’impératrice du Japon, le roi et la reine de Suède, la Famille grand-ducale, le prince Victor-Emmanuel et la princesse Marina de Savoie, la reine de Danemark et le prince Henrik, les princes de Liechtenstein,…) se rendent à la Cathédrale Saints Michel et Gudule, précédés par un impressionnant cortège de gerbes de fleurs.

Dans la cathédrale, d’autres invités attendent déjà dont le président Mitterrand, le prince Rainier de Monaco, la reine d’Angleterre et le duc d’Edimbourg, le Grand Maître de l’Ordre de Malte, la présidente d’Irlande, le prince du Maroc, le comte et la comtesse de Paris, le président italien Oscar Luigi Scalfaro, la reine Marie José d’Italie et son petit-fils Rafael Reyna, le comte Carl Bernadotte (frère de la reine Astrid), le prince et la princesse Napoléon, la grande-duchesse Maria de Russie…

Une cérémonie empreinte d’espoir comme l’a souhaité la reine Fabiola qui a veillé à tous les détails. Homélie du cardinal Daneels soulignant que le roi avait été un berger pour son peuple, interventions de Chris De Stoop (auteur d’un livre sur la prostitution et que le roi avait rencontré peu auparavant à Anvers) et de Luz (une jeune femme des Philippines qui avait réussi à sortir de l’enfer de la prostitution et que le roi avait soutenue), Nathan Clumek professeur à l’hôpital Saint-Pïerre de Bruxelles et s’occupant des malades du SIDA, chansons de Julos Beaucarne et Will Tura ou encore prestation du baryton José Van Damme. Un écran géant installé sur la Grand Place de Bruxelles permet au public de suivre la retransmission télévisée.

La dépouille du roi prit ensuite le chemin de l’église Notre-Dame de Laeken pour un dernier office religieux plus familial. Tout au long du parcours dit « Tracé royal », une foule toujours aussi dense.

Après l’hymne national « La Brabançonne », la dépouille du roi Baudouin est descendue dans la crypte. Une page de l’Histoire de la Belgique se tournait. Comme le résumait le journaliste Fernand Colleye dans un très beau documentaire : « Les 10 jours qui bouleversèrent la Belgique ». (Copyright photos : Sygma, Corbis)