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Le Mori Art Center gallery à Tokyo présente l’exposition « Marie-Antoinette, une reine à Versailles » jusqu’au 25 février 2017. Olivier, lecteur de Noblesse et Royautés nous en fait un compte rendu depuis le Japon.

« La fascination pour Marie-Antoinette reste intacte au Japon. Le succès de l’exposition « Marie-Antoinette, une reine à Versailles » en est une preuve patente. Et pourtant, bien que le monde se presse à cette riche exposition, le visiteur n’a jamais la sensation d’être étouffé par la foule… C’est là l’un des plaisirs de vivre au Japon… Les gens restent attentifs à ne pas déranger leurs voisins… Même dans les mouvements de foule!

L’exposition n’est pas centrée uniquement sur la vie de Marie-Antoinette à Versailles. En réalité, elle retrace la vie de la reine, depuis son enfance à la cour d’Autriche sous la houlette de la sévère figure maternelle Marie-Thérèse, jusqu’à la Révolution et la triste fin de la reine sur l’échafaud.

Tout cela nous est raconté à travers les objets de la vie quotidienne : tableaux, meubles, arts décoratifs, vie de table, et, surtout, ce qui est considéré comme le clou de l’exposition, la reconstitution de la salle de bain de la reine, de sa chambre à coucher ainsi que de sa bibliothèque (aujourd’hui disparue).

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Petite déception sur ce dernier point… Ces reconstitutions, d’un point de vue français, restent un peu creuses… Sachant que le Mori Art Center se trouve dans une tour de Tokyo, et que l’exposition se situe au 52ème étage, sans fenêtre accessible depuis le centre d’exposition… Difficile, donc, d’y « ressentir » l’atmosphère versaillaise, avec sa lumière naturelle et sa vue imprenable sur le parc… Quand bien même les fenêtres du château ont elles aussi été « reconstituées ».

Cependant, soyons juste, il s’agit d’une exposition pour des Japonais (dont beaucoup n’ont pas eu la chance de voyager… Ou en tout cas de voyager en France et de visiter le château de Versailles).

Autre regret sur ces reconstitutions : la salle de bain a repris la disposition telle qu’elle existe à Versailles, ce qui inclut la restitution de la reine à sa toilette, aidée d’une suivante et d’une femme de chambre lui apportant un thé… Sauf que, ces « personnages », même à Versailles, sont faits de fil de fer et portent des « vêtements » de papier (et non de vrais vêtements d’époque)… Pourquoi ? Mystère… En tout cas, cela casse littéralement l’ambiance de la pièce. Enfin, la reconstitution de la bibliothèque… Est en fait une vidéo 3D projetée dans un coin d’une salle devant laquelle passe le spectateur.

Alors, oui, on peut louer la prouesse technique (avec ouverture « magique » de fenêtres virtuelles et envolées de pages de livres par ladite fenêtre), mais aucune information concrète sur le contenu de la bibliothèque, et rien à voir de concret en ce qui concerne son architecture, ses ornements, etc. Bref… Peu utile pour les vrais curieux.

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Enfin, dernière critique sur la mise en scène de l’exposition : organisée en 13 « chapitres » (au Japon le chiffre 13 ne porte pas malheur!!), depuis « I. de Vienne à Versailles, de l’archiduchesse à la dauphine« , jusqu’à « XIII. Le culte de la reine martyr » chaque étape est déclinée sous une couleur de fond différente. La première se décline sur fond rouge, d’autres sur fond noir, violet, etc. Or, certaines couleurs (comme la violette notamment), ne mettent pas du tout les toiles en valeur… Ce qui semble contre productif. Alors que le rouge de l’entrée leur donnait une présence incroyable.

Par ailleurs, pour certains objets (tapisseries notamment, mais pas seulement), l’éclairage était nettement insuffisant (sans doute par peur d’abîmer les matières), et il était finalement assez difficile de se faire une idée de la splendeur qui avait été la leur dans le cadre de Versailles.

Cependant, c’est autrement que le charme de l’exposition agit ! Le clou du spectacle, donc, se situe ailleurs que là où on l’attendait.

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Ce sont sans nul doute l’impressionnante collection de toiles rassemblées (pas seulement venues de Versailles, mais d’Autriche, de Suède, de Washington, du musée Carnavalet, du musée de la Révolution de Vizille), ainsi que les services de porcelaines de Sèvres qui emportent le spectateur.

Sans conteste, ce sont les toiles de Vigée Le Brun qui impressionnent le plus (par leur taille, certes, mais surtout pour la délicatesse de leur touche et leur préservation ahurissante – j’ose croire qu’il ne s’agissait pas de reproductions !).

Et, là encore, l’avantage d’aller à une exposition au Japon s’avère fructueux… Pas de barrière (ou si peu) face aux oeuvres… En d’autres termes, connaissant le respect des Japonais pour les oeuvres, les commissaires d’exposition n’imposent pas de distance excessive entre le spectateur et les peintures. On était littéralement à 15cm de ces chefs-d’oeuvre. Cela donne toute aisance pour la contemplation de près comme de loin, lorsque l’on désire regarder les toiles sous tous les angles.

