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La plus ancienne mention concernant la Mosson remonte au début du XVIe siècle: en 1514, Dame Anne Martine vend le domaine à la famille de Buccelli. En 1571, Charles IX érige la terre en baronnie en faveur d’Antoine Bucelli. Sans doute est-ce à cette occasion qu’un premier château est construit.

En 1681, Etienne de la Tour de Buccelli de Reynies, baron de la Mosson, vend les terres et la seigneurie à François de Bécherand, sieur de la Mote et de Malbosc, conseiller du roi en sa cour des comptes. Le domaine passe ensuite au financier Jean Sartre, mais sa faillite le pousse à le vendre à Joseph Bonnier en 1710.

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Lorsque Joseph Bonnier acquiert le domaine de la Mosson, il est écuyer, conseiller, secrétaire du roi, Maison, Couronne de France et de ses Finances. En 1711, il achète la charge de Trésorier des États du Languedoc qui l’enrichit considérablement. Sa fortune devient considérable, la septième fortune du royaume. En 1723, il entreprend la construction d’une résidence sur le domaine de la Mosson. Il fait démolir l’ancien château pour édifier une demeure à la mesure de sa puissance et de sa richesse.

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Mais 3 ans après le début des travaux, Joseph Bonnier meurt. Le chantier est repris par son fils et héritier: Joseph II Bonnier de la Mosson. C’est à lui que revient le choix de la décoration somptueuse et des artistes qui vont faire la renommée de la Mosson. Les travaux paraissent achevés en 1729 et l’aménagement des jardins se poursuit au moins jusqu’en 1741. Il crée une orangerie où cent quatre-vingt-six jarres contiennent des plantes rares. Dans une fosse, il élève des bêtes fauves.

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Le château est une vaste demeure moderne, ouverte sur des jardins évoquant ceux de Versailles, décorés de groupes sculptés et animés de pièces d’eau. Le bâtiment est composé d’une avant-cour délimitée par deux ailes de communs, précédant un vaste corps de logis en forme de U autour de la cour d’honneur. Quatre-vingts domestiques entretiennent en permanence la propriété.

A cette époque, la vie fastueuse et la richesse des lieux font du domaine un véritable palais. C’est la plus riche et la plus belles de toutes les folies érigées autour de Montpellier.

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Le corps central du logis est le plus complexe. Deux ailes en retour d’équerre sur la cour dégagent deux petites cours intérieures de part et d’autre du noyau central qui forme une rotonde côté jardin. L’élévation sur deux niveaux est surmontée par un comble dont la forme exacte est incertaine. Beaucoup d’incertitudes demeurent sur l’identité de l’architecte à l’origine du bâtiment: il s’agit certainement du montpelliérain Jean Giral qui a réalisé le château de la Mogère.

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Nicolas Adam séjourne à Montpellier de 1724 à 1726 au service des Bonnier. Il travaille dans le parc et sur le château. Le bas-relief du fronton de l’avant-corps central et le décor du salon de musique sont un vestige spectaculaire de l’ambition du programme sculpté réalisé pour ce site.

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La pièce maîtresse du rez-de-chaussée est le vestibule (salle rectangulaire au centre), desservant deux escaliers de part et d’autre et le salon de musique (salle ovale au centre). Cette pièce incurvée côté jardin donne d’un côté sur un appartement de parade (à gauche) composé d’une avant-chambre, d’une chambre et d’un cabinet. De l’autre côté se trouvaient trois pièces de réception (à droite): un salon de compagnie, un petit cabinet et un cabinet de musique.

 

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La mention de pièces mansardées donne une indication sur la forme que devait avoir la toiture, probablement composée d’un comble brisé, et non d’une toiture plus plate comme cela se faisait dans la région de Montpellier, par exemple au château de la Mogère.

 

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Depuis la fin du XVIIe siècle, les réalisations notables de province ont pour prototype la réalisation de Le Vau à Vaux-le-Vicomte. Le château de la Mosson semble être un petit frère provincial de ce dernier, particulièrement du côté des jardins où sa façade du corps central affecte une forme incurvée.

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Le grand salon dit « salon de musique » fit la célébrité des lieux dès son origine: il fut la première salle de spectacle privée de Montpellier. Il s’agissait d’une vaste pièce à l’italienne, élevée sur deux niveaux, avec une tribune courant le long du deuxième étage.

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Les somptueux décors sculptés laissent entrevoir les fastes de cette demeure. Cette pièce, probablement la plus extraordinaire du château, donnait sur un appartement de parade fort riche et sur un appartement consacré à la musique et dont le salon à l’italienne était la pièce maîtresse.

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La façade sur cour a été restaurée mais des incertitudes demeurent sur la toiture. Elle a conservé certains mascarons finement sculptés. L’inventaire de Joseph Bonnier décrit le comble comme étant mansardé, ce qui est une exception dans la région où les toits à faible pente sont garnis de tuile.

