Le 3 octobre à Paris, eut lieu une conférence intitulée « Marie-Antoinette et Fersen » en présence du Duc de Bauffremont, ainsi que du Prince et de la Princesse de Bauffremont. Elle était donnée par Gérard Ousset, président de l’association Marie-Antoinette, et par Cécile Coutin, soprano et vice-présidente de l’association.

La conférence commença par un rappel historique du contexte de la révolution, en commençant par la convocation des états généraux. A cette époque, Marie-Antoinette connaît Fersen depuis leur rencontre en 1774 à un bal masqué. Leur correspondance commence en 1883, selon le journal de Fersen, dans lequel il désigne Marie-Antoinette par le prénom de Joséphine.

 

Lors de l’ouverture des états généraux, le Roi fut applaudi, et la Reine accueillie par le silence. Après le 14 juillet, Louis XVI s’est posé la question s’il fallait partir ou non. En octobre 1789, une médaille fut frappée ; pour commémorer le retour du Roi à Paris. La tranche de cette médaille porte l’inscription « j’y ferai désormais ma demeure habituelle ».

Le Palais des Tuileries n’était pas prêt pour recevoir la famille royale. On se réinstalle tant bien que mal, avec une étiquette un peu réduite. La Reine commande des meubles, car la famille royale pense que la Révolution est terminée, et que le pire est derrière eux. La vie officielle reprend, avec des sorties comme la messe et le spectacle. A cette époque, le Roi est vu comme le Souverain qui a su gérer le changement. Pourtant, Marie-Antoinette écrivit à Fersen : « C’est un enfer que notre intérieur ». Elle faisait allusion aux discussions politiques entre Madame Elisabeth, hostile à la Révolution, et qui voulait reconquérir le pouvoir grâce à l’aide de l’étranger, et Louis XVI, plutôt favorable aux idées nouvelles.

A cette époque, Fersen réunit des fonds grâce à Crawford, riche britannique. Fersen, ennemi numéro 1 recherché par la police rentra clandestinement à Paris pour voir le couple royal. La raison de ce voyage est avant tout politique, car Fersen estime que Marie-Antoinette ne suit plus ses conseils et va se perdre. Après avoir vu le couple royal, Fersen se rendit chez Crawford pour voir sa maîtresse, Madame Sullivan, pendant huit jours. Après ce rappel historique, le conférencier donna lecture de quelques lettres.

28 juin 1791 (juste après l’échec de la fuite de la famille royale) : la Reine à Fersen : « Rassurez-vous, nous vivons ». Le conférencier donna ensuite lecture d’une lettre dont certains passages manquaient, car ils n’avaient pas été déchiffrés. Grâce au travail d’une équipe de l’Université de Cergy Pontoise, c’est chose faite depuis deux ans. Monsieur Ousset relut la lettre, laissant Cécile Coutin compléter les passages manquants (retranscrits ici en majuscules)

29 juin 1791 : la Reine à Fersen « J’existe MON BIEN AIME ET C’EST POUR VOUS ADORER Ne revenez ici sous aucun prétexte, nous sommes gardés à vue jour et nuit. Cela m’est égal VOUS N’ETES PAS ICI. Adieu.  Je ne parviendrai plus à vous écrire MAIS RIEN NE M’EMPECHERA DE VOUS ADORER JUSQU’À LA MORT. »

28 septembre 1791 : la Reine à Fersen : « Je n’ai plus de vos nouvelles ». Elle évoque ensuite l’acceptation du Roi (de la constitution). Elle évoque « cette vilaine race d’hommes qui ne nous ont fait que du mal ». A l’époque, Fersen se trouvait à Bruxelles, alors en territoire autrichien.

29 septembre 1791 : la Reine à Fersen (lettre sujette à caution, car elle fut recopiée par un historien dans les années 30, mais l’original n’a jamais été retrouvé) :  « je vous aime »

10 octobre 1791, Fersen à la Reine : « Voulez-vous être aidée ? Avez-vous un plan et quel est-il ? »

18 octobre 1791, Fersen à la Reine : « Que votre cœur ne se laisse pas aller aux enragés » (allusion à la correspondance entre la Reine et Barnave. Dans sa réponse, la Reine dira « je ne me laisse pas aller aux enragés, je me sers d’eux »)

A partir de cette période, les lettres sont écrites de plus en plus souvent en code. Dans une de ses missives à Fersen, la Reine se plaint que l’encre sympathique ne fonctionne pas. Ils décident de numéroter leurs lettres, afin de détecter une possible interception (22 décembre 1791). En apparence, les lettres sont anodines, mais elles recèlent en réalité des informations secrètes, y compris, de la part de la Reine, des informations militaires confidentielles.

Par exemple, 28 février 1792, la Reine à Fersen : « Dumouriez part demain (…) il a promis d’insurger le Brabant ». En juin 1792, une première tentative de prise des Tuileries échoue. La Reine écrit à Fersen le 6 juillet : « J’existe encore, mais c’est un miracle ». Les lettres de la Reine prennent alors la forme d’appels au secours. Elle écrit le 20 juillet 1792 « la troupe des assassins grossit chaque jour ». La dernière lettre connue de la Reine à Fersen date du 1er aout 1792. Elle est écrite à l’encre sympathique. « La vie du Roi est menacée (…) Les assassins rodent (…) on excite le peuple (…). Le 10 aout 1792, Fersen, qui n’a pas connaissance de la prise des Tuileries écrit à la Reine « je regrette bien que vous ne soyez pas sortis de Paris ».

L’équipe de chercheurs qui a pu déchiffrer la lettre évoquée plus haut estime que, grâce aux moyens modernes, la radiographie en particulier les lettres raturées sont désormais déchiffrables. Malheureusement, il en reste peu, puisque le Baron Klinckowstrœm a détruit les lettres après les avoirs publiées. Par chance, il en a oublié quelques unes, qui sont parvenues jusqu’à nous.

La conférence se conclut par la « Romance du Pauvre Jacques », interprétée par Cécile Coutin. Cette chanson, peut-être un peu oubliée aujourd’hui, fut composée par Marie-Antoinette. En voici l’histoire : Quand Louis XVI offrit le domaine de Montreuil à sa sœur Madame Elisabeth, celle-ci voulut l’organiser en s’inspirant du Trianon, et du hameau de la Reine en particulier. Elle acquit donc un troupeau de vaches. Pour s’en occuper, elle fit appel à un vacher du village suisse de Bühl nommé Jacques Bosson. Celui-ci devenait de plus en plus triste, car sa fiancée Marie-Françoise était restée au pays. Madame Elisabeth fit venir la bien-aimée de son vacher, et les deux amoureux se marièrent en l’église de Saint-Symphorien le 28 mai 1789. En souvenir de cette histoire, Marie-Antoinette écrivit une mélodie, sur laquelle la marquise de Travanet ajouta des paroles. Cette chanson eut un grand succès, à tel point qu’elle fut utilisée par les immigrés et les révolutionnaires, chacune des versions ayant des paroles différentes. Pour les premiers, la chanson modifiée fut baptisée « Marseillaise des immigrés ». L’interprétation de cet air, avec les paroles originales, conclut la conférence. (Merci à Sophie Lbm pour ce compte-rendu détaillé – Copyright photos : Odile Maurice)