Je ne m’y attendais pas, mais le nombre d’oeuvres exposées (197 en tout selon le catalogue), parvient finalement à donner la mesure de la richesse de la cour de l’époque… (il faut presque 2h00 pour faire le tour). Mais, surtout, donne vraiment envie de « voir la suite » in situ. Par ailleurs, rien n’est « dissimulé » de la vie de reine (il n’y a donc pas tentative d’imiter l’idolâtrie dont elle a été l’objet sous la restauration), puisque l’affaire avec le baron Fersen est particulièrement bien documentée. Le catalogue (dont je reparle plus loin) comportant même des fac-similés de leur lettres chiffrées accompagnées du code pour les décrypter.

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Ce qui m’a fasciné le plus, avant même le fameux collier de la reine, dont la réplique reste une merveille, ce sont, donc, les porcelaines de Sèvres… Et plus particulièrement, le sublime service « à perles et barbeaux » réalisé en 1781 par la manufacture (et comportant initialement 293 pièces, dont 96 assiettes). La prouesse artisanale/artistique de réalisation est époustouflante. Le détail, remarquablement préservé, du décor peint en dit long sur la qualité du travail accompli ainsi que sur la qualité des matériaux employés pour ces réalisations.

Parmi les autres services exposés: une partie du Service « Japon » (évidemment!) réalisé en 1777 et une partie du Service « riche en couleurs et riche en or » (1781).

Pour (presque) clore, en beauté (mais aussi de façon un peu mélodramatique, il faut le dire) cette exposition, le spectateur est confronté dans la partie de l’exposition consacrée à « XI. La reine dans la tourmente révolutionnaire » à l’immense tapisserie que celle-ci accomplit avec l’aide de sa belle-soeur Madame Elisabeth. Ce travail réalisé au point de croix, brodé de lin, laine et soie, mesure pas moins de 4,17m de hauteur et 6,41m de longueur. La tapisserie aurait dû devenir le tapis de la salle du trône du château des Tuileries, où la famille royale était alors en résidence surveillée.

Mais, l’exposition ne pouvait finir sur Marie-Antoinette sur l’échafaud (n’oublions pas que le Japon est un Empire où l’Empereur est vénéré par une grande partie de la population), le dernier chapitre de l’exposition « XIII. Le culte de la reine martyre » déborde donc sur la période de la restauration et sur le culte voué par les survivants de l’aristocratie et les royalistes de l’époque pour cette reine qui servit de bouc émissaire de tous les maux français en période de Révolution.

Enfin, Japon oblige, impossible d’échapper, après cette exposition riche et forte (malgré les quelques défaut sus-nommés), au marketing… La salle consacrée aux « produits dérivés » était finalement plus difficile à pratiquer que l’exposition elle-même… Celle-ci étant grevé d’un bon tiers de sa surface par…. Un stand de macarons « Ladurée » (et bien oui, les macarons préférés de la reine avaient bien droit à la première loge du merchandising!!!).

Le catalogue, toujours somptueux quelle que soit l’exposition au Japon (voir photos), a le grand mérite (quelle que soit l’exposition encore une fois) d’être accessible pour toutes les bourses (entre 10 et 20€, selon le taux de change actuel).

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Comme toujours, de même, pour les expositions d’oeuvres étrangères, le catalogue, issu d’un partenariat avec le musée de Versailles, comporte une partie en français, en plus de la liste des oeuvres commentées. Un texte de Gwenola Firmin porte sur « Les portraitistes de la reine » tandis qu’un texte de Bertrand Rondot porte sur « Le goût de la reine ».

Pour le reste, la salle de marketing déploie toujours des trésors d’adresse afin d’attirer le chaland.

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On pouvait acheter « La Rose de Versailles » (Riyoko Ikeda) ou « Marie-Antoinette. La Jeunesse d’une reine » (Fuyumi Soroyo) (en VO, évidemment), des savons déclinés sous les « couleurs » rose bonbon de Marie-Antoinette (évidemment, d’après le film de Sofia Coppola, aussi en vente à cette occasion)… Une ribambelle de colifichets (bijoux de pacotilles estampillés Marie-Antoinette ou Versailles), et surtout, quantité de gâteaux, sablés et douceurs (en sus des macarons), estampillés de même. Étrangement, aucun livre d’histoire ou biographique sur Marie-Antoinette (à part la version subjective de Stefan Zweig). on n’y trouvait que des récits plus où moins romancés et fictifs (il ne faut pas trop casser l’image idéalisée/romantique de la reine tout de même).

Souvent, dans les expositions d’art, des lutins (portes-documents en plastique, pour ceux qui ne connaissent pas) sont édités avec des reproductions de tableaux… Pour cette fois-ci, je me suis abstenu, car le rose bonbon dominant de ces pochettes était un brin trop rose bonbon à mon goût (et complètement hors sujet à mon sens, puisque les toiles représentées se trouvaient noyées sous cette couleur sous amphétamine)… je me suis contenté d’acheter les très jolis marque-pages reproduisant le détail de certains portraits de la reine (trois de Vigée Le Brun, un de Franz Xaver Wagenschön, voir photos).

Au final, on ressort de cette exposition avec une seule envie… Se ruer à Versailles afin de « sentir » tout cela de façon plus concrète et réelle. Pour cela, au moins, l’exposition est une réussite… Nul doute que le tourisme japonais va être quelque peu relancé en France dans les mois qui viennent ! (Un grand merci  Olivier pour ce reportage à Tokyo)