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Construit en 7 ans, le château de la Mosson devient un lieu à la mode. Des concerts et des fêtes réputées y sont organisées. Certaines sont restées célèbres comme celle donnée lors de la naissance du fils de Louis XV.

Mais le domaine connaît une fin tragique. Joseph Bonnier fils meurt subitement en 1744 à l’âge de 42 ans. Sa veuve doit faire face à de nombreux créanciers car la fortune de Bonnier est dilapidée. Elle vend le palais de la Mosson à Paul de Guilleminet, Conseiller à la Cour des Comptes qui, ne pouvant payer, démantèle la propriété et vend les matériaux.

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Les plus beaux décors sont démontés: leur qualité attire des acquéreurs de toute la région qui les installent dans leurs propriétés: la grille d’entrée et certaines sculptures au château de l’Engarran, des boiseries et ferronneries au château d’Assas, des portes au château de Fontmagne, des boiseries dans un hôtel particulier de Montpellier…

 

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Parmi les fabuleuses sculptures qui peuplaient le parc, certaines se retrouvent aujourd’hui dans les jardins de la Fontaine de Nîmes aménagés au XVIIIe siècle. On y reconnaît notamment de belles statues attribuées à Nicolas Adam comme Diane et Dionysos.

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De magnifiques vases de marbre qui jalonnaient jadis les allées du parc de la Mosson se retrouvent aussi au jardin de la Fontaine. Cet ensemble permet d’imaginer un peu la magnificence du domaine de Joseph II Bonnier à sa mort.

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Les aménagements du jardin se sont poursuivis après la fin des travaux du château. Un buffet d’eau a été construit à gauche du château, le long d’un vaste mur en bordure du parc. Ce chef-d’œuvre d’architecture rocaille a souffert du temps mais il demeure grandiose par ses proportions et son décor. Attribué à l’architecte montpelliérain Jean Giral, c’est une œuvre monumentale de 100 mètres de long et 12 mètres de hauteur. Il est une des rares compositions de ce type à être conservées en France. Elle se compose d’un corps central comprenant une niche monumentale, flanqué de part et d’autre d’ailes creusées chacune de huit niches, abritant une vasque en forme de coquille.

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Un Neptune et six corbeilles de fruits de mer coiffent la fontaine centrale. Des trophées garnissent les panneaux latéraux contre lesquels s’adossent deux personnages à demi allongés, symbolisant le Lez et la Mosson.

Sous la voûte centrale en demi-cul de four, l’eau se déversait successivement dans trois coquilles de pierre, puis dans la vasque avant de glisser dans le vaste bassin.

Les maçonneries étaient à l’origine crépies de mortier rose parsemé de coquillages, de petits morceaux de quartz et de concrétions de grottes.

Ces concrétions sculptées donnait à l’ensemble l’effet aquatique que l’on appréciait tant à l’époque et dont le prototype est sans doute le grand buffet des jardins de Versailles. Ce magnifique morceau d’architecture permet d’imaginer le raffinement apporté à l’aménagement du jardin.

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Les petites fontaines latérales étaient alimentées par un canal situé à l’arrière de l’ouvrage sur lesquelles étaient branchées des descentes en terre cuite qui alimentaient les vasques en forme de coquille.

Par son ampleur et la très grande qualité de la sculpture et des ornements, le buffet d’eau de la Mosson est reconnu comme la référence de ce type d’ouvrage dans l’art des jardins du Midi de la France. Il a servi de modèle à quantité de buffets nettement plus modestes comme celui de la Mogère déjà évoqué précédemment. Il fut construit peu après et donne une bonne idée de ce que devait être son grand frère.

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Des fouilles effectuées en 1986, des plans et des vues aériennes attestent de l’existence d’un canal et d’ouvrage d’abduction d’eau qui alimentaient les bassins et la cascade de rocaille.

La transformation du domaine en terres agricoles entraîna la destruction du canal et des bassins. Seuls quelques groupes sculptés épargnés par les ventes des biens du château rappellent la splendeur des jardins conçus en relation étroite avec le château.

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Le château faisait partie d’un vaste ensemble composé de bâtiments seigneuriaux. Les communs précédaient la cour d’honneur et encadraient de part et d’autre l’allée qui y conduisait. L’aile droite est en partie démolie tandis que les communs de l’aile gauche ont été transformés en habitations particulières entre les XVIIIe et XIXe siècles.

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La réunification du domaine a commencé au début du XXe siècle. En 1982, il est acheté par la ville de Montpellier et classé au titre des Monuments Historiques en 2003. Des campagnes de restauration ont tenté de sauvegarder ce qu’il reste de la grandeur passée du domaine. (Un grand merci à Francky pour ce reportage –  Sources: Groupe de Recherche Art Histoire Architecture et Littérature, Fonds documentaire du musée Fabre, DR. – Photos: Francky et DR)